Les fuels synthétiques, futur énergétique

La transition énergétique, concrètement. C’est ce sur quoi se sont penchés le professeur Hervé Jeanmart et son équipe à l’UCLouvain pendant trois ans. Avec un consortium de cinq universités, ils ont répondu en 2015 à un appel à projet d’Engie, portant sur le futur de l’énergie et des différents vecteurs mobilisables une fois l’énergie stockée.

Le projet Flexible eneRgy vEctors of the futurE (FREE), conclu fin 2018, a permis de remettre au centre des préoccupations de la recherche en transition énergétique un thème qui s’apprête à jouer un rôle majeur : le stockage de l’énergie électrique associé aux sources renouvelables fluctuantes. Parmi ses conclusions, l’envie d’aller plus loin : le professeur Jeanmart a répondu à un nouvel appel à projet dont il attend les résultats : celui du Fonds de transition énergétique du Service public fédérale (SPF) Economie.

« Couplée avec le stockage d’énergie, l’électrification de nos consommations est une clé de la transition en parallèle au développement d’autres réseaux comme les réseaux de chaleur et ceux liés aux filières de combustibles renouvelables », explique le professeur Jeanmart. Dans le cadre de ses recherches, ce dernier s’est concentré sur une technique particulière de stockage : les fuels synthétiques. Cette forme de stockage chimique est utilisée dans le « power to fuel », une technique qui consiste à produire des combustibles comme l’hydrogène, l’ammoniac, le méthane ou le méthanol à partir d’excès d’énergie renouvelable. « Cette technologie est destinée au stockage de grandes quantités d’énergie à long terme et donc pour des systèmes qui possèdent une part importante de production renouvelable, contextualise le professeur. Le potentiel de ces « electrofuels » doit encore être évalué avec précision. »

Des questions concrètes en suspens

C’est cette évaluation que le projet FREE a entreprise. La première partie portait sur les coûts énergétiques et économiques de production, de stockage, de transport et de restitution de ces quatre combustibles issus du « power to fuel » : le méthanol apparait comme le carburant le moins cher à produire, mais l’ammoniac reste concurrentiel. La deuxième a conclu à l’efficacité d’utilisation de ces mêmes combustibles dans un moteur à gaz « multifuel ». Une troisième partie a exploré des cycles modifiés de turbine à gaz en vue de la capture du CO2.

« L’objectif de nos recherches était de déterminer combien coûte la production de ces différents « electrofuels » et avec quel rendement, explique le chercheur principal. Le financement d’Engie a permis de lancer deux doctorats sur ces différentes évaluations. » Trois ans plus tard, le rapport remis, des questions subsistent dans la tête des chercheurs : « Le temps passe si vite !, sourit le professeur Jeanmart. Nous souhaitions aller plus loin, d’où la réponse à l’appel à projet du SPF Economie. Nous cherchions à répondre à des questions concrètes pour les pouvoirs publics : quelle va être la contribution de ces fuels synthétiques dans le système énergétique belge ? Dans nos modèles actuels, ces fuels deviennent nécessaires dès que l’on souhaite réduire nos émissions de CO2 de manière conséquentes – 75% a minima. Nous n’atteindrons ce seuil que vers 2030 ou 2040… Mais cela permet de planifier à long terme comment obtenir et gérer ces fuels, capitaux pour notre futur énergétique. Aurons-nous besoin de les importer ou pourrons-nous les produire nous-même ? Comment minimiser les coûts du système énergétique, tout en satisfaisant les besoins des citoyens ? Seule la recherche pourra nous le dire. »

Marie Dumas

Coup d'oeil sur la bio de Hervé Jeanmart

hervé jeanmart

Hervé Jeanmart est professeur à l’école polytechnique de l’UCLouvain et membre de l’institut de mécanique, matériaux et génie civil (IMMC). Ses domaines de recherche sont les machines thermiques, la valorisation énergétique de la biomasse et les systèmes énergétiques.

1996 Ingénieur civil mécanicien (UCLouvain)

2002 Doctorat en sciences de l’ingénieur (UCLouvain)

2003 Séjour Post-Doctoral à l’ITLR (Université de Stuttgart)

Depuis 2004 Professeur à l’UCLouvain dans le domaine de l’énergie et des machines thermiques

 

Publié le 06 juin 2019