Stéphanie Liénart, Award d’honneur du Télévie

En cette année 2016, les organisateurs du Télévie ont choisi de mettre à l’honneur une chercheuse active dans l’immunothérapie contre le cancer. Étudiante doctorante dans le laboratoire du Pr Sophie Lucas, Stéphanie Liénart, chercheuse à l’Institut De Duve, voit donc un bel encouragement à poursuivre dans cette voie.

Dans la lutte contre le cancer, l’immunothérapie fait partie des traitements les plus prometteurs. Nous avons dans notre organisme un moyen de lutte particulièrement redoutable : notre système immunitaire. Il est chargé de se débarrasser des intrus, comme les virus ou les bactéries mais est aussi capable de détruire les cellules cancéreuses. Dans ce cas, sa principale arme est son arsenal de lymphocytes T. Ils sont en effet capables de reconnaître les cellules cancéreuses et de les éliminer. On comprend dès lors que cette voie est dans le collimateur des chercheurs depuis plusieurs années. Le problème est que les cellules cancéreuses ont trouvé la parade et paralysent les lymphocytes T anti-tumoraux pour proliférer librement. L’immunothérapie consiste à augmenter l’efficacité des réponses immunitaires dirigées contre les cellules cancéreuses.

Réguler la réaction immunitaire

Notre système immunitaire dispose de mécanismes pour éviter des réactions immunitaires excessives qui peuvent détruire des tissus sains : « Il s’agit par exemple des lymphocytes T régulateurs, ou Tregs, à savoir un sous-type de globules blancs qui sont spécialisés dans la régulation des réponses immunes. Ils nous protègent du développement de maladies auto-immunes en inhibant les réponses immunitaires inappropriées. Les lymphocytes T régulateurs sont un frein interne au sein du système immunitaire, pour éviter qu’il ne s’emballe », explique Stéphanie Liénart.

Par contre dans le cas du cancer, c’est le phénomène inverse qui se produit : les Treg réagissent trop. « Ils vont freiner des réponses immunes souhaitables, celles des lymphocytes T anti-tumoraux, ce qui laisse dès lors le champ libre au développement des cellules cancéreuses et à leur prolifération. Le mécanisme par lequel les lymphocytes T régulateurs freinent ces réponses immunitaires n’est pas encore bien connu. Nous cherchons à le comprendre et à l’inhiber face aux cellules cancéreuses ou à les stimuler dans le cas des maladies auto-immunes. »

Toute cette recherche est menée, au sein de l’UCL, dans une équipe de recherche de l’Institut de Duve. https://www.deduveinstitute.be/fr/tregs-and-tgfb

Une nouvelle forme d’immunothérapie

Mais aujourd’hui, on se heurte encore à des effets secondaires délétères : en stimulant l’action des lymphocytes T anti-tumoraux face à des cellules cancéreuses, il n’est pas rare que l’on provoque l’émergence de maladies auto-immunes. De plus, les traitements d’immunothérapie actuellement disponibles ne fonctionnent pas chez tous les patients. C’est pourquoi il fallait encore aller plus loin pour parvenir à mettre au point d’autres traitements d’immunothérapie. L’équipe du Pr Lucas dont fait partie Stéphanie Liénart a dès lors cherché à agir sur les Tregs. Et pour y parvenir, il fallait en comprendre les mécanismes. « Nous avons déjà avancé dans la connaissance en découvrant le rôle d’une protéine, GARP, présente à la surface des Tregs. Elle joue un rôle important pour produire du TGF-beta, une cytokine très immunosuppressive qui bloque dans ce cas les lymphocytes T anti-tumoraux. En bloquant GARP, nous permettons de bloquer les Tregs. »

Bloquer GARP est précisément le travail sur lequel s’est focalisée Stéphanie Liénart ce qui lui a valu de recevoir cette récompense très particulière du Télévie, qui vise à encourager les recherches du « meilleur chercheur Télévie » http://www.uclouvain.be/687731.html. « J’ai testé des anticorps anti-GARP humains dans un modèle particulier de souris dans lesquelles nous avions injecté des cellules immunitaires humaines. Nous avons déjà obtenu des résultats qui ont été publiés : les anti-GARP humains ont effectivement inhibé la production de TGF-beta par les Tregs humains, ce qui a inhibé leur fonction dans ce modèle. Maintenant, nous devons donc faire le même travail pour savoir si des anticorps anti-GARP pour inhiber les Tregs peuvent favoriser le rejet de tumeurs chez ces souris. »

Des cancers ciblés

Le traitement par immunothérapie existe mais il ne s’agit pas encore d’immunothérapie ciblant les Tregs, comme celle par anti-GARP. Il faudra encore quelques années pour pouvoir espérer la retrouver en clinique. Les études cliniques nécessaires pour objectiver leur efficacité et leur innocuité sont en cours. L’équipe de l’UCL collabore activement avec d’autres équipes de recherche sur le rôle de GARP, dans le cancer et dans d’autres pathologies. Car l’immunothérapie suscite un intérêt sans précédents, avec son cortège d’espoirs.

Dans le laboratoire où travaille Stéphanie Liénart, ces recherches sont possibles grâce aux interventions financières ou technologiques du Télévie, mais aussi du Welbio, du FNRS, d’arGEN-X (une société privée qui produit un anticorps monoclonal anti-GARP sous une forme compatible avec l’être humain) ainsi que du Conseil Européen de la Recherche.

Cette thérapie visera en premier lieu les types de cancers les plus susceptibles de déclencher une réponse immunitaire, chez des patients pour lesquels les options thérapeutiques ont été épuisées sans succès.

Carine Maillard

Coup d'oeil sur la bio de Stéphanie Liénart

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1988 Naissance
2007-2010 Baccalauréat en Sciences Biomédicales - UCL
2010-2012 Master en Sciences biomédicales - UCL
Depuis 2012 Doctorat en Sciences Biomédicales et Pharmaceutiques financé par le Télévie, le FSR - Institut de Duve, UCL
Avril 2016 Lauréate de l’Award d’honneur du Télévie 2016

Publié le 05 novembre 2016