La robotique médicale et les technologies associées sont en plein boom ! À l’UCL, ingénieurs et médecins avancent main dans la main pour accompagner les défis techniques, humains, éthiques et financiers de cette médecine du futur.
Hier encore, la robotique médicale et chirurgicale relevait de la science-fiction. Aujourd’hui, elle est une réalité. Ces dernières années, plusieurs hôpitaux belges, dont les Cliniques universitaires Saint-Luc, ont acquis des robots ou des systèmes d’assistance à la chirurgie par ordinateur. Exemples :
- Le robot Da Vinci©, le plus célèbre, est un système de téléchirurgie. Il n’opère pas à la place du chirurgien, mais lui permet de travailler de manière moins invasive par endoscopie sans perdre de dextérité à l’intérieur du corps, pour garantir la qualité et la finesse des gestes.
- Zeego© est un scanner monté sur un bras articulé, qui « tourne » autour du patient pendant l’opération et permet de réaliser de l’imagerie médicale en temps réel. Ce qui confère un surcroît de précision et de sécurité au geste chirurgical. D’autres appareils et technologies d’imagerie médicale (échographe, résonnance magnétique, etc.) peuvent aussi être utilisés de la sorte en cours de chirurgie.
- La pilule endoscopique est un gros comprimé à avaler dans lequel se trouve une caméra miniature. En parcourant tout le tube digestif, elle fournit des images de l’intestin, impossibles à obtenir lors d’un examen d’endoscopie classique.
Robot Da Vinci
Zeego
CRAS : un workshop européen sur l’assistance chirurgicale
D’autres technologies sont à l’étude : les bras et jambes bioniques, les imprimantes 3D et les matériaux biocompatibles pour produire des implants et guides de coupe sur mesure , les robots d’assistance à la rééducation comme le REAplan pour les patients atteints de troubles moteurs, souvent conséquences d’une lésion cérébrale, etc. Il existe également un robot qui est capable, seul, de procéder à l’ablation d’une tumeur par ultrasons intenses et focalisés, avec l’assistance d’un échographe pour se localiser. Bref, le secteur de la robotique médicale bouge bien ! D’où l’intérêt de se tenir au courant et de se former à ces technologies qui ne cessent d’évoluer et de se perfectionner.
Au niveau européen, une petite centaine de laboratoires, d’universités et de centres de recherche sont très actifs dans la robotique médicale et les technologies associées. Depuis quelques années, tout ce petit monde se retrouve chaque année lors d’un meeting. En 2015, l’UCL et la KU Leuven ont organisé la 5e édition du workshop européen CRAS (« Computer/Robot Assisted Surgery ») (1). De nombreux thèmes ont été abordés : la robotique souple (par endoscope ou cathéter), la miniaturisation, le rôle de la simulation virtuelle dans l’apprentissage et la formation des médecins, etc. (2)
Des technologies qui posent question
À côté de la prouesse technologique, la robotique médicale pose d’importantes questions d’éthique, de sécurité, de pratique clinique ou encore de législation. « Il y a beaucoup d’avancées en recherche, mais au final, peu de dispositifs arrivent sur le marché », constate Benoît Herman, coordonnateur du Louvain Bionics. « Car, à cause ou grâce au principe de précaution, la médecine est une science lente. Mettre au point des robots médicaux ou chirurgicaux et, surtout, pouvoir s’en servir sur des patients prend des années. C’est normal : la moindre erreur de calibrage d’un robot médical, par exemple, pourrait avoir des conséquences dramatiques ! Tant du côté des constructeurs que des médecins et des autorités de santé, personne ne souhaite voir survenir un scandale lié à la robotique. La société ne (nous) le pardonnerait pas… »
Un avenir purement robotique ?
C’est notamment pour réfléchir à ce genre de questions que Louvain Bionics a été créé en 2014 grâce à un legs de Pierre de Merre via la Fondation Louvain. L’objectif de ce centre d’expertises interdisciplinaires ? Favoriser les collaborations autour des nouvelles technologies médicales et paramédicales, entre ingénieurs, médecins, kinés ou encore psychologues et philosophes au sein de l’UCL. « En favorisant les synergies et en stimulant les recherches dans ce secteur, nous espérons faire bénéficier plus vite les patients des avancées que ces technologies représentent… même si certaines n’ont pas encore prouvé leurs avantages cliniques », concède Benoît Herman. « Le Da Vinci©, par exemple, a permis de réaliser davantage d’interventions chirurgicales peu invasives, réduisant de facto la durée d’hospitalisation des patients et, parfois, les coûts pour la collectivité. Mais de là à dire qu’il a révolutionné la chirurgie, n’exagérons pas ! Ces nouvelles technologies sont des outils au service de l’humain. Elles ne sont pas (encore) près de s’y substituer. Et quand bien même ce serait le cas, je ne suis pas sûr que la société soit prête à cela. La preuve : des études ont démontré qu’un avion décolle et atterrit plus sûrement en mode automatique, qu’avec un pilote. Or, qui accepterait de monter dans un avion sans pilote ? En chirurgie, c’est pareil : la majorité des patients préfèrent sans doute être opérés par un chirurgien et prendre le risque d’une erreur humaine plutôt que d’être opéré par un robot relié à un ordinateur… ».
Candice Leblanc
(1) En 2016, le workshop CRAS a lieu à Pise (Italie). Plus d’infos sur www.cras-eu.org (2) Les exposés scientifiques présentés lors du 5e workshop CRAS sont disponibles sur https://www.cras-eu.org/organisation/Workshop/past-editions/Proceedings_CRAS2015.pdf
Coup d'oeil sur la bio de Benoît Herman
2004 Diplôme d’ingénieur civil mécanicien (UCL)
2009 Thèse de doctorat en robotique pour la chirurgie mini-invasive (iMMC, UCL, et LIRMM, Université Montpellier 2 – CNRS)
2010-2014 Chargé de recherches F.R.S.-FNRS à l’UCL (iMMC), amélioration des interactions entre l’homme et les robots d’assistance
2010-2011 Séjour postdoctoral à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (Paris, UPMC – CNRS)
Depuis 2014 Coordonnateur du Louvain Bionics
Depuis 2015 Membre du comité scientifique du workshop CRAS
Les recherches de Benoît Herman sur la robotique médicale sont ou ont été principalement financées par la Région wallonne, le F.R.S.-FNRS et l’UCL.