English version below
Appel à articles
coordonné par Bruno Frère, Directeur de recherches du FNRS
Lucie Nayak, Collaboratrice scientifique à l’Université de Liège
Véronique Servais, Professeur à l’Université de Liège
Suite au tournant pragmatiste des sciences sociales et aux travaux d’auteurs et autrices comme Bruno Latour (2006), Donna Haraway (2007) ou Isabelle Stengers (2009) il est devenu commun d’affirmer que le modèle économique qui a triomphé dans la modernité, le capitalisme productiviste, s’est construit sur une double domestication/exploitation : celle de la nature neutre et objectifiable d’une part (au sein de laquelle sont en général confinés les animaux) et celle des êtres humains d’autre part. Le tournant évoqué, rompant avec ce faux dualisme, conduirait à redessiner en profondeur les cartes du rapport des modernes à la nature en général, et aux animaux en particulier. Ce tournant serait porteur également de l’embryon d’un nouveau paradigme que les sciences sociales, avec d’autres sciences, appelleraient de leurs vœux : un paradigme écologique. Il s’agirait d’un paradigme qui respecte l’ensemble des êtres que porte la planète et qui sont nécessaires à son équilibre biologique[1]. Il se déploierait à la place du Capitalocène (Malm, 2017, Moore, 2016), que les perspectives pragmatistes les plus critiques entendent transcender (Bonneuil et Fressoz, 2013 ; Haraway, 2016 ; Charbonnier, 2020
Si le terme de Capitalocène est privilégié ici en lieu et place de celui d’Anthropocène c’est à dessein. Comme Andreas Malm, nous pensons que l’on ne peut tenir pour responsables identiquement tous les humains du changement climatique. Aux quatre coins du globe, diverses sociétés encore relativement « traditionnelles » utilisent largement moins de biens industriels et d’énergie fossile que les « modernes ». Et à ce jour les plus gros pollueurs restent les Etats-Unis et la Chine, sans commune mesure aucune avec les modes de vie non modernes d’autres peuples de par le monde. Il n’en va pas autrement, du reste, des classes sociales subalternisées dans le monde « occidental » lui-même, lesquelles classes consomment nettement moins (de voitures, d’avions, …) que les classes bourgeoises. Ce terme présente non seulement « l’avantage de politiser l’Anthropocène, et d’ouvrir les potentialités des critiques du capitalisme » (Malcom, 2019, p. 83)[2] mais il permet aussi, comme le souligne du reste Donna Haraway, d’éviter de tomber dans le piège d’un « universel générique masculin » ou encore dans celui d’une responsabilisation, elle aussi universellement étendue, des « génocides des peuples autochtone, de l’esclavage (…), des déplacements des peuples, des plantes, des animaux, des forêts rasées (et de) la violence de l’exploitation minière », pièges qu’Anthropos ne permet pas d’éviter (Haraway, 2016, p. 47 et 49). En somme, « parler de capitalocène plutôt que d'Anthropocène possède de multiples effets heuristiques et explicatifs. Cela signale en particulier que l'échange écologique inégal est bien un facteur explicatif majeur de la genèse conjointe des asymétries de richesses propres à la dynamique historique du capitalisme et de l’essor des impacts humains à l’origine du déraillement géologique de la planète dans l’Anthropocène » (Bonneuil, Fressoz, 2013, pp. 278-279).
Dans le paradigme écologique que ces auteurs appellent de leurs vœux, il s’agirait ainsi de recomposer un rapport au vivant qui soit un rapport symétrique de reconnaissance, et non plus un rapport d’exploitation, comme ont parfois pu s’en approcher les « non modernes » ou, plus près de nous, des pratiques agricoles et pastorales alternatives (Van Dam & al, 2019). Un tel rapport empêcherait les humains d’exploiter drastiquement les êtres qui composent leur monde, tant à des fins alimentaires qu’à des fins de travail productif. Il s’agirait donc de réconcilier les modernes avec une « nature » qu’ils ont jusque-là volontairement neutralisée et objectifiée.
Mais dans ce dossier, nous faisons le pari que cette réconciliation des modernes et de ce qu’ils ont traditionnellement placé du côté de la nature n’a pas abouti. En effet, ayant d’une part négligé la perspective critique qui, de Marx à Bourdieu en passant par l’École de Francfort (Marcuse, [1964] 1968 ; Adorno et Horkheimer, [1944] 1974 ; Bourdieu, 1979), a traditionnellement mis au centre des sciences sociales la question de la domination, et ayant d’autre part prêté peu d’attention aux approches communicationnelles, il nous semble que le tournant pragmatiste reste à ce jour inachevé, et l’hypothèse de la possibilité d’un nouveau paradigme écologique assez lointaine. En effet, quand bien même l’on entend « traduire » le point de vue des non-humains, on n’a jamais réellement cherché à comprendre ce qu’ils ont à nous dire, comment ils vivent leur condition exploitée et ce qu’ils ont peut-être déjà initié pour essayer de s’en affranchir (Hribal, 2007, 2011 ; Wadiwel, 2016, 2018). En définitive, sociologues, anthropologues, chercheur·e·s en sciences humaines et sociales et même militant·e·s sont resté·e·s « hors-nature » : ils et elles se sont arrogé le droit de parler au nom des êtres violentés par le Capitalocène que sont les animaux, conservant une posture de supériorité - la seule supposée apte à « porter leur parole » - sans jamais réellement être entrés en communication avec eux. On résiste pour eux mais sans eux. Or, comme l’indiquent aujourd’hui les Critical animal Studies (Nocella et al., 2014 ; Driessen, 2014), une telle communication est centrale si l’on entend comprendre (encompass) les animaux comme des êtres légitimes dans un espace public qui jouerait effectivement une démocratie dialogique contre le Capitalocène.
