La fondation Roi Baudouin a remis ce jeudi 6 décembre au Professeur Miikka Vikkula de l’Institut de Duve de l’UCLouvain le Prix Generet for Rare Diseases de 500.000 euros pour ses recherches en génétique des anomalies vasculaires.
Une telle somme est rarement allouée à la recherche sur les maladies rares ! La Fondation Roi Baudouin a octroyé 500.000 euros, ce 6 décembre, à l’équipe du Professeur Miikka Vikkula pour ses recherches sur les anomalies vasculaires. Et ce grâce au Fonds Generet qui a souhaité lancer ce nouveau prix, renouvelable après deux ans si le rapport des chercheurs sur les avancées réalisées est convaincant.
« Notre projet a été retenu par un jury international et est fondé sur ce que nous avons mis en évidence au cours de ces vingt dernières années dans le domaine de la génétique des malformations vasculaires », explique Miikka Vikkula qui dirige le groupe Génétique humaine de l’Institut de Duve de l’UCLouvain dont il est également le co-directeur.
Les anomalies vasculaires sont des lésions relativement rares constituées de vaisseaux sanguins malformés. Elles sont localisées mais peuvent se trouver n’importe où dans le corps. Souvent à l’origine de douleurs chroniques importantes, de tâches ou masses de couleur rouge ou bleue, de saignements, d’ulcération, de faiblesse musculaire ou encore de troubles fonctionnels invalidants, ces lésions altèrent fortement la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes. L’équipe de Miikka Vikkula s’attèle à dégager de nouvelles pistes de traitements pour soulager les patients chez qui sclérothérapie et chirurgie, visant à éliminer les vaisseaux anormaux, ne sont pas possible ou ne permettent pas d’atteindre un résultat satisfaisant.
Au cours de ces vingt dernières années, les chercheurs de l’Institut de Duve ont notamment mis en évidence une mutation génétique présente dans les tissus lésés de personnes atteintes d’une forme non héréditaire de malformation veineuse. « Lorsque nous avons regardé le génome de patients qui n’avaient pas d’histoire familiale pour ce type de malformations, nous nous sommes aperçu que 60% d’entre eux étaient porteurs d’une mutation « tissulaire » », souligne le Professeur. « Cette découverte a ouvert de toutes nouvelles perspectives de recherche dans ce domaine et en génétique en général car jusque-là nous cherchions plutôt au niveau du sang pour trouver les mutations responsables des maladies et non dans les tissus en question. Or ces mutations ne sont présentes que dans la lésions et ne sont donc pas héréditaires ».
Les études in vitro sur des cellules en culture qui ont suivi cette découverte ont permis aux chercheurs de constater l’effet des mutations tissulaires au sein de cellules qui en sont porteuses : elles sur-activent une voie de signalisation, c’est-à-dire qu’elles provoquent une cascade de réactions excessive au sein de la cellule. C’est aussi grâce à la culture cellulaire que les scientifiques ont pu mettre au point le premier modèle animal pour l’étude des malformations veineuses. « Nous disposions de la mutation et des cellules qui la contenaient. Nous avons injecté ces cellules sous la peau des souris afin de générer chez elles le même type de lésions que celles observées chez les patients », explique Miikka Vikkula.
Comment enrayer l’effet de cette mutation chez les patients ? En empêchant la sur-activation de la voie de signalisation que cette mutation provoque ! « Nous avons identifié un des acteurs de ces réactions en cascade. Il s’agit d’une protéine que l’on peut inhiber, au moins partiellement, avec une molécule, appelée rapamycine, déjà disponible sur le marché pour traiter d’autres maladies », indique Miikka Vikkula. « Nous avons donc administré ce médicament à notre modèle de souris. En quelques jours, la croissance des lésions était terminée ! ». Comme la rapamycine est déjà commercialisé et ses effets secondaires définis, son effet a pu rapidement être testé chez six patients traités par tous les moyens possibles pour des malformations vasculaires mais n’obtenant pas de résultats satisfaisant pour améliorer leur qualité de vie. Résultats : « Grâce à la rapamycine, les douleurs de ces patients ont diminué significativement ! ». En 2018, une étude sur une vingtaine de patients est venue confirmer ces résultats très prometteurs.
