Réunions virtuelles, inégalités de genre

Bruxelles Woluwe

 

Depuis le premier confinement, Sophie Thunus, professeure à la Faculté de santé publique de l'UCLouvain a mené l’enquête avec un collègue de HEC Liège sur l’expérience des réunions virtuelles au sein de cinq universités. Résultats ? les femmes ont moins de réunions stratégiques et davantage de difficultés à prendre la parole. Cette étude a reçu le Prix ‘Genre et Covid-19’ du Comité femmes et sciences de la FWB (ARES).

719 répondant·es

Sophie Thunus, professeure à la Faculté de santé publique et à l’Institut de recherche santé et société (IRSS), a poursuivi, avec un collègue de HEC Liège (Willem Standaert), l’enquête sur l’expérience des réunions virtuelles au sein de cinq universités : UCLouvain, UGent, UHasselt, ULiège et ULB. 719 personnes ont répondu : 63% de femmes et 69% de personnes engagées dans une carrière scientifique et/ou académique. 

Les femmes ont moins de réunions…

Aujourd’hui, les chercheur·es livrent des résultats qui éclairent la question des inégalités de genre dans la carrière académique. Alors qu’avant le confinement, les femmes participaient à un nombre moyen de réunions inférieur à celui des hommes (4,5 contre 6,6/semaine) – et davantage à des réunions de suivi de projets qu’à des réunions stratégiques, reflet de leur grade –, l’écart s’est creusé avec les réunions virtuelles (5 contre 7,9). 

… et plus de difficultés à prendre la parole 

Autre enseignement, même s’il n’est pas question de caricaturer : les femmes éprouvent encore plus de difficultés à prendre la parole dans un cadre virtuel (31% côté femmes, 21% côté hommes) qu’en face à face (13% contre 2%) en raison de l’absence d’une communication non verbale. « La façon d’exprimer un argument, de façon brève, claire, rationnelle, est celle qui prévaut dans le monde académique, majoritairement masculin », poursuit Sophie Thunus, ajoutant que cet aspect devrait être approfondi. 
Enfin, si le confinement et les réunions virtuelles facilitent un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle, ce sont surtout les hommes qui mettent ces avantages en avant. Les femmes se plaignant davantage d’intrusion dans leur vie privée et de distractions plus fréquentes. 

Photo: Sophie Thunus est la 2e à partir de la droite

Qu’en pense-t-elle ?
Caroline Walker, assistante à la Faculté de santé publique

« Personnellement, je prends plus facilement la parole en réunion virtuelle. Comme nous avons plus de flexibilité dans le travail, il est aussi plus facile d’initier des réunions en veillant à créer un cadre inclusif. D’autre part, les logiciels utilisés comportent des fonctionnalités qui favorisent la participation - la ‘petite main’ sur Teams offre plus de visibilité aux voix moins porteuses - alors qu’en contexte présentiel, la distribution de la parole repose davantage sur le degré de réactivité des participant-es, ce qui avantage les personnalités fortes. »

Qu’en pense-t-il ?
William d’Hoore, doyen de la Faculté de santé publique

« Très honnêtement, mon intuition a priori concernant les conséquences des techniques de réunion virtuelle sur les inégalités de genre à l’Université aurait parié pour l’atténuation des inégalités, en raison d’une certaine neutralisation des statuts. Intuition manifestement problématique ! Si je me réfère à mon expérience et à mes pratiques d’animation et de présidence des réunions virtuelles, les différences de styles entre les femmes – plus nuancées, plus courtoises, plus en retrait – et les hommes – plus assertifs – restent assez nettes en mode virtuel.

Un des mérites de cette étude est d’avoir suscité l’expression de personnes qui ne se seraient sans doute pas exprimées à une telle échelle, faute de lieux pour le faire.  Elle attire l’attention sur la reproduction des inégalités de genre, qui résident dans les inégalités dans la carrière académique, dont les différences de style de communication entre hommes et femmes sont un indicateur, davantage qu’un stéréotype de genre. Il reste du chemin… »

 

Publié le 18 décembre 2020