17 septembre 2021
9h30
Bruxelles
AR-38 (3e étage) - UCL-LOCI St Gilles
Le Recteur de l'Université catholique de Louvain fait savoir que
Mme Sarah Van Hollebeke
soutiendra publiquement sa dissertation pour l'obtention du titre de Docteur en sciences Politiques et Sociales et Docteur en Urbanisme, mention architecture
« Professionnels du discours et spécialistes de l’image dans le projet urbain. Enquête à Bruxelles sur une asymétrie des collaborations entre experts de la ville ».
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Abstract
For the past ten years, professionals who promote debate and dialogue and, more broadly, social science experts have been regularly invited to actively "take part" in city policies. If the practices of land use planning and urban planning in several Western cities have seen the emergence, at the end of the last century, of new professions of mediation, participation and translation that privileged dialogue with citizens and public debate, these seem to be framed still by disciplines who promote visual knowledges to represent territories, visualize problems, act on them and design spaces.
This thesis examines the encounter between these professionals of logos and the specialists of visual production called today to coordinate in urban project. It sheds light on the way in which actors, expected to be experts in speech and ordinary life, can today intervene in a meaningful and effective way when they are invited to act on the renovation of a neighborhood, the conception of a space, the design of a building, or in a broad sense the planning of a territory. It exposes the circumstances in which the intervention of these professionals appears to be effective for action and is followed by consequences or, on the contrary, worries and arouses distrust. Based on "pragmaticist" sociology (Berger and De Munck, 2015), the thesis describes (i) the conditions of recevability of these more minority knowledges; and (ii) the receptivity of the urban planning towards them.
The survey conducted in the Brussels context combines a genealogical and ethnographic work that allows us to follow over time the concrete experiences of these experts engaged in several arenas: from a classic participatory urban planning device to the self-proclaimed alternative and experimental practices set up by interdisciplinary urban research. By combining a multiplicity of data collection methods (ethnographic observation, semi-structured interviews, life stories, archival analysis), the study traces the complex relationships that city experts and, more specifically, urban design, planning and land use professionals have had with social specialists in the specific context of the Brussels-Capital Region, and points to the consequences of this past on current urban planning practices, which were marked in 2015 by an important reform.
This multi-sited investigation, between scenes and backstage, exploration of archives and immersion in action, points to the existence of an asymmetry in the degree of seriousness, authority and trust that is granted to different expertises invited in the urban project. By examining these interactions, the study describes the different channels that come into play when an individual speaks in a project dynamic. It sheds light on the (in)abilities of the latter to summon and master the "right medium" to take their place in the world of urbanism and planning. The essentially discursive disciplines that still keep in mind the criticism of technocratic knowledge have a share of responsibility in the infelicity of their proposals. The latter are used to abandon the question of visualizing urban problems to others and despise schematizations for their reductive character. Ultimately, we argue that the collaboration of urban intelligences is not limited to an ability to deliberate and debate issues, but also involves material or visual mediations and sensitive, almost unconscious adjustments between ways of seeing, feeling, and acting on the city specific to these worlds that encounters over time.
Résumé
Depuis une dizaine d’années à Bruxelles, des experts en sciences sociales qui valorisent le débat et le dialogue sont régulièrement invités à « prendre part » activement aux politiques de la ville. Si les pratiques d’aménagement du territoire et de planification urbaine de plusieurs villes occidentales ont vu émerger, à la fin du siècle dernier, de nouvelles professions de la médiation, de la participation et de la traduction qui privilégiaient la parole citoyenne et le débat public, ces dernières semblent encore aujourd’hui cadrées par des disciplines qui privilégient des modes d’expression figuratifs pour représenter les territoires, visualiser les problèmes, agir dessus et concevoir des espaces.
