Un village flamboyant, un artiste et des étudiant·es

Ça y est ! Au terme de 7 semaines de travail, les étudiant·es de 3ème année en ingénierie architecturale à l’UCLouvain dévoilent leur version du « village flamboyant » imaginé par Barly Baruti au Congo. Le dessinateur de BD congolais est le mentor de cet atelier de projet. Plans, axonométries, maquettes…Par groupes de quatre, les étudiant·es de la Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme LOCI présentent leur vision à un jury composé d’enseignants et de professionnels*, mais aussi de l’artiste lui-même.

Au départ de cet atelier de projet thématique ‘Structure et lumière’, il y a une rencontre entre Barly Baruti et les enseignants titulaires, qui ont imaginé proposer aux étudiant·es de travailler, comme un client le demanderait à un bureau d’architecture, à la conception du « village flamboyant ». Ce lieu de vie centré autour de la culture et des artistes est inspiré de la civilisation Kongo, aujourd’hui disparue. Le terrain où l’implanter existe bel et bien, il s’agit du site de Mvula Matadi, pratiquement vierge et situé à l'ouest du Congo. Son propriétaire, Jean Reypens, est d’ailleurs dans le jury.

« Ce projet, c’est la confrontation d’un idéal avec les contraintes du réel »

« Ce projet soumis aux étudiant·es, » indique M. Thierry Claeys Bouuaert, membre du jury et de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture Belgique-Luxembourg-Afrique-Caraïbes-Pacifique, « c’est la confrontation d’un idéal avec les contraintes du réel ». 

Les contraintes imposées aux six groupes, les voici :

  • Centrer le village autour d’un ensemble architectural composé d’une case mémoire – un espace muséal/bibliothèque/médiathèque et de résidences d’artistes, d’un auditoire et de maisons unifamiliales ;
  • S’adapter à la topographie du site et anticiper un développement urbain futur ;
  • Mettre en valeur des éléments culturels ancestraux comme l’arbre à palabre ;
  • Utiliser des matériaux locaux ;
  • S’adapter au climat, qui mêle ensoleillement important et pluies abondantes le tiers de l'année.

À celles-ci s’ajoute la gestion des relations interpersonnelles dans un groupe. « C’est d’ailleurs pour les inciter à travailler ensemble et à échanger que l’on impose la conception de 3 bâtiments pour 4 étudiant·es, » dévoile le professeur Denis Zastavni, professeur de structures architecturales, qui encadre l’atelier et en a imaginé les détails.

Verdict ? Des projets et des étudiant·es plutôt inspiré·es ! Guillaume Bronchart, Jeanne Picard, Sophie Biard et Nelle Baldwin débriefent leur passage devant le jury : « ils ont dit que notre projet était clair, rationnel et bien agencé. Pourtant, on n’était pas du tout confiants parce que notre parti pris a été de construire le village d’un seul côté de la rivière et de laisser uniquement l’arbre à palabre sur l’autre rive. Le plan original qui nous avait été proposé comme point de départ était très circulaire. On a plutôt choisi de partir sur un axe où les places se connectent en oblique. Nos structures en treillis métallique s’inspirent de l’architecte Francis Kéré et de ce qui se fait en Afrique. »

Le groupe de Léa Walgraffe, Bianca Gusita, Thelma Reip et John Poskin a, lui, voulu mettre l’accent sur un centre historique entouré par une ville qui continue de s’étendre. Côté matériaux, le choix s’est porté sur la brique en terre cuite et un système de voûtes. Les étudiant·es ont aussi longuement réfléchi à la lumière et à la ventilation naturelle des lieux. « On a fait une maquette modulable, dont les éléments se détachent pour mieux voir l’espace à l’intérieur. La grosse voûte de la case mémoire a demandé 23 heures d’impression 3D à elle toute-seule ! C’était notre premier gros projet et ça nous a demandé beaucoup d’énergie (et une nuit blanche) mais on est satisfait·es du résultat même si on a reçu quelques critiques sur nos plans. On a décidé d’utiliser des techniques nouvelles et le jury nous a reproché un manque de clarté par rapport à un plan technique traditionnel. Mais dans l’ensemble, le feedback a été très positif ! », détaille Léa.   

