Sahara: une densité d’arbres étonnamment grande

 

Précieux pour les écosystèmes, les arbres isolés offrent abris, nourriture, stockage de carbone et autres services. Une étude publiée dans Nature dévoile qu’ils sont nombreux dans les zones du Sahara, du Sahel et de la zone sub-humide d’Afrique de l’Ouest. Les données de terrains, solides et rares, de Morgane Dendoncker ont été un atout de taille dans cette étude.

L’article publié ce 14 octobre dans Nature porte sur le comptage des arbres « hors-forêt » dans la zone du Sahara, du Sahel, et la zone sub-humide d’Afrique de l’Ouest grâce à l’utilisation d’images satellites à très haute résolution et le deep learning. Très souvent, les recherches et l’intérêt du public se concentrent sur les forêts et non pas sur les arbres isolés, tels que ceux que l'on rencontre en milieu agricole, en milieu urbanisé, ou en milieu naturel avec des arbres clairsemés (les savanes par exemple). Ces arbres isolés sont rarement mis en avant dans les études scientifiques alors qu’ils jouent un rôle crucial en tant que fournisseurs de services écosystémiques (abris pour les humains et animaux, ressources fourragères, nourriture, stockage du carbone, etc). Parvenir à les inventorier de façon fiable en termes de densité à l'hectare, de taille de couronne et de recouvrement du sol est donc un enjeu important.

La présente étude montre que ces arbres sont étonnement nombreux dans les zones analysées couvrant 1,3 millions de km2. Plus de 1,8 milliards d’arbres isolés y ont été répertoriés, avec une couronne, c’est-à-dire la structure des branches au sommet du tronc, atteignant moyenne de 12 m2. Des résultats surprenant qui remettent en question les discours sur la désertification des zones arides. Même dans le désert, la densité des arbres isolés était étonnamment grande.

La détection des arbres sur des images satellites requiert une validation sur le terrain par des inventaires de certains de ces arbres isolés (géolocalisation des arbres, prise de mesures et identification des espèces). C’est à ce niveau qu’est intervenue la contribution de Morgane Dendoncker. Dans le cadre de sa thèse réalisée au Earth and Life Institute de l’UCLouvain dans le groupe des Sciences forestières, sous la direction de la Prof. C. Vincke, la chercheuse a réalisé de nombreux inventaires dans la zone sahélienne du Sénégal. Les données de ces inventaires ont donc été utilisées afin de confirmer les indicateurs (densité et recouvrement) issus des méthodes d’extraction automatique des arbres sur les images satellites. Les données de terrain solides (géo localisées, inventaires étendus etc) dans les zones arides et semi-arides sont rares car elles prennent énormément de temps à acquérir. La réalisation de cette étude reposait donc sur une forte collaboration entre des experts en télédétection, en informatique et en écologie/foresterie.

L'étude montre également un rôle fort de la pluviométrie sur la présence de ces arbres isolés et leur taille, mais aussi un rôle non négligeable de l'homme sur le maintien d'arbres isolés de grandes dimensions dans les zones peuplées. Au vu des résultats de cette étude, les auteurs suggèrent d’utiliser la méthode détection des arbres sur des images satellites comme moyen de surveiller les arbres en dehors des forêts à l'échelle mondiale et d'explorer leur rôle dans l'atténuation de la dégradation, dans le changement climatique et dans la pauvreté.

Morgane Dendoncker et Audrey Binet

Publié le 15 octobre 2020