Nouveau traitement pour des maladies rares

Une découverte en recherche fondamentale débouche sur le traitement de maladies rares affectant le système immunitaire. De nombreux patients atteints de ces maladies sont actuellement traités dans le monde sur base de cette success story réalisée par les chercheurs de l’Institut de Duve à l’UCLouvain.

Les neutrophiles sont des globules blancs qui jouent un rôle majeur dans notre système immunitaire. Ils sont en première ligne pour combattre les bactéries qui infectent notre organisme. Mais certaines maladies entraînent une baisse de la quantité de neutrophiles présents dans le sang, on parle de ‘neutropénie’. Ceci a pour conséquence que les patients atteints de ces maladies font plus facilement des infections graves. C’est le cas d’une maladie métabolique appelée glycogénose de type Ib. Ce n’est que tout récemment que la cause de la neutropénie dans cette maladie, mais également dans une deuxième maladie rare apparentée, a été comprise par l’équipe dirigée par les professeurs Maria Veiga-da-Cunha et Emile Van Schaftingen à l’Institut de Duve de l’UCLouvain et publiée en 2019 dans la revue PNAS[1].

Ces chercheurs ont montré que les neutrophiles de ces malades sont intoxiqués par un dérivé phosphorylé d’une molécule ressemblant au glucose (le 1-désoxyglucose) que nous avons tous dans le sang. Le défaut génétique présent chez les patients atteints de cette maladie fait que le dérivé phosphorylé du 1-désoxyglucose s’accumule et perturbe profondément le métabolisme des neutrophiles. Sur base de cette découverte, ces chercheurs ont proposé de traiter cette maladie avec un médicament antidiabétique qui abaisse la concentration de glucose dans le sang en augmentant son élimination dans les urines. Ce médicament provoque aussi l’élimination du 1-désoxyglucose et entraîne donc un abaissement de sa concentration dans le sang. Logiquement, les chercheurs ont pensé que ce médicament devait donc également diminuer l’accumulation du dérivé toxique du 1-désoxyglucose dans les neutrophiles. Leurs expériences faites sur souris ont montré que c’était bien le cas.

Dans un article qui vient de paraître dans la la revue Blood [2], l’équipe de l’UCLouvain, en collaboration avec des cliniciens d’Autriche, des Etats-Unis et des Pays-Bas, montre que ce traitement révolutionnaire fonctionne chez les patients. Ceux-ci (quatre au total) présentaient des infections récurrentes de la bouche, de l’intestin et/ou de la peau, avec impossibilité pour certains d’entre eux d’arriver à se nourrir normalement, avec des diarrhées persistantes et/ou des plaies surinfectées qui ne cicatrisaient pas. L’administration de l’antidiabétique a fait disparaître, ou pratiquement disparaître, ces symptômes en quelques semaines. Le nombre de neutrophiles dans le sang s’est stabilisé et surtout, les neutrophiles ont récupéré leur capacité de s’attaquer efficacement aux bactéries.

De nombreux autres patients atteints des deux neutropénies rares apparentées sont actuellement traités dans le monde sur base des découvertes faites par l’équipe de l’Institut de Duve. Les recherches menant à ces découvertes ont été soutenues financièrement par diverses sources de financement (le FNRS, UCLouvain, l’Institut de Duve), et tout particulièrement par WELBIO. “Cette étude marque une étape clef pour WELBIO”, souligne Pierre Van Renterghem, Directeur Général de WELBIO, l’institut wallon de recherche d’excellence dans les domaines des sciences de la vie. “Des patients bénéficient aujourd’hui d’un traitement qui n’a pu être imaginé que grâce à des découvertes fondamentales concernant le métabolisme intermédiaire, effectuées dans le cadre d’un projet de recherche soutenu par WELBIO. Moins de 10 ans après le démarrage de nos activités, il s’agit du premier de nos projets où les chercheurs passent avec succès de la recherche fondamentale au traitement de patients


[1] Veiga-da-Cunha M, Chevalier N, Stephenne X, et al. Failure to eliminate a phosphorylated glucose analog leads to neutropenia in patients with G6PT and G6PC3 deficiency. Proc Natl Acad Sci U S A. 2019;116(4):1241-1250.
[2] Wortmann SB, Van Hove JLK, Derks TGJ, et al. Treating neutropenia and neutrophil dysfunction in glycogen storage disease IB with an SGLT2-inhibitor. Blood. 2020.

Coup d’œil sur de la bio d'Emile Van Schaftingen et de Maria Veiga da Cunha

Emile Van Schaftingen

S’il a un temps hésité à entreprendre des études de physique, Emile Van Schaftingen a fini par se diriger vers la médecine (diplômé en 1978 de l’UCLouvain). Mais déjà dans un but précis : la recherche. Dans laquelle il se lance dès qu’il en a l’occasion. Le hasard veut que ce soit au sein de l’équipe de Géry Hers, élève de Christian de Duve, où, comme il l’avoue lui-même, il sera vite contaminé par les problèmes de métabolisme intermédiaire sur lesquels travaillait son mentor.  Agrégé de l’enseignement supérieur en 1985, il enseignera la biochimie en faculté de médecine jusqu’à son éméritat intervenu en 2019 tout en assurant la direction de l’Institut de Duve depuis 2004. 

Maria Veiga da Cunha

Après des candidatures au sein de l’Institut supérieur d’agronomie de l’université technique de Lisbonne, Maria Veiga da Cunha termine ses études d’ingénieur agronome (1986) à l’UCLouvain. En 1990, elle est docteur en sciences de l’université d’Oxford avec une thèse en microbiologie sur le métabolisme  bactérien. Elle a rejoint l’Institut de Duve  en 1992. Passionnée par le métabolisme, cela fait plus de 25 ans qu’elle travaille dans ce domaine en collaboration avec Emile Van Schaftingen. Elle est depuis 2000 chercheuse qualifiée du FNRS.

Publié le 05 mai 2020