Le groupe de Pierre Bacquaert, Gregory D’Ieteren, Thérèse van Rijckevorsel et John Pollet est le prochain à passer devant le jury. « Nous avons centré notre projet autour de la convivialité, selon l’idée que les artistes participeraient à la vie familiale du village. Tout est très circulaire, sur plusieurs niveaux. Compte tenu du climat, on a décidé d’ouvrir les espaces plutôt que de les fermer pour apporter un maximum de ventilation. Par exemple, le grand auditoire est en plein air et est recouvert d’une toile amovible pour apporter l’ombre nécessaire et une protection pendant les pluies, » détaille Pierre.

« On a mis l’artiste en exergue. Il peut se promener et, partout, il est chez lui »

« Ce qui m’intéresse dans ce projet, c’est l’invitation à la convivialité », réagit Barly Baruti suite à cette dernière présentation. « On a mis l’artiste en exergue. Il peut se promener et, partout, il est chez lui. Ça m’inspire et me séduit beaucoup. »

« Barly est venu apporter toute l’approche culturelle et les étudiant·es ont bien joué le jeu », constate le professeur Denis Zastavni. « Ils·elles ont fait des recherches sur le climat, la topographie du site, la lumière. Même sur la botanique locale, parfois ! Au moment du pré-jury, à mi-parcours, on leur a fait remarquer qu’ils étaient parfois guidés par les stéréotypes passéistes que l’on peut avoir d’un village africain et ils ont bien réagi en proposant un village d’aujourd’hui, avec une architecture et des techniques modernes, bien ancré sur son territoire. Ça les a challengés, ils ont dû se montrer créatifs et s’adapter ! »

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Le village flamboyant : le ravivement d’une culture et d’une identité

Cette idée de village flamboyant, Barly Baruti et Jean Reypens la murissent depuis plusieurs années, et elle pourrait bien se concrétiser ! D’abord par une BD, en préparation, et ensuite « en vrai », via l’ONG KCA (Kongo-Culture-Action) de l’artiste, qui réfléchit à une campagne de crowdfunding et à une collaboration entre jeunes Belges et Congolais. À travers son projet, le dessinateur veut faire redécouvrir une identité et une culture perdue, celle de la civilisation Kongo, florissante au Moyen-Âge, dont le royaume s’étendait sur une partie de l’Afrique de l’ouest, entre l’Angola, le Gabon et le Congo. « On essaie de réveiller cette culture par l’appropriation, en se demandant quelle est la ville utopique qui correspondrait au peuple Kongo d’aujourd’hui, qui mêlerait les façons de vivre modernes et les valeurs du passé.

Dessin de Barly Baruti inspiré de la maquette réalisée par le groupe d'étudiant·es de l'UCLouvain composé de Léa Walgraffe, Bianca Gusita, Thelma Reip et John Poskin

 

*Composition du jury :

Jean Reypens (92 ans), initiateur de ce projet et propriétaire des terrains,
Thierry Claeys Bouuaert, Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture Belgique-Luxembourg-Afrique-Caraïbes-Pacifique (CBL-ACP),
Barly Baruti, dessinateur et musicien, co-initiateur du projet,
Marc Gossé, urbaniste (Synergy International)
Sébastien Cruyt, ir. architecte (Synergy International)
Sylvain Rasneur, ir. architecte, assistant LOCI (équipe Structures & Technologies LAB)
Sergio Altomonte, architecte, prof. Physique du bâtiment (équipe Architecture et Climat), co-titulaire Atelier 5
Denis Zastavni, ir. architecte, prof. Structures & Technologies, co-titulaire Atelier 5

Publié le 21 décembre 2021