Du bœuf brésilien au prix de 20% de déforestation mondiale

Plus de transparence sur la provenance et l’empreinte écologique des aliments. C’est le b.a-ba pour mettre sur pied des chaînes d’approvisionnement plus durables. Des chercheurs de l’UCLouvain ont fait l’exercice pour le bœuf brésilien dont la production est responsable à elle seule d’un cinquième de la déforestation, parfois illégale, de notre planète.

Pourquoi le bœuf brésilien ? Parce que le Brésil est le plus grand exportateur de bœuf dans le monde et que ce secteur a une empreinte écologique importante. En rassemblant et combinant des données douanières, sur la provenance des animaux et les licences d’exportation des abattoirs, et des données sur les mouvements d’animaux à l’intérieur du pays, Erasmus Zu Ermgassen et Patrick Meyfroidt du Earth and Life Institute de l’UCLouvain sont parvenus à fournir une vision claire des chaînes d’approvisionnement en bœuf brésilien. Leurs résultats sont publiés dans la prestigieuse revue PNAS et démontrent qu’il est possible de connaître le parcours des aliments de A à Z.

Les scientifiques ont cartographié les flux de bovins de plus de 2800 municipalités où le bétail est élevé au Brésil vers plus de 150 abattoirs et plus de 152 pays importateurs dans le monde. Soit plus de 15 millions de mouvements d’animaux ou de viande. Leurs analyses mettent notamment en évidence les points suivant :

  • le commerce de bœuf brésilien est entre les mains d’une poignée de compagnie, dont trois gèrent environ ¾ des exportations : JBS, Minerva et Marfrig.
  • l’exportation du bœuf se fait vers quelques acheteurs majeurs dont le plus gros est la Chine qui achète 1/3 de ces exportations.
  • la Chine continentale importe de la viande issue de centre et du sud du Brésil, des zones avec des taux relativement faibles de déforestation, contrairement à Hong-Kong qui importe du bœuf brésilien venant d’un peu partout au Brésil, y compris d’Amazonie où les taux de déforestation sont haut. Mais…
  • ...les exportations vers la Chine continentale croissent rapidement et s’étendent de plus en plus à des zones à plus haut risque de déforestation
  • il existe des hotspots de déforestation au Brésil liés à l’importation de bœuf surgelé en Amérique et à l’exportation de bétail vivant vers le Venezuela et le Moyen-Orient.
  • l’Europe figure dans le top 10 des importateurs de bœuf brésilien
  • et last but not least : seulement 20% du bœuf brésilien est exporté et 87% de la déforestation est liée au marché domestique !

Concernant ce dernier point, c’est la première fois qu’une étude met la déforestation liée à l’exportation de bœuf en contexte et révèle le rôle clé des détaillants et consommateurs brésiliens dans la lutte contre la déforestation.

Au-delà des chiffres mis en lumière par cette étude, celle-ci prouve qu’il est tout à fait possible d’avoir une bonne connaissance de la provenance et du trajet de la nourriture d’un bout à l’autre de la planète et de calculer les risques durables des chaînes d’approvisionnement des aliments. Les données sont disponibles en ligne via trase.earth .

Les données récoltées et analysées par les scientifiques dans le cadre de cette étude peuvent directement servir d’outils concrets dans les politiques anti-déforestation telles que celles prévues par le Green Deal européen pour rendre l’économie de l’UE durable.

Patrick Meyfroidt participe d’ailleurs à la consultation actuellement en cours, lancée par le Commission européenne, pour légiférer de façon à éliminer la déforestation incorporée via des importations de produits agricoles dans l’UE.

Audrey Binet

 

Coup d’œil sur la bio de Patrick Meyfroidt

  

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Meyfroidt est un passionné de géographie et sociologie. Il étudie les interactions entre la société humaine et l’environnement à travers l’utilisation des sols. Découvrez son portrait ici.

  • 2000 : Licence master en sciences géographiques, UCLouvain
  • 2001 : Post graduat en écologie humaine (VUB)
  • 2001-2003 : assistant chercheur, Département d’anthropologie et sociologie, UCLouvain
  • 2003 : DEA en sociologie, UCLouvain
  • 2004-2009 : doctorant ; département de géographie, UCLouvain
  • 2010-2011 : chercheur post doc, TELCIM, UCLouvain
  • 2013 : chercheur visiteur, Stockholm Resilience Centre
  • 2011-2016 : Chargé de recherches FNRS, Georges Lemaître Earth and Climate Research Centre, UCLouvain,
  • 2016- : chercheur qualifié FNRS, Georges Lemaître Earth and Climate Research Centre, UCLouvain

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Publié le 01 décembre 2020