Faciliter le diagnostic du cancer du sein avec MammoNote

Le cancer du sein touchera une femme belge sur huit, à un moment ou un autre dans sa vie. Parce qu’un diagnostic précoce augmente les chances de survie, le dépistage est recommandé. Raison pour laquelle a été mis sur pied le programme de dépistage du cancer du sein  (Mammotest) en Belgique. Et toutes les initiatives pour en améliorer la qualité sont bienvenues : c’est pour cela que le MammoNote, un projet ambitieux débuté dans les laboratoires de l’Institut des technologies de l’information et de la communication, de l’électronique et des mathématiques appliquées de l'UCL, représente un progrès indéniable.

Depuis le début des années 2000, les autorités ont mis sur pied un programme de dépistage systématique, à l’intention de toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans. Car les études ont démontré que ces programmes de dépistage organisés et généralisés font diminuer la mortalité, jusqu’à 30% ! Cette forme de dépistage, ou plutôt de détection précoce, cependant, comporte des exigences particulières, notamment la double lecture. La première est réalisée par le radiologue du centre où la mammographie a été réalisée, la seconde par un radiologue du centre de coordination. C’est Brumammo qui se charge de la seconde lecture des clichés envoyés par les centres agréés de la Région de Bruxelles Capitale tandis que le Centre Communautaire de Référence se charge des clichés transmis par les centres agréés situés en Wallonie. Ces deux centres de coordination sont en effet ceux qui organisent le programme de dépistage auprès de la population belge, en plus de leur homologue flamand.

Du CD-Rom au MammoNote

C’est justement ce partage des clichés entre le centre de dépistage et le centre de référence qui doit pouvoir être effectué de la manière la plus fiable possible. « Le transfert des données collectées par le centre qui s’est chargé de la mammographie pour la première lecture et le centre de référence pour la deuxième s’est effectué jusqu’ici par l’envoi d’un CD-Rom et des documents écrits par la poste. Outre le risque de perte en cours de route, un risque d’erreur d’association entre le rapport écrit et le CD-Rom n’est pas exclu », relève Vincent Nicolas, CEO d’Intuitim, une spin-off de l’UCL qui a vu le jour en 2012. Celle-ci a vu le jour suite au projet de recherche mené par Vincent Nicolas, lorsqu’il était chercheur à l’Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics (ICTEAM) de l’UCL. C’est grâce aux fonds Innoviris (anciennement IRSIB, un fonds bruxellois d’aide à la recherche et l’innovation) qu’elle a pu voir le jour. Mais surtout grâce à un programme particulièrement innovant, pour améliorer la qualité du dépistage et favoriser l’échange d’informations.

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Améliorer le diagnostic

Depuis plusieurs années, Vincent Nicolas et son équipe ont en effet cherché à faciliter le diagnostic par les radiologues et améliorer l’échange des informations entre le centre qui a réalisé la mammographie et le centre de coordination, chargé de la seconde lecture. C’est ainsi qu’ils sont arrivés à créer une station qui facilite l’annotation et le diagnostic des lésions objectivées sur des images digitales de mammographie. « Lorsque le cliché s’affiche sur l’écran, avec l’aide d’un stylet, le radiologue peut annoter rapidement ce qu’il objective directement sur le cliché. Il lui suffit d’utiliser les icônes qui reprennent les termes standards et de les déposer au plus près de l’endroit où l’anomalie a été observée. Il n’y a donc plus besoin d’utiliser un enregistreur vocal, par exemple, et il est ainsi possible, pour le radiologue qui recevra ce cliché annoté, de balayer en un coup d’œil ce qui a été observé par le premier radiologue, du centre choisi par le patient pour le dépistage et de découvrir en parallèle son protocole », explique le chercheurLe prototype a été d’abord testé à l’Institut Bordet et aux Cliniques universitaires Saint-Luc, en collaboration avec le centre de coordination wallon. Des adaptations ont été réalisées sur base de ces expériences en situation réelle. Ensuite, une quinzaine de cliniques réalisant des mammotests ont été impliquées pour une phase de test.

                                                                                docteur avec une tablette

Transmission sécurisée et annotations numérique

Si la qualité de l’image est comparable aux appareils existants, la spécificité du MammoNote tient donc dans la structuration de l’information relevée par le radiologue chargé d’analyser les clichés et la possibilité d’effectuer des annotations numériques. « La transmission des clichés annotés se fait de manière informatique sécurisée au centre de coordination. Le risque de perte des informations est dès lors nul, ainsi que celui de mélanger les notes et les clichés. Seules les personnes habilitées peuvent également avoir accès à ces informations personnelles. Par ailleurs, ces clichés annotés vont aussi faciliter le suivi dans le temps et la comparaison des clichés d’une même patiente », explique Vincent Nicolas. Il sera aisé d’accéder immédiatement aux annotations des clichés pris antérieurement, puisqu’ils seront insérés sur le cliché. Et l’on sait l’importance pour un radiologue de pouvoir comparer les clichés qui ont été pris les années précédentes.

D’autres pays intéressés

Cette technologie rapide, intuitive et fiable séduit d’ailleurs bon nombre de centres de dépistage, en Belgique comme ailleurs : « Aujourd’hui, globalement, nous estimons qu’une dizaine de centres ainsi qu’une série de sénologues utilisent notre plateforme, en Belgique. Nous avons également intéressé le ministère luxembourgeois de la Santé qui organise également un programme de dépistage de type Mammotest. Six hôpitaux ont dès lors acheté ce produit. Nous cherchons donc à promouvoir le MammoNote dans d’autres pays organisant un programme de dépistage, comme la France ou la Suisse. Les Pays-Bas et l’Allemagne sont d’autres marchés possibles », conclut Vincent Nicolas. Ce progrès pourrait dès lors améliorer encore le diagnostic et éviter les faux positifs et faux négatifs, par un transfert plus efficace des données, qu’elles soient sous forme de clichés d’imagerie ou de protocoles. Au plus grand bénéfice des femmes !

Carine Maillard

Coup d'oeil sur la bio de Vincent Nicolas

Vincent Nicolas Intuitim

Entre 1997 et 1998, lors de ses candidatures en informatique aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur, Vincent Nicolas s’est tout de suite dirigé vers l’informatique. Ce qui le mènera à suivre un Bac en informatique de gestion à l’Institut Paul Lambin, se spécialisant en intelligence artificielle. De 2002 à 2013, il occupe un poste de chercheur analyste-programmeur, dans le traitement des images médicales au Laboratoire de Télécommunication et Télédétection de l’UCL (ICTEAM/ELEN). Au départ chargé de l’implémentation des outils de recherche, il a pris part à plusieurs tâches de gestion de l’informatique du laboratoire, devenant ensuite gestionnaire de plusieurs projets de recherche. Il a en outre contribué à l’encadrement de nouveaux chercheurs impliqués dans l’imagerie médicale. Il a décroché par ailleurs un DES en Management, à l’ICHEC en 2012, année où il créera la spin-off Intuitim.

Publié le 25 avril 2016