L'enseignement inclusif sur le terrain

470 de nos étudiant•es bénéficient aujourd’hui du statut PEPS « HTM ». HTM pour Handicap, Troubles et Maladie. Comment se traduit cet accompagnement sur le terrain ? Obstacles, solutions et témoignages.

En 2011, l’UCLouvain créait le statut PEPS reconnaissant les étudiant·es à besoins spécifiques, sportif·ives de haut niveau, artistes et HTM, puis entrepeneur·es dès 2015. L’objectif ? Réduire ou supprimer les obstacles se dressant sur leur parcours, pour leur permettre de réussir à l’université avec les mêmes chances que les autres. Pour les PEPS HTM, cette mission a encore été renforcée depuis l’entrée en vigueur du décret relatif à l’enseignement supérieur inclusif pour les étudiant·es en situation de handicap en 20141. Ce dernier exige des universités et des hautes-écoles un enseignement « qui met en oeuvre des dispositifs visant à supprimer ou à réduire les barrières matérielles, pédagogiques, culturelles, sociales et psychologiques rencontrées lors de l’accès aux études, au cours des études dans le cadre de ses activités d’apprentissage et lors des évaluations qui y sont associées … ». Le décret précise que l’équivalent de 5 % des subsides sociaux accordés aux établissements d’enseignement supérieur doivent désormais être consacrés à sa mise en application.

Des aménagements pour chaque situation
Comment encadre-t-on des étudiant·es porteur·euses de troubles, de maladie ou de handicap aussi distincts que la dyslexie, l’autisme, un trouble de l’attention, un trouble de santé mentale ou une maladie grave ? C’est la tâche des sept accompagnateur·rices pédagogiques qui composent l’équipe PEPS’In. Se partageant les 14 facultés de l’UCLouvain, ils·elles rencontrent chaque étudiant·e ayant obtenu le statut2 pour mettre en place un plan d’accompagnement individualisé (PAI). Coordonnée par Murielle Sack, cette équipe est rattachée au service d’Aide. Le type d’aménagements envisagés pendant les études « est à géométrie variable en fonction des besoins », explique M. Sack. Mise en place d’étudiant·es preneur·euses de notes, accompagnement pédagogique supposant des moyens techniques logistiques adaptés, veiller à l’accessibilité des lieux d’enseignement, temps supplémentaire aux examens, permission de sortir régulièrement durant les cours, local privatif, casque anti-bruit, sollicitation d’un examen oral plutôt qu’écrit, logement adapté,… Mais de tels aménagements sont déterminés en tenant compte du handicap, du trouble ou de la maladie de l’étudiant et des exigences du programme d’étude. Ils visent les modalités d’enseignement ou d’évaluation et non les acquis d’apprentissage visés par le cours. Notons encore que toute demande d’aménagements durant les études doit être validée par l’autorité académique compétente du programme d’étude concerné, soit par le·la Président·e du jury de délibération. Les décisions sur le fait d’octroyer ou non les aménagements souhaités tiennent aussi compte du caractère raisonnable de l’aménagement.

L’inclusion à l’université, responsabilités partagées
Et sur le terrain, quels sont les moyens pour mettre en oeuvre ces aménagements ? « Si aujourd’hui encore, les aménagements sont souvent pris en charge par l’équipe des accompagnateur·rices de PEPS’In, nous sommes arrivé·es à la limite de nos possibilités. » En cause ? L’augmentation de 25 à 30% du nombre d’étudiant·es à besoins spécifiques qui demandent et reçoivent le statut PEPS HTM chaque année. En 2011, ils étaient 90. Aujourd’hui, 470. Une hausse qui s’explique par une meilleure connaissance du statut, l’application du décret et un dialogue sociétal plus ouvert autour de la santé mentale et des troubles « invisibles ». À la rentrée prochaine, avec l’arrivée des étudiant·es né·es en 2001 bénéficiant depuis cette année d’un statut similaire dans le secondaire, ils·elles seront encore plus nombreux·euses. Selon M. Sack, l’appui et la collaboration des facultés sont indispensables. « Nous sommes tous·tes concerné·es par l’inclusion. Certaines facultés ont d’ailleurs désigné une sorte de référent PEPS (HTM) facultaire, c’est à dire une personne relais qui travaille de concert avec l’accompagnateur·rice pédagogique et dont le rôle est notamment d’assurer un rôle clé de courroie de transmission entre le service d’accueil et d’accompagnement PEPS’In et les membres de la faculté concernée. »

