02 juillet 2019
15h
Louvain-la-Neuve
Salle du Conseil FIAL- Place Blaise Pascal, 1
Dissertation doctorale en vue de l'obtention du grade de Docteur en Philosophie
Langue phénoménologique et écriture romanesque : recherches à partir de Michel Henry
Dès L’essence de la manifestation,le rapport entre les deux structures hétérogènes de la phénoménalisation de la phénoménalité – apparaître du monde, apparaître de la vie – n’est pas uniquement celui de la fondation de l’hétéro-référentialité du « langage fait de significations noématiques » par l’auto-référentialité du «langage de la vie», mais celui de la possibilité pour chacune de ces deux paroles de trans-paraître dans l’autre. Partant, nous faisons l’hypothèse que le lieu où la Vie se dit dans le « parler des hommes » est celui des traits affectifs, sensoriels et imagés des mots mobilisés par la littérature. Alors que la critique a tantôt proclamé le congé des mots au profit de la musique ou de la peinture, tantôt privilégié les écrits théoriques de M. Henry sur le langage qui se détourne de la fonction référentielle pour dévoiler la vie auto-affective, nous visons son écriture romanesque en tant qu’effectuation et intensification des forces et des affects a-signifiants de la vie. En expliquant en quoi la narration que le « rivage à soi de la vie » produit sur lui-même dépasse le modèle ricœurien de la « mise en récit » ainsi que l’intrigue érotique lévinassienne, nous affirmons qu’une « herméneutique de la vie » demeure possible chez M. Henry. Cette herméneutique se définit, non pas comme une interprétation du sens de la vie,mais comme l’habitation du « hors-sens dans le sens » ou la « figuration non figurative du non-figuré». Dans la première partie de notre travail, nous inscrivons la phénoménologie henryenne du langage dans sa confrontation avec la problématique de la langue et la méthode phénoménologiques chez E. Husserl, E. Fink,M.Heidegger et la lecture par P. Audide la «parole primitive» de J-J. Rousseau.Cette analyse génétique des articles de M. Henry sur le langage publiés en 1996 et en 1998 est complétée par une étude de la question de la Parole dans la trilogie – C’est moi la vérité, Incarnation et Paroles du Christ – qui nous permet de substituer aux caractères indifférent, irréalisant, équivoque et mensonger du « dire mondain » la puissance et la performativité de la « parole poético-romanesque ». Dans la deuxième partie, nous nous attachons à montrer que si le principe d’après lequel la Parole de la Vie parle en générant un soi-vivant à qui elle donne son propre soi ne suffit pas pour répondre à la question « comment se dit et se donne à nous la parole elle-même ? », c’est parce que dans l’œuvre de M. Henry le registre de la formulation philosophique se double de deux niveaux d’expression : celui de l’énonciation littéraire qui comprend l’analogie comme illustration d’un concept sur la vie de même que la « mise en personnage » de propos théoriques, et celui de la figuration romanesque. Dans ce dernier niveau, les mots-éprouvés – qui ne renvoient pas à la chose nommée mais à la mémoire du corps-parlant – comportent deux demandes : une exigence de mise en intrigue selon le mode du « narratif pur » – excès caractéristique de l’histoire essentielle de la vie allant de l’exaltation au retournement contre soi –, et une exigence de figuration opérante selon le mode du « poétique pur » – retentissement du mot dans le ton de la contenance propre aux archi-figures du « flux » et du « cri de la vie ». L’écriture romanesque de M. Henry nous est dès lors apparue comme « vraie langue phénoménologique » car pleinement « en accord » avec le parler de la vie subjective, aussi bien dans l’expérience du « mot approprié » que dans celle du « mot qui fait défaut ». Cette phénoménologie littéraire indique à toute « herméneutique de la vie » son contenu et ses tournures de langue.
Le jury est composé de Messieurs les professeurs :
Alexandre GUAY (UCLouvain), Président
Jean LECLERCQ (UCLouvain), Promoteur
Sylvain CAMILLERI (UCLouvain), Lecteur et secrétaire
Grégori JEAN (Université de Nice Sophia Antipolis),Lecteur externe
Nicolas MONSEU-VAN CLEEMPUT (Université de Namur), Lecteur externe