Il faut s'aimer à tort et à travers

Julos croit profondément en la vie et en l’amour. Dans la nuit qui suit l’assassinat de sa femme Loulou en 1975, il écrit une lettre magnifique, un puissant symbole de sa résilience. Elle fera le tour du monde. La spiritualité de Julos n’est pas affaire de religion mais de foi en l’homme. Selon lui, nous recevons tous une feuille de route à notre naissance. Il nous suffit de la suivre pour nous réaliser. Pagodes, tipis, bains de forêts, méditation… Julos est en connexion profonde avec l’univers et ses énergies.

Il faut reboiser l'âme humaine

 

 Chanson pour Loulou

T'es partie su' l'coup d'une heure En février, à la chandeleur
Et l'hiver a repris vigueur Au fond d' mon cœur
Je suis resté seul sur le pont
Avec mes deux p'tits moussaillons
Il paraît qu'on t'a vue passer
Dans les pays de l'autre côté
Il paraît qu'on t'a vue passer
Dans les pays de l'autre côté
Ceux qui l'ont dit en ont menti
Car quand le soir est doux ici
Je sens ton sourire qui revient
Et la caresse de ta main
Je sens ton sourire qui revient
Et la caresse de ta main
Je sens qu' tu es tout contre moi
Que ta fraîcheur pénètre en moi
Que tu me dis dedans l'oreille
Des mots d'amour doux comme le miel
Pourtant des fois, quand j'y pense pas
Je m' dis que j' te reverrai pas
J' t'entends alors rire aux éclats
De l'autre côté de la paroi
J' t'entends alors rire aux éclats
De l'autre côté de la paroi
Il est des amis du Québec
Qui te parlent parfois le soir
En même temps t'es à Carpentras
À Methamis et à Java
La mort fait voyager son monde
Tu vas plus vite que le son
T'es partout sur la Terre ronde
T'es devenue une chanson
T'es partout sur la Terre ronde
T'es devenue Une chanson

 

 Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents,

Ne vous laissez pas attacher,
ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles…

On est en Amour avec vous tant que vous correspondez au rêve que l'on a fait sur vous,
alors le fleuve Amour coule tranquille, les jours sont heureux sous les marronniers mauves,

Mais s'il vous arrive de ne plus être ce personnage qui marchait dans le rêve,
alors soufflent les vents contraires,
le bateau tangue, la voile se déchire,
on met les canots à la mer,
les mots d'Amour deviennent des mots-couteaux qu'on vous enfonce dans le coeur.

La personne qui hier vous chérissait vous hait aujourd'hui
La personne qui avait une si belle oreille pour vous écouter pleurer et rire
ne peut plus supporter le son de votre voix.

Plus rien n'est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre,
Il pleut et vous remontez la rue dans votre pardessus noir,
Est-ce aimer que de vouloir que l'autre quitte sa propre route et son propre voyage?
Est-ce aimer que d'enfermer l'autre dans la prison de son propre rêve?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même

ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même

Chacun a son chemin qu'il est seul parfois à comprendre.

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent,
Si nous pouvions être d'abord toutes et tous et avant tout et premièrement des amants de la vie, alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs,
Ces éternels mendiants qui perdent tant d'énergie
et tant de temps à attendre des autres des signes,
des baisers, de la reconnaissance

Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la vie,
Tout nous serait cadeau
Nous ne serions jamais déçus

On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connait le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie et dans sa peau…

A chacun sa texture son message et ses mots

Le Jaseur boréal, 2006

 

 Nous sommes les oiseaux d'une île nouvelle

Nous sommes les oiseaux d'une île nouvelle
Tout est toujours à recommencer
Nous allons créer d'autres cris d'oiseaux
Tout est toujours à recommencer
Nous allons créer des fontaines
Et une eau propre
Et un ciel clair
Nous allons laver nos yeux de nos larmes
Aux chutes du fleuve Avenir
Tout est toujours à recommencer
Nous allons escalader les désastres
Pour y planter la vie
Nous allons aller au sommet de cet Everest de peine
À force de courir À force de pâlir
À force de nous cogner aux murs de ce bas-monde
Nous déboucherons dans les plaines de la sagesse
Et moi, je te hisserai devant moi
Comme la proue d'un vaisseau en pleine mer démontée
Tout est toujours à recommencer
Sur ma Pompéi ensevelie, j'installerai un nouveau pays

Chandeleur septante-cinq, 1975