« Il s’agit de penser l’auditoire comme un lieu où se côtoient autant de différences qu’il y d’étudiant·es »

Elargir notre rapport à la différence

La mise en application du Décret relatif à l’enseignement supérieur inclusif nécessite de sensibiliser et d’informer la communauté universitaire sur les besoins et aménagements spécifiques des étudiant•es. Et de mener ensemble, dans une perspective plus inclusive, une réflexion sur des aménagements universels, c’est-à-dire bénéfiques pour tous·tes les étudiant·es. Il s’agirait, selon M. Sack, « d’élargir notre rapport à la différence en prenant en compte les caractéristiques de tous·tes ceux·celles qui composent nos salles de cours. Il s’agit de penser l’auditoire comme un lieu où se côtoient autant de différences qu’il y a d’étudiant·es : des étudiant·es en situation de handicap, des étudiant·es adultes en reprises d’études, des étudiant·es dont la langue maternelle n’est pas le français, des étudiant·es parents, des étudiant·es artistes ou sportif·ives de haut niveau, etc... Bref, la diversité remplace l’homogénéité. Dans une telle perspective, réagir au coup par coup devient impossible tant la diversité est grande. Notre véritable défi à relever est donc désormais de rendre les structures d’enseignement supérieures et universitaires plus inclusives ».

« Il faut croire en ses capacités »

Alexia est étudiante en sciences humaines. Victime de harcèlement scolaire en primaire, elle commence à avoir des idées noires à 11 ans. À 14 ans, elle fait une dépression, se mutile, tombe dans l’anorexie. Hospitalisée durant 4 ans au total, elle est accompagnée dans sa scolarité par l’ASBL « École à l’hôpital et à domicile (EHD) » jusqu’à l’obtention de son CESS. Elle tente l’unif’ malgré qu’on lui ait dit qu’elle n’en avait pas les capacités et conseillé de prendre une année sabbatique pour être sûre d’être suffisamment stabilisée avant d’entreprendre des études supérieures. « J’ai toujours voulu aller à l’université. En 1ère année, je m’endormais en cours à cause des antidépresseurs et anxiolytiques. Après avoir obtenu le statut PEPS, l’assistant m’a trouvé des preneurs de notes. Je bénéficie d’un local privatif pour passer mes examens parce que les auditoires m’angoissaient et je perdais la notion du temps. Une accompagnatrice m’a aussi réappris à étudier car j’ai perdu des capacités à cause des électrochocs3. J’ai raté ma première, mais je m’y attendais, cette année a surtout servi de nouveau départ. Aujourd’hui, je fais partie d’un kot à projet, le Rhétokot, et je suis en 3ème année. Mon message, c’est qu’il faut croire en ses capacités, personne ne se connait mieux que soi-même. Si on a envie de faire des études universitaires, il faut essayer. »

> uclouvain.be/fr/etudier/peps/porteurs-de-handicap-maladie-grave-ou-trouble.html

1. Décret du 30.01.2014 modifié par le Décret du 07.02.2019 paru au M.B. le 07.03.2019.
2. À la suite d’une procédure exigeant un diagnostic ou bilan récent pour objectiver la difficulté.
3. Thérapie réalisée dans des cas graves de dépressions consistant à envoyer une série de chocs électriques au niveau du cuir chevelu du patient.

Publié le 24 juin 2019