La lauréate du Prix Dopp 2019-2020 est Isabelle Dagneaux pour une thèse intitulée Les sourds, une minorité culturelle et linguistique : déni du handicap ou défi pour la culture ? (promoteur : Bernard Feltz).
La proclamation aura lieu lors de la session d'accueil des chercheu·res et nouveaux académiques de l'Institut, le Lundi 5 octobre 2020, salle du conseil FIAL, Collège Erasme, Place Blaise Pascal, 1, à Louvain-la-Neuve, à 15h30.
Si vous désirez y assister, nous vous invitons à compléter le formulaire en ligne.
Résumé de la thèse :
Deux visions paradigmatiques de la surdité la situent soit dans le champ du handicap, soit dans une affirmation culturelle, le plus souvent de façon exclusive.
Notre analyse des enjeux liés aux concepts de handicap, de déficit et de culture sourde nous invite au contraire à interroger ces deux paradigmes de façon dialectique. Il faut, selon nous, penser l’émergence de cultures sourdes en lien étroit avec l’absence d’audition et l’usage de langues signées. La notion canguilhémienne de normativité permet d’envisager ce passage d’une situation marquée par un manque à la création de formes de vie caractérisées par de nouvelles normes. Ces formes de vie sont, comme les autres, marquées par une finitude et une contingence qui n’empêchent pas la vie mais orientent le rapport au monde des sujets. Ce rapport au monde peut être qualifié de « juste et suffisant » en montrant en particulier le rôle de la plasticité cérébrale et de la redondance sensorielle dans la construction du sujet en lien avec l’environnement. La configuration perceptive en l’absence d’audition, le partage de langues signées, la perception du monde et sa construction symbolique tant individuelle que collective constituent autant d’éléments en interaction dans ce processus normatif qu’est l’émergence d’une culture. L’affirmation culturelle sourde constitue ainsi une interpellation anthropologique pour penser les fondements d’autres cultures ainsi que certains enjeux de la rencontre des cultures – en particulier entre cultures majoritaires et minoritaires. Cette interrogation sur les paradigmes et concepts mis en jeu par la surdité prélinguale permet également d’ouvrir des pistes face aux questions éthiques suscitées dans le champ des soins de santé.