23 juin 2016 : "Le climat, les climatologues, et la sensibilité climatique"

Exposé de Michel Crucifix dans le cadre du séminaire "Work in Progress". De 14h à 16h en salle Jean Ladrière. Pour plus d'informations, contacter Olivier Sartenaer.

Résumé (*)

On définit souvent le "système climatique" comme l'ensemble des composantes air - eau - biosphère - glace en interaction sous l'effet de forçages solaires et tectoniques. La notion de "climat" est déjà plus difficile à cerner. Historiquement posée comme les statistiques du "temps" qu'il fait, par exemple sur trente ans, on reconnaît aujourd'hui que cette définition est insuffisante car le sytème climatique varie à toutes les échelles de temps. Ce qu'on appelle climat dépend donc du contexte, et historiquement le concept a évolué conjointement avec les outils que l'on s'est donné pour l'étudier.

Selon une approche classique et analytique, on explique la dynamique émergente du climat comme une conséquence de la multitude d'interactions physiques locales. Le phénomène El-Niño, la variabilité de la circulation océanique, les âges glaciaires etc. forment un continuum d'effets qui peuvent se modéliser (simuler) numériquement sur base des lois physiques. Les simulateurs numériques sont des constructions qui relèvent de projets quasi industriels, et autour desquels s'est construit un paradigme d'étude du système climatique. La "sensibilité climatique" découle de cette construction: il s'agit du changement de température moyenne globale qui résulterait, à l'équilibre, du doublement de la concentration en CO2 par rapport à une référence pré-industrielle. La quantité est "simulable", mais pas observable. Pourtant, les climatologues déploient une énergie considérable pour déterminer la sensibilité climatique et en "réduire l'incertitude", souvent selon une procédure de mise à jour bayésienne afin d'informer les "décideurs". Nous allons analyser les ambigüités et les contradictions possibles de cette approche.

À côté de ce paradigme dominant cohabitent une série d'approches plus ouvertement phénoménologiques. Elle se distinguent en annonçant clairement leur domaine d'application (par exemple, un modèle simple des ages glaciaires) et sont à priori plus conformes à une tradition de parcimonie, mais qu'en est-il du principe d'universalité si cher aux scientifiques ? Nous allons étudier cette question et cela va nous amener à définir la notion de "régime climatique" ("work in progress"!).

(*) note: les considérations exposées ici résultent entre autres d'échanges informels avec Joel Katzav (U. Eindhoven) et Jonathan Rougier (U. Bristol) mais n'engagent pas ces auteurs.

Publié le 14 mai 2016