Réussir à se servir de l’éolien et du photovoltaïque comme unique source d’énergie même en l’absence de vent et de soleil, tel est l’objectif du projet FREE. Passage obligé pour y arriver : développer une stratégie efficace de stockage des énergies renouvelables !
Les éoliennes et les panneaux photovoltaïques ont fait leurs preuves en matière de production d’énergie renouvelable. Cependant, ils ont un sérieux talon d’Achille : le besoin impératif de vent ou du soleil pour fonctionner… Impossible donc de se reposer uniquement sur ces deux sources pour assurer tout au long de l’année les besoins en énergie d’un village et encore moins d’un pays. « Actuellement, le stockage d’énergie dans des batteries se développe à petite échelle mais elles ne sont pas assez performantes économiquement pour stocker de larges quantités d’énergie sur de longues périodes. L’idée du projet FREE est donc de se tourner vers des vecteurs chimiques capables d’être restitués sous différentes formes en fonction des besoins des consommateurs», explique Hervé Jeanmart, professeur à l’Institute of Mechanics, Materials and Civil Engineering (UCL).
Le stockage chimique, la solution ?
« Le stockage chimique est, sur papier, relativement simple : on transforme l’excès d’électricité pendant les périodes de surproductivité de l’éolien et du photovoltaïque en hydrogène par électrolyse de l’eau. Ensuite, cet hydrogène peut être soit stocké, soit transformé en méthane, méthanol ou ammoniac. Ces combustibles sont enfin stockés et réutilisés pour produire de l’énergie quand cela s’avère nécessaire. » Le principe du stockage chimique est séduisant mais il n’est pas encore suffisamment au point pour être exploitable au quotidien.
FREE, un projet interuniversitaire
C’est là qu’Hervé Jeanmart et ses collègues de l’Université de Mons, de l’ULB, de la VUB et de l’Université de Gand entrent en jeu ! Leur point commun ? Leurs compétences dans le domaine de la combustion. Conscients de cette palette d’experts disponibles en Belgique, Hervé Jeanmart et Francesco Contino, de la VUB, ont eu l’idée de mettre sur pied un projet de recherche interuniversitaire qu’ils ont baptisé FREE pour Flexible eneRgy vEctors of the futurE. « En collaborant sur ce sujet, nous augmentons nos chances d’obtenir de bons résultats rapidement. » Le projet, coordonné par Véronique Dias, est partiellement financé par ENGIE Electrabel et par le Fonds National de la Recherche Scientifique.
Un modèle à l’échelle d’un quartier résidentiel
Pour que ces travaux s’inscrivent dans un cadre réaliste, les chercheurs sont chargés de mettre en place un système capable d’assurer la production, le stockage et la distribution d’électricité et de chaleur au niveau d’un quartier résidentiel. Plus précisément, il s’agit de travailler sur trois axes :
- Une étude approfondie des recherches déjà effectuées sur la production de combustibles à partir d’énergies renouvelables, sur les moyens de stockage et sur la redistribution afin de dimensionner les installations de stockage.
- Une étude sur l’efficacité des vecteurs chimiques comme combustibles dans un moteur à gaz utilisé pour une cogénération.
- Une recherche sur la valorisation du CO2 émis par les turbines à gaz pour la production du méthane et du méthanol et l’amélioration des performances de ces turbines.
Quelle stratégie de stockage ?
Au sein de l’UCL, les chercheurs impliqués sont plutôt spécialisés dans l’exploitation de ces vecteurs que dans leur production. Ils se concentrent notamment sur la distribution de l’énergie stockée entre les différents vecteurs : quels sont les mélanges adaptés aux cogénérations? Dans quelles proportions ? Ou encore, quelles doivent être les propriétés de ces mélanges pour assurer une bonne combustion le moment venu ? « Pour ce faire, nous nous intéressons aux moteurs HCCI, c’est-à-dire des moteurs qui combinent les avantages des moteurs classiques. Ils ont ainsi un bon rendement et un taux de pollution relativement bas. » L’UCL se penche également sur la stratégie globale de stockage : « L’idéal en matière de stockage est de combiner plusieurs technologies ; celles à court terme qui fonctionnent déjà très bien et celles à long terme qui doivent encore être mises au point. Notre travail est donc d’établir des bilans énergétiques dynamiques pour déterminer le meilleur équilibre entre les technologies de stockage. »
Une réflexion globale essentielle
Hervé Jeanmart insiste également sur le fait que tout cela ne sera possible que si une réflexion globale, notamment de la part des pouvoirs publics, l’accompagne. « Les résultats qui découleront de nos recherches ne seront pertinents que si en parallèle une réduction globale de la consommation est planifiée et mise en œuvre. Les consommations actuelles sont trop importantes par rapport au potentiel des énergies renouvelables même avec un stockage optimisé. Il faudrait notamment effectuer un gros travail sur l’isolation des bâtiments et sur le transport. Enfin, il faut aussi que les énergies renouvelables soient bien plus massivement développées en Belgique », conclut le chercheur.
Elise Dubuisson
Coup d'oeil sur la bio d’Hervé Jeanmart