Planer pour comprendre l’aérodynamique

Comprendre le vol des oiseaux pour gagner en efficacité énergétique : c’est l’un des objectifs de Philippe Chatelain. Cet enseignant-chercheur à l’UCLouvain s’est passionné pour la compréhension des vols « en V » qui permettent aux oiseaux de se déplacer, sans interruption, sur d’impressionnantes distances. Pour mieux les comprendre et utiliser leur technique dans la recherche, Philippe Chatelain s’est découvert une nouvelle passion : le vol à voile… Un outil qui lui permet aussi de montrer à ses étudiants les conditions d’un vol parabolique. 

« C’est un vrai défi, lance Philippe Chatelain. Dans le monde, nous sommes de nombreux chercheurs à plancher sur la même question : comment prédire les performances aérodynamiques ou hydrodynamiques pour réaliser des économies d’énergie ? » La passion de Philippe Chatelain pour son objet d’études est communicative. Cet enseignant-chercheur à l’Institute of Mechanics, Materials, and Civil Engineering (iMMC) de l’UCLouvain enseigne la dynamique du vol et la propulsion aérienne aux étudiants ingénieurs. Depuis la rentrée, il propose à ses élèves une expérience pour le moins originale : reproduire les conditions d’un vol parabolique… en planeur.

 

« Un vol en planeur, c’est déjà entre dix et quinze paraboles de quelques six secondes chacune, raconte le chercheur. Par rapport aux vols paraboliques que l’on fait habituellement en avion, c’est court. Mais c’est déjà suffisant pour réaliser de courtes expériences. Parfait pour expliquer aux étudiants les notions de physique liées à l’absence de pesanteur ! »

C’est en partenariat étroit avec le docteur Vladimir Pletser, spécialiste européen en micro-gravité diplômé de l’UCLouvain en 1979 et auteur du livre Gravity, Weight and their Absence, qu’il a investi un pan de l’Aéroclub Universitaire de Louvain. « L’idée est la même que pour un vol parabolique classique, explique le docteur Pletser. Il faut partir d’une certaine altitude avec le planeur. Au pic, le pilote accélère une bonne fois vers le haut avant de lâcher les commandes…C’est en chutant, en piquant, que l’on gagne la vitesse suffisante pour reproduire un petit morceau d’une orbite elliptique autour de la terre et se mettre en apesanteur. »

Le sillage des éoliennes

« Pour comprendre comment capturer les effets de la turbulence, l’effort est international, pose le professeur Chatelain. C’est un domaine qui n’a toujours pas été résolu en physique fondamentale. » La turbulence, c’est l’aspect aléatoire des vitesses dans un écoulement. Placez une petite sonde à un endroit près d’un bâtiment, ou derrière un véhicule : la valeur indiquée sera très variable. Elle est en fait, très difficile à prédire, tant dans sa moyenne que dans ses variations.
« Ce qui m’intéresse particulièrement dans ce domaine de recherches, ce sont les systèmes qui ont un sillage, précise Philippe Chatelain. Comme une personne peut laisser son parfum dans son sillage, un système laisse une signature des forces qu’il a subies de la part du fluide : c’est le sillage. » L’objet d’étude principal du chercheur : les éoliennes. Lorsqu’elles sont en champ dans une même zone, les sillages respectifs de chacune affectent la prise du vent par les autres. Ces sillages sont caractérisés par un vent moins puissant, mais aussi par une turbulence plus intense. « L’éolienne qui se trouve derrière va alors produire moins, tout en subissant, poursuit-il. Cela use davantage les machines et, fatalement, on produit moins. Ces effets cumulés augmentent le coût de l’électricité produite. »

Sillage
Écoulement

Etudier le vol en formation

Pour maîtriser les phénomènes de sillage, Philippe Chatelain regarde la nature. Surtout les oiseaux. Observer comment ces volatiles changent de place pour que l’effort soit équitablement réparti serait la clef de la maîtrise des impacts de sillages. « Si je regarde l’éolienne « individualiste », elle soutire toute la puissance du vent pour elle seule, observe le chercheur. Mais si je regarde ce parc comme un ensemble dans lequel j’instaure un tissu d’interactions sociales entre les éoliennes… Je peux les amener à collaborer. Comment encourager les comportements collaboratifs au sein d’un groupe pour produire plus ? »

Les questions sous-jacentes sont multiples au sein de cette recherche commencée de manière multidisciplinaire il y a moins d’un an. La prochaine étape : « RevealFlight », un projet où les chercheurs ont tenté de générer sur la base d’un ordinateur le vol intégral d’un oiseau. Pour ce faire, des ingénieurs, mais aussi des biologistes : « Depuis le cerveau jusqu’au muscle, sa plume, son aile… Nous étudions l’oiseau dans le but d’arriver à un prototype idéal que nous pourrons appliquer ensuite sur des drones », s’enthousiasme Philippe Chatelain. Dans les mois qui viennent, les premières simulations de tirer les premières hypothèses… « Nous n’en sommes qu’au premières pistes, mais les perspectives sont énormes », ponctue ce passionné.

Marie Dumas

 

Coup d'oeil sur la bio de Philippe Chatelain

Philippe Chatelain est ingénieur mécanicien de l’UCLouvain (1999). Il a obtenu son doctorat en aéronautique et mathématiques appliquées à Caltech en 2005. Après avoir obtenu une position de chercheur associé à l’ETH Zurich, il est depuis 2009 professeur de mécanique aéronautique à l'UCLouvain.

Sa recherche porte sur la mécanique des fluides, les méthodes numériques lagrangiennes et leur application via le HPC à des problèmes autant fondamentaux qu’appliqués comme la bio-locomotion, l’aéronautique et l’éolien.
Les travaux dans ces deux dernières thématiques ont mené en 2013 au lancement de Wake Prediction Technologies, une spin-off qui offre des services d’étude et de modélisation de sillages.

 

Publié le 10 janvier 2019