Une thèse de math deux fois primée

Adrien Taylor a consacré sa thèse de doctorat à l’UCLouvain à l’optimisation, une branche des mathématiques appliquées. Une thèse pointue, donc, qui s’est vu couronner par deux prix scientifiques, dont le Prix de l’innovation FNRS-IBM. 

L’optimisation consiste à trouver le meilleur moyen – en fonction de vos critères – d’atteindre ou, au moins, d’approcher au maximum d’un objectif. « Imaginons que votre objectif soit de vous rendre au bureau de la manière la plus satisfaisante pour vous », explique Adrien Taylor, chercheur à l’UCLouvain en mathématiques appliquées. « Pour ce faire, vous avez plusieurs options qui sont autant de paramètres à évaluer : le mode de transports (voiture, vélo, transports en commun, etc.), la trajectoire, l’horaire, etc. Votre objectif peut être de trouver le trajet le plus rapide, le plus économique ou encore le moins polluant. Cette notion, “le plus” ou “le moins quelque chose”, c’est cela, l’optimisation. » 

Approcher les meilleures solutions

L’optimisation mathématique touche un très grand nombre de domaines. « Beaucoup de problèmes informatiques ou scientifiques peuvent être vus comme des problèmes d’optimisation », poursuit Adrien Taylor. « Exemples : la trajectoire d’une fusée aérospatiale, la conception d’un moteur de recherche sur internet, le logiciel qui convertit des mesures en imagerie médicale, etc. Souvent, il n’est pas vraiment possible de trouver LA solution parfaitement exacte à des problèmes aussi complexes. L’enjeu consiste alors à s’en approcher le plus possible. »
Pour ce faire, les ingénieurs et les mathématiciens utilisent des algorithmes. Pour rappel, un algorithme est un processus descriptif, des instructions pour utiliser les calculs. Un peu comme une recette de cuisine qui explique comment et dans quel ordre utiliser les ingrédients (calculs) pour arriver à un résultat. Or, il existe des bibliothèques entières d’algorithmes ! Comment rigoureusement les comparer ? Telle est la question centrale de la thèse d’Adrien Taylor(1).    

Générer des scénarios « pires cas »

« Nous avons mis au point une méthodologie qui permet de faire une analyse systématique d’algorithme par ordinateur », explique-t-il. « En appliquant cette méthodologie, l’ordinateur génère des “worst cases scenario”, des scénarios de pires cas. Ce qui signifie que, pour une famille donnée de problèmes d’optimisation – que l’algorithme est censé résoudre –, notre méthodologie génère les problèmes sur lesquels cet algorithme fonctionnera le moins bien. Donc, si l’ordinateur ne génère que des pires cas sur lesquels votre algorithme fonctionne de manière satisfaisante, cela signifie qu’il se comportera toujours de manière satisfaisante (sur cette classe de problèmes). » 

L’étude des pires cas n’est pas nouvelle. Cependant, ces analyses sont rarement complètement représentatives de la réalité. Elles peuvent, par exemple, donner un point de vue extrêmement pessimiste sur ce qui se passe en pratique. « Notre méthodologie fait aussi du pire cas, mais elle le fait de façon parfaite. C’est-à-dire que les résultats obtenus ne peuvent plus être améliorés. Car, en quelque sorte, notre méthodologie adopte le point de vue le plus optimiste possible parmi les points de vue pessimistes. » 

Autrement dit, cette méthodologie permet de ne pas perdre de temps avec des algorithmes qui ne vous aideront finalement pas ! Une avancée qui a séduit les jurys des Prix de l’innovation FNRS-IBM et de l'ICTEAM(2), qu’Adrien Taylor a récemment reçus, Le jeune chercheur a également été finaliste du Prix AW Tucker de la thèse 2018. « J’ai eu beaucoup de chance vis-à-vis de l’environnement et des gens avec lesquels j’ai travaillé durant ma thèse », commente-t-il. « Mes superviseurs à l’UCLouvain, les Pr François Glineur et Julien Hendrickx notamment, ont été de précieux appuis. »  

                                       Adrien Taylor©Aude Van Lathem

Retour aux applications ?  

Bien qu’il se concentre sur des mathématiques très complexes, le chercheur rappelle qu’il est ingénieur de formation, et non mathématicien. « Pour moi, les maths sont davantage un outil qu’une fin en soi. Au début de ma thèse, je pensais d’ailleurs travailler sur des applications concrètes. Et il y en a eu. L’un des algorithmes que nous avons développés (grâce à notre méthodologie) est utilisé en imagerie médicale (IRM et scanner) par d’autres équipes. Mais au final, je me suis concentré sur l’analyse et l’évaluation de la méthode plutôt que sur les applications à proprement parlé. » 

Adrien Taylor travaille actuellement comme chercheur dans l’équipe SIERRA(3), un laboratoire français spécialisé dans le « machine learning ». La question de l’optimisation y est centrale. « Je suis davantage dans la théorisation, le design et l’analyse des algorithmes », précise-t-il. « Mais après mon postdoctorat, je n’exclus pas de revenir aux applications, en fonction des opportunités qui se présenteront à moi. » À bon entendeur !

Candice Leblanc

(1) « Convex Interpolation and Performance Estimation of First-order Methods for Convex Optimization », thèse défendue le 11 janvier 2017 à Louvain-la-Neuve. 
(2) L’Institute of Information and Communication Technologies, Electronics and Applied Mathematics (ICTEAM) fait partie de l’UCL. 
(3) SIERRA est une équipe jointe entre l’École Normale Supérieure de Paris, le CNRS, et l’Inria.

Coup d'oeil sur la bio d’Adrien Taylor

2011: Double master d’ingénieur en mathématiques appliquées à l’UCL et la KU Leuven 
2012: Conseiller R&D chez Secura
2016: Doctorat en mathématiques appliquées à l’UCL
2017: Chercheur à l’UCL 
Depuis 2017: Chercheur à l’École Normale Supérieure et l’Inria (Paris)
2018: Finaliste du Prix AW Tucker de la thèse 2018
2018: Lauréat du Prix ICTEAM de la thèse 2018 
2018: Lauréat du Prix de l’innovation FNRS-IBM
    

Publié le 17 octobre 2018