Une nouvelle molécule pour prévenir les métastases

Le Pr Pierre Sonveaux et son équipe de l’Institut de Recherche Expérimentale et Clinique (IREC) du l’UCL ont identifié une nouvelle molécule capable de prévenir les métastases. Il y a trois ans, le chercheur avait déjà validé une première molécule grâce à des tests concluants menés sur des souris. L’équipe double donc les chances de mettre au point un traitement efficace contre l’apparition des métastases.  

Les métastases sont responsables de 90% des décès par cancers. Tel est le sombre constat qui a poussé le Pr Pierre Sonveaux à travailler ces dernières années au développement de nouveaux traitements anti-métastatiques. Chaque jour, son équipe cherche à mieux comprendre le métabolisme tumoral, c’est-à-dire les mécanismes par lesquels les cellules cancéreuses sont capables de produire l’énergie et les blocs de construction moléculaires nécessaires à leur survie et à leur prolifération. En trois ans, le Pr Pierre Sonveaux a identifié deux molécules qui, du moins chez la souris, permettent d’éviter qu’un cancer se généralise.

Les métastases, au cœur de l’étude

Un cancer commence par le développement des cellules cancéreuses. Lorsque ces cellules se multiplient, une tumeur apparaît. Plus ces cellules se multiplient, plus la tumeur grossit. à un stade avancé de la maladie, certaines de ces cellules peuvent s’échapper de la tumeur et partir coloniser d’autres organes. Ces cancers « secondaires » sont appelés des métastases et sont au cœur du travail du Pr Sonveaux.

L’altération des mitochondries : le point de départ  

Au début de ses recherches, Pierre Sonveaux compare une cellule tumorale capable de métastaser à une autre qui n’en est pas capable. Plus précisément, il se penche sur les mitochondries, « ces usines énergétiques qui permettent à la cellule de produire de l’énergie à partir d’oxygène et de sucre », définit le Pr Sonveaux. Il note très vite que lorsque le fonctionnement des mitochondries des cellules tumorales est altéré, les mitochondries favorisent la migration de cellules et la formation de métastases. La cause de cette altération : la surproduction d’un agent appelé « superoxyde ».

En 2014 : le MitoQ, une première mondiale  

Sur la base de ce constat, l’équipe de chercheurs part à la recherche de molécules qui seraient capables d’inactiver ce superoxyde. Après de nombreux tests sur des souris porteuses de cancers notamment humains, en 2014, Pierre Sonveaux et son équipe identifient une première molécule : le MitoQ. « A l’époque, il n’y avait aucune stratégie spécifique qui permettait d’empêcher qu’un cancer se généralise. C’était une première mondiale », raconte le chercheur. Cette molécule avait été créée par d’autres chercheurs pour d’autres applications.

En 2017 : « On double les chances de trouver un traitement »

Trois ans plus tard, le 4 décembre 2017, l’équipe du Pr Sonveaux annonce avoir identifié une seconde molécule capable d’inactiver le superoxyde. Son nom ? catéchine:lysine 1:2, issue d’une plante originaire d’Indonésie. « Cette molécule, conçue à l’origine par le Dr Paul Niebes, agit de la même façon que la première », explique le Pr Sonveaux, « Il s’agit donc d’un second candidat pour faire un médicament potentiel. Nous doublons ainsi nos chances de trouver un traitement », poursuit-il, enthousiaste. Les deux molécules trouvées jusqu’ici sont extrêmement précises et peuvent se diriger vers les cellules capables de métastaser : « Ce sont un peu des têtes-chercheuses qui s’accumulent non seulement dans les cellules cancéreuses, mais aussi au bon endroit à l’intérieur de ces cellules », précise-t-il.

               catechin lysine Sonveaux                                     métastases Sonveaux

Un pas important dans la lutte contre le cancer

Aujourd’hui, le Pr Sonveaux peut affirmer, dans le domaine expérimental du moins, qu’il est possible d’empêcher qu’un cancer ne se généralise chez la souris, grâce à deux molécules différentes. C’est un pas important dans la lutte contre le cancer. Mais ce n’est que le début d’un travail de longue haleine qu’il reste encore à fournir : « Maintenant, nous allons poursuivre nos recherches sur les souris. Nous allons déterminer sur quel(s) type(s) de cancer(s) chaque molécule agit. Ensuite, nous allons combiner l’administration de chacune des molécules avec les traitements classiques contre le cancer, tels que la chimiothérapie. Nous pourrons ainsi évaluer les effets secondaires et tester la compatibilité de ces traitements », détaille le chercheur.

Essais cliniques : c’est pour quand ?

Pour le moment, les résultats, certes enthousiasmants, ne concernent que certaines tumeurs humaines greffées sur des souris. A quand les essais cliniques sur les êtres humains ? « Evidemment, c’est difficile à prédire », répond le Pr Sonveaux, « Toutefois, si la molécule s’avère être efficace, nous envisagerons bien entendu des essais cliniques. Mais ce n’est pas encore d’actualité. » Quel que soit l’avenir réservé à ces deux molécules, avec cette étude déjà, le Pr Sonveaux prouve que prévenir les métastases est aujourd’hui un objectif atteignable.
 

Lauranne Garitte
 

La recherche du Pr Pierre Sonveaux sur le catéchine:lysine 1:2 a été principalement financée par le Télévie, un conglomérat de sociétés pharmaceutiques (VALORE et BePharBel) ainsi que par le F.R.S.-FNRS.

 

 

Coup d'oeil sur la bio de Pierre Sonveaux

Pierre Sonveaux

Pierre Sonveaux est Professeur de Pharmacologie et Maître de Recherche du F.R.S.-FNRS au Pôle de Pharmacologie du Secteur des Sciences de la Santé de l’UCL. Après de études de Pharmacie, il a effectué un post-doctorat à l’université de Duke en Caroline du Nord. Il est l’actuel Directeur du groupe de recherche du métabolisme des tumeurs à l’UCL. Le Professeur Sonveaux est l’auteur de plus de 90 publications scientifiques dans des revues internationales et lauréat de prix scientifiques renommés comme le prix biennal de la Société Belge des Sciences Pharmaceutiques, le prix Galien de Pharmacologie, un Highy Commended Award de l’Association Européenne de Recherche contre le Cancer (EACR) et le prix d’Oncologie de la Fondation AstraZeneca. Ses recherches ont également été primées à plusieurs reprises par l’Académie Royale de Médecine de Belgique. Il est Officier de l’Ordre du Mérite Wallon.

Publié le 14 décembre 2017