Sous la direction de Laura Merla, Bérengère Nobels, Sarah Murru et Coralie Theys
Au travers de la perspective qui consiste à analyser le “faire famille” dans et à travers l’espace, ce dossier thématique réinterroge des thèmes-clés de la sociologie de la famille et, plus largement, du lien social, et propose un vocabulaire conceptuel permettant de rendre compte avec justesse des évolutions en cours. Il s’attache plus spécifiquement à deux types de configurations familiales (elles-mêmes plurielles) : celle, d’une part, des familles en migration et/ou transnationales et celle, d’autre part, des familles séparées ou divorcées et ayant mis en place un mode d’hébergement dans lequel les enfants résident en alternance, et de façon plus ou moins égale, au domicile de leur père et de leur mère. Ce faisant, il met en dialogue deux champs d’étude (familles transnationales/familles multilocales) qui se déploient largement séparément, le premier s’étant amarré principalement à la sociologie des migrations avec une focale sur les formes familiales qui traversent des frontières “nationales”, alors que le second a davantage été porté par la géographie sociale et la sociologie de l’espace et s’est centré avant tout sur des formes de multilocalité internes aux frontières étatiques. Pourtant, les articles qui composent ce dossier ont de nombreux points communs, qui attestent de la proximité entre ces deux champs. Tous examinent les enjeux du “faire famille” à partir d’une perspective interactionniste et relationnelle qui place au centre de l’analyse les micro-pratiques qui se déploient au quotidien, appréhendées à partir de dispositifs méthodologiques qualitatifs. Ils se démarquent par ailleurs des travaux qui ont dominé jusqu’ici leurs champs respectifs en portant une attention toute particulière au point de vue et aux expériences vécues des enfants et des jeunes adultes au sein de ces configurations familiales, tantôt en leur donnant une place centrale, tantôt en leur offrant dans l’analyse une place aux côtés de leurs parents. Le sentiment d’appartenance se situe au coeur de ces travaux, et est traité à partir de mouvements divers, qui consistent par exemple à “créer” sa propre famille – y compris en-dehors de liens de sang – , ou au contraire, à entretenir aux yeux des autres une apparente conformité avec la famille “traditionnelle”, à créer un “nous” au croisement de plusieurs foyers, à asseoir un ancrage social et spatial et créer des continuités “ici” et “là-bas”, à jongler avec des répertoires parfois contradictoires… Ces articles nous parlent d’“objets en stationnement ou en transit”, de fratries qui ont en commun de “partager et être partagées”, de “multiréférentialité”, d'"habitus multilocal", de pratiques “d’odorisation”… Ce faisant, ils mettent en lumière des expériences, des pratiques, des enjeux jusqu’ici peu visibles, et proposent un nouveau vocabulaire particulièrement fécond pour réactualiser les cadres d’analyse de la sociologie de la famille contemporaine.
Lien vers le dossier: https://journals.openedition.org/rsa/4532