Retombées radioactives, quelle contamination en Europe ?

Une carte de haute résolution spatiale dévoile la distribution de la contamination des sols en Europe par le Césium 137 issu des essais nucléaires et de l’accident de Tchernobyl. Un radioélément nocif pour la santé mais aussi utile pour le traçage géologique.

Nucléaire, radioactivité…des mots qui font froid dans le dos. Tant par les contextes de guerres que par les catastrophes humaines et environnementales passés ou potentiels auxquels ils sont associés. Pourtant la radioactivité est naturellement présente sur notre planète. Nous sommes tous plus ou moins exposés à des rayonnements naturels qui ne posent aucun souci à l’environnement, notre bien-être ou notre santé. Mais c’est l’exposition à une activité radioactive anormalement élevée qui pose problème. Comme par exemple suite aux accidents nucléaires de Fukushima en 2011 et de Tchernobyl en 1986.

Essais et accidents nucléaires, une question d’altitude

Et les essais nucléaires ? Dans les années 50 et 60, beaucoup de tests nucléaires ont été effectués par la France, l’Angleterre, les Etats-Unis ou encore la Russie. « Ces essais ont été pratiqués dans une couche très haute de l’atmosphère et les éléments radioactifs, comme le césium, ont « voyagé » un peu partout dans le monde et sont retombés au sol avec les pluies ici et là dans les différentes régions du monde. Cela ne pose pas de problème car ces retombées radioactives n’ont pas une forte activité », explique Kristof Van Oost, Professeur et chercheur au Earth and Life Institute de l’UCLouvain. Par contre, le 26 avril 1986, lorsque la centrale nucléaire de Tchernobyl explose, les éléments radioactifs qu’elle contenait sont propulsés dans l’atmosphère la plus basse, la troposphère, sous les nuages, et retombent rapidement avec les pluies locales. Avec donc certaines régions, proches de la zone d’accident, beaucoup plus affectées que d’autres par les retombées radioactives et donc beaucoup plus contaminées. « Le césium 137 qui était présent à faible altitude s’est déplacé avec les mouvements de masse d’air juste après l’accident et a contaminé les sols des zones où il a plu juste après. C’est ce que nos analyses, publiées dans Scientific Reports, ont démontré avec un gain de résolution spatiale par rapport aux cartes disponibles jusqu’ici », poursuit le chercheur.

A chacun sa signature radioactive

C’est sur base de 12.000 échantillons de sols, fournis par le Joint Research Center de l’Union européenne, que Kristof Van Oost et son équipe se sont penchés sur le suivi de cet accident nucléaire pour comprendre la distribution des retombées radioactives dans les différentes régions européennes. Un travail, financé en partie par le FNRS, intéressant pour l’aspect santé publique certes, puisque le césium est toxique, mais aussi pour les recherches en géomorphologie et en datation des couches géologiques. « Le césium est un traceur qui permet de suivre le transport des sédiments, l’érosion des sols etc. Pour ce type de recherches, il est important d’avoir une bonne connaissance des radioéléments présents dans les sols. Chaque évènement nucléaire (essais nucléaires, accidents,…) a sa signature radioactive, ce qui permet d’identifier les sources des radioéléments présents dans les sols », précise le scientifique.

©Scientific Reports

Carte de distribution de la contamination

La Belgique dans le vert

Le césium 137 a une demi-vie assez courte : 30 ans. Cela signifie que ce radioélément perd la moitié de son activité radioactive en 30 ans. L’accident de Tchernobyl a donc réintroduit ce traceur dans l’environnement une trentaine d’année après les essais nucléaires. Dans l’étude publiée dans Scientific Reports, Kristof Van Oost et ses collègues montrent également que le Césium 137 présent dans les sols en Europe est en moyenne issu à 50% des essais nucléaires et à 50% de l’accident de Tchernobyl. Les cartes de distribution de la contamination montrent que les données varient fort d’une région à l’autre de l’Europe, avec en Belgique une situation dans le « vert » et une contamination plus élevée dans l’Est de l’Allemagne ou le nord de l’Italie, par exemple. Concernant le suivi sanitaire et à titre d’exemple pour se situer niveau contamination/exposition/risque, les retombées radioactives associées aux essais nucléaires et à l'accident de Tchernobyl contribuent actuellement à moins de 1% de la dose d'exposition moyenne d'un Français (plus d’informations sur les site de l’IRSN et de l’AFCN).

Auteure : Audrey Binet

 

 
 

Publié le 16 juillet 2020