Télévie: l’imagerie numérique au service de la recherche contre le cancer

La recherche se perfectionne à l’UCL grâce à des systèmes d’imagerie de pointe, financés notamment par le Télévie.

Le Télévie est un précieux soutien financier pour la recherche contre le cancer. De nombreux chercheurs de l’UCL en bénéficient. Dans le cadre de notre année thématique « Mondes numériques », nous avons décidé de faire un focus sur l’imagerie numérique au service de la lutte contre le cancer et plus particulièrement sur les recherches de Bénédicte Jordan, Maître de recherche FNRS et Professeure à la faculté de pharmacie et des sciences biomédicales de l’UCL.

« Group leader » au sein du Louvain Drug Research Institute (LDRI), Bénédicte Jordan travaille quotidiennement dans le laboratoire de Résonance magnétique biomédicale (REMA) de l’UCL, et gère la plateforme « Nuclear and Electron Spin Technologies platform » (NEST) de ce même LDRI. Elle y encadre actuellement quatre doctorants, dont trois Télévie et un FRIA. Un autre post-doctorant peut également y travailler grâce au financement d’Action de recherches concertées (ARC) de l’UCL.

L’imagerie numérique est de plus en plus utilisée dans les diagnostics et traitements actuels. « J’utilise effectivement l’imagerie numérique dans mon quotidien de chercheuse, confirme la professeure. C’est principalement l’Imagerie par résonance magnétique (IRM) à laquelle j’ai recours. Je l’utilise pour mes recherches dans deux contextes : celui de l’amélioration de l’efficacité de la radiothérapie, mais aussi dans l’étude des flux métaboliques dans la tumeur, lorsqu’elle est combinée à un système d’hyperpolarisation. »

Une expertise venue des Etats-Unis

Bénédicte Jordan et son équipe peuvent se targuer de mener leurs recherches par le biais d’une technologie de pointe : un système d’imagerie du métabolisme que la professeure Bénédicte Jordan a pu financer par le truchement du FNRS. « J’ai importé l’expertise de ce système depuis les États-Unis, explique-t-elle. Avec l’aide du Docteur Lionel Mignon, un post-doctorant de mon groupe venu des États-Unis pendant sa thèse, je peux affirmer utiliser un système unique en Belgique dans la plateforme NEST du LDRI. C’est actuellement le Docteur Lionel Mignion qui la gère sur le terrain. »

Cette machine permet de suivre des flux métaboliques en temps réel in vivo grâce au suivi de substrats enrichis en 13C et dont le signal est amplifié par « hyperpolarisation » (ou DNP pour Dynamic Nuclear Polarization System). Rendus visibles in vivo, ces flux sont ensuite imagés par spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN). Le suivi de la conversion du substrat enrichi en 13C injecté, sorte de « repas » de la cellule tumorale, permet d’identifier les principales sources d’énergies utilisées par celle-ci afin de proliférer. L’objectif ? « Améliorer l’efficacité des traitements anticancéreux pour les patients en observant de quoi la tumeur se nourrit pour proliférer, avance la professeure. Grâce à ce procédé, je travaille plus spécifiquement sur l’identification des voies métaboliques qui permettent aux cellules tumorales de résister aux thérapies ciblées. Une telle technique entre dans le cadre de la recherche d’optimisation de traitements du mélanome, du cancer du sein ou des tumeurs de la tête et du cou. »

Améliorer les thérapies ciblées

Aujourd’hui, les résultats obtenus grâce aux modèles tumoraux directement dérivés de tumeurs de patients, en collaboration avec les Professeurs Jean-Pascal Machiels et Sandra Schmitz (IREC, UCL) sont prometteurs. La chercheuse a notamment montré en laboratoire l’importance d’un élément dans le processus de la glycolyse, qui permet l’assimilation du glucose et donc la production d’énergie d’une cellule tumorale. Un récepteur davantage exprimé stimule la prolifération des cellules malignes dans les tumeurs de la sphère ORL. Ce récepteur, appelé « Epidermal Growth Factor Receptor » (EGFR) est ciblé par des inhibiteurs spécifiques, mais pour lesquels un phénomène de résistance aux traitements des thérapies ciblées est régulièrement observé. « Nous avons pu montrer que les tumeurs répondant à cet inhibiteur voient une diminution de la glycolyse, tandis que les tumeurs résistantes au même traitement ont pu réactiver ce flux métabolique pour survivre, conclut la professeure. Ceci ouvre la porte à l’identification de combinaison de traitements ciblant à la fois ce récepteur et le métabolisme tumoral. »

