Quels mécanismes contrôlent l’inhibition des mouvements ?

Mieux comprendre comment les mouvements sont initiés et inhibés ouvre de nouvelles perspectives de traitement pour des maladies où ces mécanismes sont perturbés comme la maladie de Parkinson ou le syndrome Gilles de la Tourette. Les explications de Marcus Missal dont les travaux ont été repris dans un numéro spécial de la prestigieuse revue Philosophical Transactions of the Royal Society B.

Alors que la maladie de Parkinson et le syndrome Gilles de la Tourette ont l’air diamétralement opposés, ils partagent un point commun : une perturbation de la délicate balance entre l’excitation et l’inhibition des programmes moteurs. Dans le premier cas, cela se manifeste par une réduction des mouvements spontanés (trop d’inhibition) et dans le second par des tics irrépressibles, grimaces et/ou des grossièretés, notamment (pas assez d’inhibition). « Alors que l’organisme devrait réussir à contrôler ces mouvements, il en est incapable », explique Marcus Missal, chercheur au sein de l’Institut des Neurosciences de l’UCL. Et c’est précisément le thème de recherche du scientifique. « Je travaille sur le contrôle moteur des mouvements des yeux, c’est-à-dire comment on les déclenche mais aussi comment on les inhibe. Cette inhibition est un aspect souvent négligé alors qu’il est essentiel et tout aussi important pour le déclenchement des mouvements. En effet, pour initier un mouvement au moment opportun, il faut être capable de l’inhiber le reste du temps ainsi que d’inhiber les mouvements qui pourraient le parasiter. Quand je donne cours, par exemple, il faut je puisse expliquer une matière à mes étudiants et parallèlement que j’inhibe toutes les autres choses qui pourraient ne pas être opportunes mais qui me passent par la tête, comme danser des claquettes ou entonner un air d’opéra. » Déclenchement et inhibition des mouvements sont donc intimement liés, ils coûtent d’ailleurs autant d’énergie à l’organisme l’un que l’autre.

Zoom sur le mouvement des yeux

Pour mieux comprendre ce mécanisme, Marcus Missal se concentre depuis plusieurs années sur les mouvements des yeux qui sont contrôlés par 6 muscles seulement sur chaque œil. Ce qui en fait un modèle relativement simple qui pourrait être ensuite extrapolé à des systèmes plus complexes. « Les mouvements des yeux doivent être très précis : s’ils ne sont pas bien contrôlés, la vision est floue et s’ils ne se produisent pas, il n’y a pas de perception visuelle possible. » Le travail du chercheur ? Étudier le rôle précis des neurones qui inhibent ces mouvements. Pour ce faire, il a enregistré l’activité électrique des neurones à l’aide de techniques électrophysiologiques. « De cette manière, nous pouvions analyser avec précision l’inhibition et l’activation précédant les mouvements oculaires. »

Anticipation et inhibition

Grâce à ses expériences, Marcus Missal a mis en évidence un mécanisme d’inhibition commun à différents types de mouvements des yeux. Il s’agit d’un mécanisme contrôlé par un système cognitif supérieur avec des notions d’anticipation et de prédiction. « Il ne s’agit pas de simplement d’inhiber un mouvement à un moment précis, le système anticipe quand cette inhibition sera nécessaire. De la même manière que nous anticipons le freinage lorsque le feu passe au rouge en fonction de la distance et du temps, par exemple. »

Quand l’anticipation fait défaut

Suite à ses travaux de recherche fondamentale, Marcus Missal et ses collègues sont parvenus à mieux comprendre un mécanisme commun à de nombreuses maladies psychiatriques : l’impulsivité. « Il s’agit d’un trait de caractère qui se manifeste par une tendance à initier une action sans préméditation et sans anticipation des ses conséquences éventuellement néfastes. Dans les cas les plus extrêmes, comme une personne atteinte d’un syndrome de Gilles de la Tourette qui va asséner une insanité sans avoir pu la réfréner. Nos travaux de recherche fondamentale nous ont permis de comprendre là où il faut agir d’un point de vue neuronal pour que l’anticipation et donc l’inhibition puissent se faire normalement. Nous avons identifié une molécule qui pourrait rétablir la délicate balance entre activation et inhibition prémotrice, en collaboration avec mon collègue Pierre Pouget de l’Institut du cerveau et de la Moelle Epinière à Paris (Salpêtrière). Elle fait actuellement l’objet d’une étude sur un modèle animal, une étude chez l’homme est en cours de préparation et un brevet a été déposé ».

Une contribution et une publication internationale

Bien que l’inhibition des mouvements soit un sujet de recherche relativement jeune, les projets se multiplient avec une volonté des chercheurs de ne pas rester seuls dans leur coin. « Des chercheurs travaillant sur l’inhibition et ses différents aspects ont mis en commun leurs connaissances au sein d’un numéro spécial de la revue Philosophical Transactions of the Royal Society B baptisé «Movement suppression: brain mechanisms for stopping and stillness». Il s’agissait notamment d’apporter une approche synthétique sur ce mécanisme au sein du règne animal. De nombreux types de recherches ont été mises en commun : des modèles mathématiques, des études cliniques, des études comportementales chez l’Homme ou encore des études électrophysiologiques comme les miennes. Ce type de collaboration est indispensable pour avancer et ouvrir de nouvelles perspectives », conclut le chercheur.

 

Elise Dubuisson

 

Coup d'oeil sur la bio de Marcus Missal

Marcus Missal

1989                  Licence en Zoologie, Faculté des Sciences, Université catholique de Louvain.

1992                  Master en Biologie. Faculté des Sciences, Université catholique de Louvain.

1993                  Médaille de l’Académie de Médecine de Belgique. Concours ordinaire régulier de la 1ère Section.

1994                  Docteur en Sciences, Faculté de Médecine, Université catholique de Louvain.

1998-2000        Long Tem Fellowship, Human Frontier Science Program, Smith-Kettlewell Eye Research Institute, San Francisco, CA.

2000-2001        Fellow of the Smith-Kettlewell Eye Research Institute, San Francisco, CA.

2002-2007        Chercheur qualifié FNRS. Professeur chargé de cours à l’UCL.

2007                  Thèse d’Agrégation de l’Enseignement Supérieur (AES), Faculté de Médecine, Université catholique de Louvain.

2007-2012        Maître de recherche du FNRS. Professeur chargé de cours nommé à titre définitif.

2010-2011        Visiting Fellow, Gonville and Caius College, University of Cambridge, UK.

Depuis 2012     Professeur à temps plein, Université catholique de Louvain.

Publié le 04 avril 2017