Grâce à l’équipe du Pr Françoise Van Bambeke, la suprématie du staphylocoque doré sur les antibiotiques ne sera peut être bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Leur découverte ? Une stratégie rendant cette bactérie plus sensible aux traitements.
Le staphylocoque doré est connu comme l’un des pires ennemis du secteur hospitalier. Et pour cause, il s’agit d’une bactérie redoutable très difficile à éliminer. « C’est ce phénomène d’extrême résistance qui nous a poussé à nous y intéresser », explique Françoise Van Bambeke, chercheuse et professeur au Louvain Drug Research Institute de l’UCL. « Aujourd’hui, on sait pourquoi le staphylocoque doré répond souvent mal aux antibiotiques : il forme une communauté de bactéries qui s’entoure d’une matrice adhésive et protectrice. Cette structure qu’on appelle biofilm est alors très difficile à détruire puisque la matrice empêche les antibiotiques d’atteindre les bactéries et donc de les éliminer. Même chose pour notre système immunitaire qui peut difficilement les combattre. » Entre 60 et 80% des infections chez l’homme sont liées à cette structure en biofilm, c’est dire s’il est important de réussir à les enrayer.
Des médicaments déjà connus
Dès 2012, l’équipe de Françoise Van Bambeke s’intéresse aux biofilms et commence à développer des modèles expérimentaux. « Parallèlement, nous avions bien conscience que pour développer un médicament, il faut plusieurs années. En effet, entre la découverte de son efficacité et sa mise sur le marché, il faut passer par des tests cliniques qui prennent beaucoup de temps. Or, le staphylocoque doré est tellement problématique que nous n’avons pas autant de temps devant nous. » Qu’à cela ne tienne, les chercheurs trouvent la parade : ils vont s’intéresser à des molécules qui sont déjà utilisées en médecine. Leur objectif ? Trouver un « couple » de substances, l’une détruisant la matrice et l’autre attaquant la bactérie.
La caspofungine détruit la matrice
Pour assurer le volet « destruction de la matrice », les chercheurs ont pris le parti de tester des molécules dont la structure chimique fait penser à celle de détergents et qui pourraient ainsi s’immiscer facilement dans la matrice et favoriser le passage des antibiotiques. « Parmi tous les médicaments existants testés, la caspofungine est apparue comme la plus intéressante. Il s’agit d’un médicament antifongique utilisé en routine clinique pour traiter des champignons comme Candida ou Aspergillus. Seule, elle est tout à fait inefficace pour traiter le staphylocoque doré mais couplée à un antibiotique de la famille des fluoroquinolones, nous avons constaté qu’elle était très efficace. »
Une nouvelle cible thérapeutique
Une fois cette constatation faite, les chercheurs ont étudié le mécanisme d’action de ce couple afin de confirmer l’hypothèse d’une action détergente de la caspofungine sur la matrice. Mais le résultat les a surpris ! « Nous n’avons pas du tout confirmé notre hypothèse de départ mais nous avons découvert un mécanisme bien différent : la caspofungine inhibe une enzyme produite par le staphylocoque doré et impliquée dans la formation de la matrice. Et pour cause, cette enzyme ressemble beaucoup à une enzyme produite par les champignons visés par les traitements à base de caspofungine. Cette analogie de structure n’avait jusque là jamais été démontrée. Or, elle est particulièrement intéressante pour la mise au point de traitements efficaces », s’enthousiasme Françoise Van Bambeke dont les résultats ont été publiés dans Nature Communications.
Une efficacité in vitro et in vivo prouvée
Pour aller au bout de leur raisonnement, il restait aux chercheurs du Louvain Drug Research Institute à confirmer leurs résultats in vivo. Pour ce faire, ils ont fait appel à l’équipe du Pr Patrick Van Dijck de la VIB et de la KULeuven. « Ces chercheurs ont développé le modèle animal qui nous a permis d’observer l’efficacité du couple caspofungine-fluoroquinolones sur le staphylocoque doré in vivo. Ces résultats sont très encourageants puisqu’ils mettent en évidence une nouvelle cible thérapeutique pour de futurs traitements. » La suite ? Partir à la recherche de molécules encore plus efficaces pour inhiber cette fameuse enzyme. « Nous aimerions trouver un médicament qui agirait mieux sur l’enzyme des bactéries que sur celle des champignons. Ce qui améliorerait la spécificité et l’efficacité du traitement », conclut Françoise Van Bambeke.
Elise Dubuisson
Un coup d'oeil sur la bio de Françoise Van Bambeke
1991 | Pharmacien (UCL) |
1995 | Docteur en pharmacie (UCL) |
1997 | Post doctorat à l’Unité des Agents antibactériens (Institut Pasteur, Paris) |
2000-2006 | Chercheur qualifié FNRS, Unité de pharmacologie cellulaire et moléculaire (UCL) |
2005 | Agrégation de l'enseignement supérieur (UCL) |
Depuis 2006 | Maître de recherche FNRS, Unité de pharmacologie cellulaire et moléculaire (Louvain Drug Research Institute, UCL) |