Développons plus avant ce constat. Il a été amplement montré par l’anthropologie et la sociologie de la communication, la philosophie du langage et les théories critiques que, quand deux parties sont prises dans un rapport de domination, la parole des subalternes s’avère moins légitime que celle des dominants. On sait aussi que les subalternes accèdent plus difficilement à l’espace public, parce que leur discours est systématiquement invisibilisé ou minorisé parce que tout simplement ils ou elles ne possèdent pas les codes du langage des dominants (Spivak, [1985] 2009). Et c’est bien le cas dans la plupart des situations où des humains (dominants) ont prétendu porter la parole de leurs subalternes animaux (Meijer, 2019 ; Castaing & Langlais, 2018). Bruno Latour a ainsi avancé que les non-humains ont la capacité de participer aux affaires humaines, à condition d’être représentés par des porte-parole humains. Mais ces paroles portées par les humain×e·s sont toujours reconstruites par eux plutôt que réellement saisies par des enquêtes qui s’engageraient au sein de ce que l’on pourrait appeler des « zoo-espaces public » ou des « agora animales » (Donaldson, 2020). Ces espaces peuvent être définis comme étant l’ensemble des espaces dialogiques où l’on prend la possibilité de la communication inter-espèces au sérieux. Que serait ainsi un rapport inter-espèces qui ne serait pas déterminé par le préjugé anthropocentrique qui prive les animaux de langage et de parole et prétend parler en leur nom et à leur place ? Si d’aventure de tels espaces publics pouvaient se démultiplier afin de recueillir les doléances de tous les êtres souffrant du réchauffement, de la pollution, de la déforestation et de l’industrie alimentaire typiques du Capitalocène, aurions-nous alors affaire à l’esquisse effective d’un nouveau paradigme écologique ? Comment créer des conditions pour que les voix de ces êtres, au premier rang desquels on trouve les animaux, puissent être entendues sans que cela ne soit considéré comme une « simple » projection humaine (Hache, 2019) ? Quel serait le prix à payer pour les modernes ? Est-il, à terme, réellement possible d’établir, au sein d’un zoo-espace public, un sens commun de revendications, un discours et une posture politique critique réellement inter-espèces, susceptibles d’inventer une façon d’être au monde, ensemble, non productiviste et non assujettissante ? Parce que ces questions nous semblent centrales, nous voudrions accueillir dans ce dossier des articles qui s’interrogent sur la possibilité (la nécessité ?) de la délibération avec les animaux et de l’interaction politique multi-spécifique dans tous les lieux susceptibles de s’apparenter à un zoo-espace public. De tels espaces existent déjà, notamment au-delà des mondes euro-américains (Nadasdy, 2016). Là où le vivant est d’emblée doté du pouvoir politique d’intervenir dans les affaires humaines, nul besoin de le doter a posteriori d’agentivité. Il faut donc enquêter dans ces espaces, rassembler et publier ce qui s’y documente.
A « l’âge du Capital » (Moore, 2016, p. 6) où l’exploitation des animaux humains et non humains atteint un paroxysme, il est devenu urgent de développer des méthodes qui soient ouvertes aux multiples formes que prend la communication avec le vivant, afin d’aider à présenter plus avant la façon dont les animaux, eux aussi, vivent et perçoivent la domestication productiviste. Ce dossier s’ouvrira donc aussi aux enquêtes empiriques cherchant à décrire et analyser les pratiques humaines de gestion des animaux dans un système d’industrialisation capitalistique qui tient ces derniers dans une position asymétrique. Pour tenter d’appréhender ce qui pourrait relever d’une critique inter-espèce de l’exploitation, et afin de ne pas décider nous-mêmes de ce qui est bien ou non pour les animaux, l’enjeu sera d’essayer de saisir ce qui, pour un animal, « pose problème » dans le traitement qu’on lui inflige, par exemple dans une situation de travail qui le réduit à ses qualités d’exploitabilité. Comment articuler le principe d’une domination objective avec une description du vécu d’un rapport humain-animal du point de vue de l’animal ? S’il est possible de l’ethnographier, comment alors équiper de façon critique nos descriptions ? Si certains auteurs nous montrent la voie, en cherchant à décrire le point de vue animal (Baratay, 2014 ; Pouillard, 2022), en déconstruisant savamment l’anthropocentrisme dans nos interactions avec les animaux (Despret, 2014), ou en proposant des « ethnographies animales » (Coulter, 2018), nous souhaitons ici approfondir la discussion sur les enjeux descriptifs des relations asymétriques qui sont la plupart du temps celles qu’entretiennent les êtres humains et les animaux. Il convient donc d’explorer des méthodes de communication bien souvent ignorées des perspectives pragmatistes, lesquelles pourtant sont probablement les plus engagées sur la voie d’un nouveau paradigme écologique symétrique, plus respectueux des êtres peuplant la biosphère. Mais il convient aussi d’aller « au-delà » des ethnographies multi-espèces qui se frottent souvent à ces méthodes en restant la plupart du temps, à l’instar du pragmatisme du reste, silencieuses sur les rapports tacites de domination.