Cette thèse explore les épreuves de la rencontre entre ces professionnels du logos et les spécialistes de la production visuelle appelés aujourd’hui à se coordonner dans les procédures de l'urbanisme de projet. Elle met en lumière la manière dont les acteurs, attendus comme experts de la parole et de la vie ordinaire, peuvent aujourd’hui intervenir sur la rénovation d’un quartier, la conception d'un espace, le design d'un bâtiment, ou la planification et l’aménagement d'un territoire. Elle expose les circonstances dans lesquelles l’intervention de ces professionnels apparait comme efficace pour l’action et est suivie de conséquences ou, au contraire, inquiète et suscite la méfiance. En se basant sur la sociologie « pragmaticiste » (Berger et De Munck, 2015), la thèse décrit (i) les conditions de recevabilité des savoirs plus minoritaires ; et (ii) la réceptivité du milieu de l'urbanisme et de la planification à leur égard.
L’enquête menée dans le contexte bruxellois repose sur un travail généalogique et ethnographique qui nous a amenés à suivre sur le temps long les expériences concrètes de ces experts engagés dans plusieurs arènes de confrontation des savoirs urbains : d’un dispositif classique d’urbanisme participatif jusqu’aux pratiques autoproclamées alternatives et expérimentales mises en place par la recherche urbaine interdisciplinaire. En combinant une multiplicité de méthodes de récolte de données (observation ethnographique, entretiens semi-directifs, récits de vie, analyse d’archives), l’étude retrace d’abord les rapports complexes qu’ont entretenus les professionnels de la conception urbaine, de la planification et de l’aménagement du territoire avec les spécialistes des problématiques sociales dans le contexte spécifique de la Région de Bruxelles-Capitale. Elle pointe ensuite les conséquences de ce passé sur les pratiques actuelles de l’urbanisme marquées en 2015 par une importante réforme.
Cette enquête multisituée, entre scènes et coulisses, exploration d’archives et immersion dans l’action, soulève l'existence d'une asymétrie dans le degré de sérieux, d'autorité et de confiance qui est accordé à différentes expertises convoquées dans le processus du projet. Elle éclaire les (in)capacités de ces dernières à convoquer et maîtriser le « bon médium » pour prendre place dans le monde de l'urbanisme et de la planification peuplés d’objets et d’images. Ainsi, l’étude permet d’avancer que les disciplines essentiellement discursives qui gardent encore en mémoire la critique des savoirs technocratiques ont une part de responsabilité dans l'infélicité de leurs propositions. Ces dernières ont pris l’habitude d'abandonner la question de la visualisation des problèmes urbains à d'autres et méprisent les schématisations pour leur caractère réducteur. Elles doivent pouvoir tirer les conclusions de ces « épreuves de réception » (Berger, 2018) et réfléchir à des façons de s'adapter pour se faire une place dans ce milieu. L’examen de ces interactions permet de décrire les différents canaux qui entrent en compte lorsqu’un individu prend la parole dans une dynamique de projet urbain. En définitive, nous défendons que la collaboration des intelligences ne se limite pas à une capacité à délibérer et débattre sur des problèmes, mais passe aussi par des médiations matérielles ou visuelles et des ajustements sensibles, quasi inconscients, entre des manières de voir, de sentir et d’agir sur la ville qui sont spécifiques à des mondes qui se côtoient sur le temps long.
Membres du jury
Prof. Berger Mathieu (CriDIS, UCLouvain), Promoteur et secrétaire du Jury
Prof. Thibaud Jean-Paul (CNRS, Cresson - UMR 1563 AAU, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble), Promoteur
Prof. Bacqué Marie-Hélène (LAVUE, Université Paris Ouest Nanterre La Défense), rapporteur
Prof. Genard Jean-Louis, (Université libre de Bruxelles), rapporteur
Prof. Declève Bernard, (LOCI, UCLouvain), membre du comité d’accompagnement
Prof. Pecqueux Anthony (CNRS, Centre Max-Weber UMR 5283, Université Lumière Lyon 2), membre du comité d’accompagnement
Prof. Zepf Marcus (Lab’URBA, École d’urbanisme de Paris), Président du jury