15 décembre 2023
17h30
Louvain-la-Neuve
LECL93 - Salle du Conseil
Le Recteur de l'Université catholique de Louvain fait savoir que
Aurore Vermylen
soutiendra publiquement sa dissertation pour l'obtention du grade de Doctorat en sciences politiques et sociales
“Réfugiés à recruter. Le camp comme antichambre des mains d’œuvre (issues) de la guerre. (Région des Grands Lacs en Afrique, Amérique du Nord, Globalisation)”
Résumé
Cette thèse, déposée en vue de l’obtention du grade de docteure en sciences politiques et sociales, est une étude anthropologique qui s'intéresse aux dynamiques de globalisation en train de se faire, tant par le biais d'un programme onusien de réinstallation de réfugiés Congolais (RDC) dans des pays occidentaux (les États-Unis et le Canada), que par le biais de dynamiques politiques dans la région des Grands Lacs en Afrique. Ainsi, le titre, « réfugiés à recruter » porte en lui une double lecture de deux dynamiques interreliées. Celle du recrutement organisé par des pays partenaires du HCR afin d'importer une « main d'œuvre issue de la guerre » en Occident ; et celle du recrutement de réfugiés dans les camps de la région des Grands Lacs pour que ceux-ci deviennent des « mains d'œuvres de la guerre » au cœur des conflits qui habitent la sous-région.
Sur le plan théorique, je me suis intéressée au moment clé de l'interview de sélection des réfugiés comme d'un moment prétexte à la compréhension des dynamiques coloniales qui se rejouent au sein du dispositif. Ainsi, celui-ci demande aux réfugiés de raconter leurs récits intimes de violence afin de pouvoir être sélectionnés au départ. Je me suis intéressée aux attentes des agents de réinstallation quant aux récits des réfugiés, basé sur une traque à la fraude de leur mise en récit. Prenant au sérieux le fait de devoir comprendre les dynamiques de crises politiques dans lesquelles mes interlocuteurs étaient pris, j'ai décidé de sortir des camps afin de décrypter celles-ci par le biais d'une ethnographie fine, et ce, afin de la confronter ensuite aux attentes des agents de réinstallation. C'est en effectuant ce détour que j'en suis arrivée à proposer une réflexion sur les crises politiques dans la sous-région en parallèle de l'analyse du programme de réinstallation en tant que tel.
Sur le plan empirique, cette thèse s'appuie sur une ethnographie « mouvementée », qui a consisté à suivre mes interlocuteurs (réfugiés, agents du HCR, diasporas, exilés, etc.) au gré des crises politiques, des dynamiques migratoires et des turn over institutionnels. En suivant les dynamiques sociologiques dans lesquels mes interlocuteurs étaient pris, j'en suis arrivée à détricoter les catégories de « camps » et de « réfugiés », préférant m'intéresser à la complexité des mises en mouvement et des interrelations sociales. Plus qu'une simple méthodologie, cette approche a permis une compréhension de l’interrelation des différents espaces sociaux au service de l'analyse d'une globalisation en train de se tisser sous mes yeux.
Sur base de cette ambition théorique et de cette approche « mouvementée », trois constats se dessinent. Premièrement, là où la littérature sur les camps de réfugiés a l'habitude de situer ceux-ci en périphérie des mondes sociaux, ma thèse montre à quel point les camps sont des acteurs centraux pour appréhender les dynamiques politiques dans la région des Grands Lacs en Afrique, et en quoi ils constituent une véritable mythologie qui contribuent notamment au mythe de l'homme en arme (nécessaire pour recruter la main d'œuvre de la guerre). Deuxièmement, mon travail décortique en quoi la traque massive à la fraude, loin de porter ses fruits (puisqu'inadaptée), contribue à fixer et à reconfigurer les identités dans les Grands Lacs, et plus singulièrement l'identité Munyamulenge, contribuant, à terme, à accentuer les clivages. En ce sens, on peut qualifier le programme de réinstallation de néocolonial. Troisièmement, la thèse propose de confronter les discours qui naissent dans les quotidiennetés traversées par la guerres (regroupés sous le concept d' « habitus de guerre ») aux attentes discursives des interviews de réinstallation (conceptualisé sous la notion d' « imposition discursive institutionnelle ») afin d'en comprendre l'inadaptabilité.
Membres du jury
Prof. Jacinthe Mazzocchetti (UCLouvain), Promotrice et secrétaire du jury
Prof. Pierre-Joseph Laurent (UCLouvain), Membre du comité d’accompagnement et président du jury
Prof. Joseph Tonda (Université Omar-Bongo), évaluateur externe
Dr. Sylvie Ayimpam (Aix-Marseille Université), évaluatrice externe
Dr. Maëline Le Lay (Chargée de recherche CNRS), évaluatrice externe
Dr. Aymar Nyenyezi Bisoka (UMons), évaluateur externe