« le système d’hyperpolarisation permet d’amplifier le signal en spectroscopie RMN du 13C (carbone 13) d’un substrat d’intérêt (par exemple ici du 13C-pyruvate), qui est ensuite directement injecté à la souris porteuse d’une tumeur dérivée de patient (« patient-derived tumor xenografts ou PDTX ») qui est elle-même imagée grâce à une IRM (imagerie par résonance magnétique) et analysée dans ce même imageur par spectroscopie du 13C, pour analyser la conversion du pyruvate en ses différents métabolites (lactate et alanine). En étudiant de la sorte des tumeurs traitées ou non avec une thérapie ciblée, nous pouvons comparer les voies métaboliques modulées par l’administration du traitement et ainsi ouvrir la porte à de nouvelles combinaisons de traitements, ciblant le métabolisme. »

 

 

Entretien

Qu’est-ce que le Télévie vous a permis de réaliser ?

C’est grâce au Télévie que le laboratoire a pu engager des doctorants sur ces projets d’imagerie. Or, ce sont les doctorants qui font avancer la recherche sur le terrain…75% des thèses chez nous au laboratoire REMA sont financées par le Télévie. C’est ce financement qui m’a permis de démarrer un petit groupe de recherche. Et sans ce financement et celui du FNRS, pas de pareil outil d’imagerie : ces machines sont extrêmement coûteuses.

Pourtant, une telle technologie est aujourd’hui nécessaire pour avancer dans la recherche.

Pour ceux qui s’intéressent au métabolisme tumoral, oui : elle est indispensable ! C’est grâce à elle que nous étudions comment améliorer l’efficacité des traitements pour les patients atteints d’un cancer. Nous cherchons pourquoi ces tumeurs résistent aux nouvelles thérapies ciblées. Comme je m’intéresse particulièrement au métabolisme des tumeurs, c’est ce que j’ai davantage observé. Ce système d’imagerie a alors révélé que ces cellules tumorales ont la capacité de changer de sources d’énergie pour survivre !

Quel est l’avenir de cette découverte pour le patient ?

Le but est de parvenir à combiner les thérapies ciblées avec des traitements qui viseraient ces voies métaboliques pour gagner en efficacité de traitement. Nous en sommes encore au niveau pré clinique. Toute recherche en laboratoire met au minimum une dizaine d’années avant d’arriver directement au patient. Mais c’est en bonne voie…

 

Marie Dumas

 

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FNRS-News Spécial Télévie - Mars 2018

 

 

Coup d'oeil sur la bio de Benédicte Jordan

Née en 1976, à Charleroi, Bénédicte Jordan réalise sa thèse de doctorat dans le domaine de l’hypoxie tumorale à l’UCL sous la direction du professeur Bernard Gallez (LDRI, UCL) de 1999 à 2002. Après un post-doctorat à l’Arizona cancer center aux Etats-Unis en 2003-2004 portant sur l’identification de marqueurs de réponse aux thérapies ciblées en imagerie, sous la direction du Dr Robert J. Gillies (Directeur d’un centre d’imagerie du cancer), Bénédicte Jordan se spécialise dans l’imagerie de la réponse tumorale aux traitements anti-cancéreux. En 2007, elle obtient le grade de chercheur qualifié du FNRS pour poursuivre sa recherche au Louvain drug research institute (LDRI). En 2012, elle refait un séjour scientifique américain, au Moffitt cancer center de Floride. Le but : se spécialiser dans l’imagerie du métabolisme tumoral. Grâce à cette expertise et un appel à financement FNRS, elle a pu financer un système d’imagerie identique pour le laboratoire de Résonance magnétique biomédicale (Rema) de l’UCL en 2014. En 2015, Bénédicte Jordan obtient le grade de Maître de recherches du FNRS, et de professeur à l’UCL en 2017.
 

Publié le 19 avril 2018