L’écoresponsabilité, un jeu d’enfant

 

Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes et les décideurs de demain. Et dans ce monde en transition, ils peuvent faire bouger les choses dès leur plus jeune âge. En matière de protection de notre planète par exemple. Comment ? En arborant fièrement l’étiquette « ecofriendly ». Karine Charry, chercheure à l’UCLouvain démontre que les enfants qualifiés d’écoresponsables par leur entourage adoptent plus spontanément des comportements pro-environnementaux.

« Tu es quelqu’un qui se soucie de l’environnement ». Ce genre d’étiquette sociale attribuée à une personne sur base de son comportement ou ses déclarations préalables peut influencer sa façon de consommer. L’experte l’a constaté. Le mécanisme a déjà été étudié chez les adultes, souvent de façon très théorique. Analyser l’efficacité de ce type de label « ecofriendly » sur les enfants représente une démarche originale. Pourtant ceux-ci deviennent de plus en plus autonomes dans leurs choix de consommation. Ils ont aussi une influence grandissante sur les comportements de leur famille et de leurs copains ou copines. « Qualifier les enfants de « respectueux de la planète » les motive à agir en faveur de l’environnement », explique Karine Charry du Louvain Research Institute in Management and Organizations (LouRIM), l’autrice de l’article publié dans le Journal of Environmental Psychology, en collaboration avec Béatrice Parguel, chercheure CNRS. « Les seuls mots peuvent jouer un rôle très important, et être parfois plus engageants que les politiques coercitives » ajoute-t-elle.

Insuffler un message positif

L’étude est basée sur la théorie de l'étiquetage social. La technique consiste à souligner les qualités d’une personne, à lui « coller » une étiquette positive dans le but de provoquer chez elle des comportements cohérents avec celle-ci. Si l’étiquette sociale est en accord avec ce que l’individu pense de lui-même et avec ses valeurs, il intègre ces traits de personnalité valorisés comme étant les siens. Les comportements qu’il va adopter persisteront dans le temps. Et plus la personne aura une perception claire et stable d’elle-même, moins elle sera à priori influencée par des pressions externes, plus la méthode sera efficace. Un étiquetage bien mené n’est en effet pas perçu comme une tentative d’influence extérieure. Ce processus démontré chez l’adulte peut-il être appliqué aux enfants ? C’est l’hypothèse sur laquelle se sont basées les chercheures.  

Le poids des mots

L’expérience s’est déroulée en 3 phases. Première étape : les enfants âgés entre 8 et 12 ans répondent à un questionnaire très large sur leurs habitudes de vie. « Le but était de nous permettre d’évaluer leurs prédispositions en général, leurs types de comportements et leurs centres d’intérêt, mais aussi leur sensibilité à l’environnement », explique Karine Charry. Les chercheures ont également estimé dans cette phase la perception que les enfants avaient de leur propre personnalité.
Etape 2 : les enfants sont divisés en deux groupes équivalents en termes d’âge, de genre, de niveau socio-économique et de sensibilité à l’environnement. Le premier est qualifié d’« ecofriendly », l’autre non. « Aux premiers, nous avons dit : grâce au questionnaire rempli la semaine dernière, nous avons appris des tas de choses sur vous et constaté que chacun d’entre vous était un enfant soucieux de la nature. Mais nous voulons en apprendre plus sur ce qui vous passionne dans la vie », développe Karine Charry. C’est ce qu’on appelle l’étiquetage. Aucune allusion à l’environnement dans le groupe 2. Tous les enfants répondent ainsi à un nouveau questionnaire et pour les remercier, ils reçoivent un cahier. Ils ont le choix entre deux options : un cahier d’une marque bien connue ou un cahier en papier recyclé sans marque. « C’est notre mesure comportementale : identifier si le simple fait d’avoir attribué ce label « écoresponsable », d’avoir souligné cette disposition pro-environnementale va inviter davantage les enfants à choisir le cahier recyclé qui est un geste pro- écologique ». Résultat ? Les 2/3 des enfants étiquetés ont pris le cahier « vert » alors que seulement un 1/3 des non-étiquetés l'ont fait. « Ce résultat est très significatif. Ce qui est encore plus intéressant, c’est que les enfants qui ont une bonne perception de leur personnalité sont les plus susceptibles de se conformer à l'étiquette ». Mesurer la clarté et la stabilité du concept de soi était le but de la phase 3. Les enfants ont dû à nouveau répondre à certaines questions pour mesurer s’ils se représentaient de manière stable dans le temps ou si leurs réponses variaient. Le constat ? « Ceux qui ont une vision très précise d’eux-mêmes sont les plus impactés par le label. C’est très stimulant pour nous parce que les individus qui ont une identité forte sont généralement moins sensibles aux messages publicitaires traditionnels qui reposent souvent sur la norme sociale ». L’étiquetage social est donc un outil efficace pour convaincre des enfants moins sensibles aux influences des autres à adopter des comportements pro-écologiques.

Compliments aux enfants

Les résultats de cette recherche ont des implications sociétales évidentes. Ils sont essentiels pour les décideurs publics ou les éducateurs. Le monde traverse une période de transition écologique. De nombreuses personnes en prennent conscience et souhaitent un changement de comportements. Comme certaines entreprises qui modifient leur mode de production et se tournent vers une économie plus respectueuse de la planète. Cette démarche à souvent un coût financier et humain important. Si les enfants adoptent une façon d’agir plus responsable de l’environnement dès leur plus jeune âge, cette attitude leur semblera moins exigeante une fois adultes. Les chercheuses prônent donc l'utilisation du protocole de labellisation sociale comme support complémentaire à l'éducation et aux outils de communication. A l’école, certainement. Le corps enseignant y est de plus en plus attentif. Mais aussi à la maison. Certains parents appliquent ce procédé spontanément en encourageant leurs enfants quand ils adoptent un comportement positif envers la planète. Un simple compliment peut stimuler efficacement les choix de consommation écologiques. Pourquoi ne pas en profiter ?

► En savoir plus sur l'étude

 

Anne Mauclet

Publié le 22 septembre 2020