P. Jérémie Piolat - Du Sudalisme. Ethnographie d’une alphabétisation ambiguë et d’un dangereux clivage

ESPO Louvain-La-Neuve, Mons

19 octobre 2020

17h30

Louvain-la-Neuve

SOCR 242

Le Recteur de l'Université catholique de Louvain fait savoir que

P. Jérémie Piolat

soutiendra publiquement sa dissertation pour l'obtention du titre de Docteur en sciences Sciences politiques et sociales

Du Sudalisme. Ethnographie d’une alphabétisation ambiguë et d’un dangereux clivage.

Résumé

Cette thèse d’anthropologie s’appuie sur une longue expérience des milieux bruxellois de l’alphabétisation (en français) des migrants. Son objet n’est pourtant en rien le processus d’alphabétisation ou d’enseignement de la langue française à des migrants. Son objet de départ est les imaginaires et la rencontre des imaginaires des deux groupes d’interlocuteurs principaux rencontrés par P.J. Piolat : les enseignants, majoritairement euro-descendants, et les migrants de première génération, en majorité musulmans. Au fil de sa recherche, Piolat constate que, d’une part, des relations amicales se nouent souvent entre les enseignants euro-descendants et le public migrant. Mais, d’autre part, certains discours et postures associatifs, relatifs aux migrants extra-occidentaux, se relèvent souvent disqualifiants, réducteurs, infantilisants, énonçant les univers de référence de ces derniers comme sexistes, intellectuellement assez vides, superstitieux et religieusement rigoristes. Dans ces discours associatifs, en phase avec certains discours médiatisés ou instaurés médiatiquement comme « savoir », l’Islam, en particulier, est énoncé comme inévitablement rétrograde, oppressant envers les femmes, et, parfois, menaçant. Or il s’avère que, les imaginaires et les stratégies d’émancipation déployés par les migrant.e.s rencontr.e.és par Piolat se révèlent bien plus complexes que ne le laisse entendre parfois le discours des travailleurs associatifs. Ainsi, au sein de l’association Diane, réservée à un public de femme, les interlocutrices migrantes de Piolat parlent et écrivent, entre autres, sur l’émancipation de la femme et le rôle qu’y joue leur islamité, sur les dimensions multiformes du racisme, sur la gestion occidentale de la petite enfance, sur leur périple migratoire, sur leur relation non désubjectivante à la nature, ou encore, sur le pouvoir de faire sens à partir de sa souffrance. La question émerge alors : à quoi doit-on le violent décalage entre le discours associatif, souvent inconsciemment disqualifiant, sur le public migrant et la réalité complexe de ce dernier ?

Abstract

This anthropology thesis is based on a long experience in Brussels' circles of literacy (in French) for migrants. Its purpose, however, is in no way the process of literacy. Its starting point is the imaginaries and the meeting of the imaginaries of the two main groups of interlocutors encountered by P.J. Piolat: teachers, mostly Euro-descendants, and first generation migrants, mostly Muslims. Throughout his research, Piolat finds that, on the one hand, friendly relations are often forged between Euro-descendant teachers and the migrant public. But, on the other hand, certain associative discourses and postures, relating to extra-Western migrants often stand out as disqualifying, reducing, infantilizing, stating the reference universes of the migrants as sexist, intellectually quite empty, superstitious and religiously rigorous. In these associative discourses, in line with certain mediatized discourses - mediatically established as "knowledge" - Islam, in particular, is described as inevitably backward, oppressive towards women, and, at times, threatening. However, in fact, the imaginaries and emancipation strategies deployed by the migrants encountered by Piolat turn out to be much more complex than sometimes suggested by the discourse of association workers. Thus, within the Diane association, reserved for a female audience, the migrant interlocutors of Piolat speak and write, among other things, on the emancipation of women and the role played by their Islam, on the multifaceted dimensions of racism, on the western management of early childhood, on their migratory journey, on their non-desubjectivating relationship to nature, or even, on the power to make sense out of their suffering. The question then emerges: to what do we owe the violent discrepancy between the associative discourse, often unconsciously disqualifying, on the migrant public and the complex reality of this public ?

Membres du jury

Jacinthe Mazzocchetti, UCLouvain, promotrice et secrétaire
Véronique Bragard, UCLouvain, membre du comité d’encadrement
Olivier Servais, UCLouvain, membre du comité d’encadrement et président
Fabienne Brion, UCLouvain, membre extérieure
Cécile Canut, professeure des universités en Sciences du langage à l'Université Paris Descartes, membre extérieure
Nacira Guénif-Souilamas, sociologue et anthropologue, professeure des universités à l'université Paris-VIII, membre extérieure