Avec le montant du Prix Generet for rare diseases, Miikka Vikkula entend réaliser la même boucle de recherche pour d’autres anomalies vasculaires : identifier des mutations grâce au séquençage à haut débit et à la bioinformatique, créer des modèles cellulaires et animal pour comprendre quelles cascades de réactions sont impliquées au sein des cellules, sonder s’il existe des molécules déjà commercialisées ou en développement capables de modifier ces cascades de réactions de sorte d’améliorer la qualité de vie des patients. « Nous allons explorer quelles mutations présentent les patients grâce à notre biobanque unique contenant de centaines d’échantillons de tissus prélevés lors de traitements chirurgicaux », explique le scientifique. Les chercheurs utiliseront notamment comme modèle le poisson zèbre. « Il se reproduit rapidement et surtout ses embryons sont totalement transparents et permettent ainsi d’observer le système vasculaire sans procéder à des techniques invasives sur l’organisme ».
Fait intéressant à souligner : la majorité des mutations identifiées comme responsables d’anomalies vasculaires jouent également un rôle dans divers cancers. « Cela signifie qu’il existe déjà toute une panoplie de molécules sur le marché visant à contrer l’effet de ces mutations dans le cadre de traitements contre le cancer que nous pouvons tester sur nos modèles afin d’en explorer les effets sur les anomalies vasculaires », poursuit Miikka Vikkula.
Les maladies rares font encore l’objet d’une grande ignorance. En raison de ce manque de connaissances, il est fréquent que le bon diagnostic ne soit pas établi (à temps). Dans beaucoup de cas, il n’existe pas de traitement adéquat ou bien les patients ne parviennent pas à y avoir accès. Sans compter le peu de recherches scientifiques sur les maladies rares. Ces dernières années, la Fondation Roi Baudouin est devenue un acteur clé dans ce domaine. Elle a assuré la préparation du Plan belge pour les Maladies rares et gère désormais dix Fonds orientés sur la recherche sur une maladie rare bien précise.
Audrey Binet
En octobre dernier, l’équipe de Miikka Vikkula, avec 6 autres universités et deux entreprises européennes, ont obtenu un financement H2020 de 3,8 millions d’euros pour recruter et former des doctorants dans le domaine de la biologie vasculaire et l’étude d’anomalies vasculaires. Réunis dans le Réseau V.A. Cure, ces 7 partenaires ont un programme de recherche et de formation qui s’étale sur 4 ans et qui est coordonné à l’UCLouvain. C’est la première fois qu’un projet de recherche collaboratif international d’une telle envergure explore les mécanismes sous-jacents des anomalies vasculaires. Quatorze doctorants en tout dont deux à l’Institut de Duve rejoindront le réseau qui démarrera ses activités en mars 2019. (A.B.) |
Coup d’œil sur la bio de Miikka Vikkula
Né à Espoo en Finlande, Miikka Vikkula a obtenu son diplome de médecine à l’Université d’Helsinki en 1992 et terminé son doctorant en génétique moléculaire en 1993. De 1993 à 1997, il a intégré la Harvard Medical School dans le cadre d’un post-doctorat. C’est là qu’il a commencé à s’intéresser aux anomalies vasculaires et lymphatiques. Il s’installe à Bruxelles en 1997 et rejoint l’Institut de Duve de l’UCLouvain où il développe son propre laboratoire de recherche sur la génétique humaine. Il fait partie de l’équipe de direction de l’Institut de Duve depuis 2004. En 2009, l’équipe de Miikka Vikkula découvre la cause génétique d’un groupe d’anomalies vasculaires et en 2015 elle démontre l’efficacité d’un traitement médicamenteux qui améliore la qualité de vie des patients atteints de certaines anomalies vasculaires. En 2018, le professeur Miikka Vikkula est lauréat du Prix Generet for Rare Diseases, un prix de 500.000 euros renouvelable octroyé par la Fondation Roi Baudouin. Cette même année, il décroche, avec 6 autres universités et deux entreprises, un financement H2020 de 3,8 millions d’euros de la Commission européenne pour recruter et former des doctorants dans le domaine de l’étude des anomalies vasculaires.