Tuberculose : où en est-on ?

En Belgique, environ un millier de nouveaux cas de tuberculose sont répertoriés chaque année. À l’occasion de la Journée mondiale de la tuberculose, le 24 mars, faisons le point sur les recherches menées à l’UCL sur cette maladie.

La tuberculose est loin d’avoir disparu. Chaque année, plus de 10 millions de personnes la contractent et environ 2 millions en meurent. Ce qui fait de la tuberculose l’une des principales causes de mortalité dans le monde.

La Belgique n’est pas épargnée. Environ un habitant sur 10 000 est ou sera atteint de tuberculose. Dans la région bruxelloise, l’incidence de la maladie est 3 fois plus importante. En cause : la concentration, dans la capitale, de facteurs de risques (pauvreté, alcoolisme, etc.) et de ressortissants de pays où la tuberculose est endémique.

Une maladie contagieuse

La tuberculose est une maladie infectieuse causée par le bacille de Koch (Mycobacterium tuberculosis). Il existe plusieurs formes de la maladie. La tuberculose pulmonaire (1) est, de loin, la plus fréquente (environ 75-80 % des cas)… et la plus contagieuse. « Quand un patient tuberculeux parle, tousse ou éternue, il propulse dans l’air des microgouttelettes de salive, chargées en bacilles de Koch », explique le Dr Anandi Martin, biologiste spécialisée en tuberculose à l’UCL. « Tant qu’il n’est pas sous traitement antibiotique, il reste contagieux. »

Un traitement de longue haleine

Dans la majorité des cas, la tuberculose est curable. Mais le traitement est long et plutôt lourd. « Le patient doit prendre plusieurs médicaments différents, tous les jours, pendant 6 à 9 mois », explique le Dr Martin. « Pourquoi est-ce si long ? Parce que le bacille de Koch est une mycobactérie qui “pousse” très lentement. Il faut attendre environ 2 mois pour la voir apparaître en culture. À titre de comparaison, une bactérie comme E.coli apparaît en 20 minutes ! »

Comme tous les médicaments, les antituberculeux peuvent provoquer des effets secondaires : toxicité hépatique et oculaire, troubles intestinaux (diarrhées, etc.), problèmes gastriques, etc. Pour les soulager, on prescrit encore d’autres médicaments… Pas étonnant, dès lors, que certains patients ne prennent pas bien leur traitement ou l’arrêtent, surtout s’ils ne présentent plus de symptômes – ce qui ne signifie pas qu’ils sont guéris ! Malheureusement, ce manque d’observance peut être à l’origine de redoutables phénomènes d’antibiorésistance.

Des tuberculoses multirésistantes

En 2015, sur les 10 millions de personnes atteintes de tuberculose, environ 500 000 ont développé une forme résistante de la maladie. L’Europe de l’Est est particulièrement touchée. « Faute de programmes de dépistages nationaux et/ou de protocoles de soins systématiques dans les milieux carcéraux, par exemple, les pays de l’ancien bloc soviétique ont vu se développer et se propager des tuberculoses résistantes à plusieurs antibiotiques », explique le Dr Martin. « On distingue 2 degrés d’antibiorésistance. Quand une tuberculose résiste à la rifampicine et à l’isoniazide, les 2 antibiotiques les plus importants que l’on prescrit en première ligne, on parle de multirésistance (MDR). Si un patient est déjà MDR et soigné par plusieurs médicaments de seconde ligne (2), mais ne parvient pas à venir à bout de la maladie, on est face à une extrême résistance aux antituberculeux (XDR), quasi impossible à guérir. »

Comment apparaissent ces tuberculoses résistances ? Plusieurs scénarios sont possibles. Le patient peut être d’emblée infecté par une souche MDR ou XDR. Ou alors les bacilles de Koch développent une résistance aux antituberculeux, soit parce le traitement n’a pas été correctement pris, soit parce que le patient n’a pas reçu le bon antibiotique tout de suite. « Ce dernier cas de figure est un vrai problème », explique le Dr Martin. « Car tant que le patient ne prend pas le bon antibiotique, il reste contagieux, notamment pour son entourage. D’où l’intérêt de détecter et d’identifier au plus tôt les formes résistantes de tuberculose. »

Des tests pour mieux identifier les résistances

Les bacilles de Koch MDR ou XDR présentent des mutations sur un ou plusieurs gènes cibles des médicaments. Certaines de ces mutations sont détectables par des tests, mais toutes ne sont pas encore connues. Le Dr Martin et son équipe travaillent notamment sur le développement de nouveaux tests moléculaires. « Ces tests analysent l’ADN de la mycobactérie. Ils permettent de détecter des mutations rares qui ne sont pas décelables par les tests actuellement sur le marché. résultats peuvent être obtenus en quelques heures. Ce qui permet de prescrire tout de suite l’antibiotique adéquat. » Son confrère, le Dr Emmanuel André, dirige actuellement une étude sur la recherche d’une mutation qui serait présente dans un tiers des cas de tuberculose observés en Afrique du Sud.

                                                                                              tuberculose

Projets de recherche tuberculose à l’UCL

Le Dr Martin, le Dr André et leur équipe travaillent sur d’autres projets de recherche au niveau diagnostique, thérapeutique et logistique :

  • Recherche et mise au point de nouveaux biomarqueurs pour détecter les mutations,
  • Développement de tests « all-in-one » ou rapides pour détecter les mycobactéries (multi)résistantes,
  • Études cliniques sur la bédaquiline, un nouveau médicament, en collaboration avec la firme pharmaceutique Johnson&Johnson,
  • Développement de technologies informatiques permettant aux centres et laboratoires de la tuberculose du monde de mieux communiquer entre eux et d’échanger données et bonnes pratiques.

Autant de pistes de recherche qui, à terme, permettront de lutter contre les différentes formes de tuberculose.

 

Candice Leblanc

 

Notes

(1) Il existe des formes de tuberculose non pulmonaire. Les bacilles de Koch peuvent attaquer d’autres organes et tissus de l’organisme : reins, foie, ganglions, etc.

(2) Il existe une dizaine de médicaments antituberculeux.

 

Coup d'oeil sur la bio d’Anandi Martin

Anandi Martin

1992                 Diplôme de biologie à l’Université libre de Liège (ULg)

1993-94           Assistante de recherche à l’ULg

1994-95           Formation tuberculose à l’UCL Mont-Godinne

1996                 Formation en éducation et santé publique à l’ULg

1996-98            Assistante scientifique pour le programme tuberculose de Bolivie

1999                 Mission MSF en Russie (tuberculose en prison)

2000-2011       Chercheuse à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers

2006                 Thèse de doctorat en sciences à l’Université de Gand (UGent)

2012-2016       Assistante de recherche au Laboratoire de microbiologie de l’UGent

Depuis 2011    Secrétaire générale du réseau EurolacTB (tuberculose en Europe, Amérique latine, Caraïbes)

Depuis 2016    Assistante de recherche à l’UCL – responsable opérationnel du pôle microbiologie de l’IREC

 

Les recherches de l’équipe d’Anandi Martin et d’Emmanuel André sont principalement financées par l’OMS, Johnson&Jonhson, la Fondation Damien et l’UCL.

Publié le 23 mars 2017