En résumé, ce dossier souhaite articuler deux types d’articles complémentaires, qui auront en commun de développer leur réflexion à partir d’enquêtes et de matériau empirique. D’une part, nous souhaitons accueillir des suggestions qui entendent, grâce à l’enquête, camper une critique de l’exploitation d’une nature « faite chose » et dévitalisée, mais qui le font en éprouvant des méthodes communicationnelles qui cherchent réellement à faire remonter le point de vue des animaux quant à leurs sujétions. D’autre part, nous nous concentrerons sur des suggestions qui visent à appréhender les manières de peupler le monde ensemble autrement, qui s’expérimentent aux quatre coins du monde. Que se passe-t-il lorsqu’humains et animaux s’associent pour résister à un monde qui entend volontiers que l’un et l’autre servent de mêmes fins productivistes ? Mieux : qu’advient-il lorsque humains et animaux se mettent à vivre autrement dans des espaces publics inter-espèces repensés pour tenir à distance toute forme d’exploitation ? Bref, que se passe-t-il quand on envisage la cohabitation humain-animal non comme un moyen mais comme une fin politique « en soi », visant à faire société ensemble (Blattner et al, 2020) ? Voit-on émerger des solidarités inter-espèces ? Ou en a-t-on déjà vu émerger historiquement, de sorte que l’on puisse s’en inspirer de plus belle ? Quelles manières d'habiter le monde les zoo-espaces publics (utopiques ?) nous donnent-ils à voir, au-delà de l'exploitation généralisée des ressources vivantes par l’hégémonique modernité occidentale (Macé, 2022) ? Comment penser les espaces au sein desquels êtres humains et non humains pourraient cohabiter, visant une existence écologique émancipatrice commune ? Nous l’avons évoqué, accueillir véritablement les animaux dans les sciences humaines et sociales suppose plus que des modifications de façade où l’adoption d’une rhétorique où le « co- » et le « devenir animal » s’imposent à chaque page. Il ne s’agit plus seulement de se vivre en animal mais de chercher de nouvelles modalités d’existence que les réflexions les plus critiques sur les institutions de domination animale (comme les zoos) n’ont peut-être même pas encore envisagées. Car, nous le pensons, tel est bien l’avenir des sciences sociales après le tournant pragmatiste : contribuer à la construction d’un co-vivre égalitaire et écologique, couplant le schème de la critique de la domination à celui de la considération (Pelluchon, 2018).
Calendrier :
Réception des abstracts (300 mots) : 15 mai 2023
Sélection des abstracts et commande des articles : 15 juillet 2023
Réception des articles et envoi pour évaluation : 30 novembre 2023
Retour des commentaires des évaluateurs : début janvier 2024
Examen des commentaires par CR et coordinateurs/trice pour information/avis complémentaires : début-mi janvier 2024
Envoi commentaires aux auteurs pour révision : mi-janvier 2024
Réception et envoi vers évaluation des V2 : début mars 2024
Retour des commentaires sur V2 : mi-avril 2024
Finalisation des textes et dépôt de V3 aux coordinateurs : début juin 2024
Les abstracts seront adressés à l’adresse suivante : daniel.rochat@uclouvain.be
Bibliographie :
Ariès, P., 2016, « La gauche productiviste, c’est le stalinisme », dans Cahiers d’histoire, 2016/130 : 41-61.
Baratay, E., 2014, « Écrire l'histoire du point de vue de l'animal » dans V. Despret et R. Larrère, Eds., dans Les animaux : deux ou trois choses que nous savons d’eux, Paris : Hermann, 83-100.
Blattner C., Donaldson S., Wilcox R., 2020, “Animal Agency in Community: A Political Multispecies Ethnography of VINE Sanctuary”, in Politics & Animals, 6: 1-22.
Bonneuil, C. & Fressoz, J-B.,2013, L’événement anthropocène. La terre, l’histoire et nous, Paris : La Découverte.
Bourdieu, P., 1979, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris : Minuit.
Castaing, A., & Langlais, E., 2018, « Repenser les subalternités: des Subaltern Studies aux animalités » in Cultures-Kairos. hal-01952287
Castells, Manuel., 1998, End of Millennium, The Information Age: Economy, Society and Culture Vol. III. Cambridge, Massachusetts; Oxford, UK: Blackwell.
Coulter, K., 2018. “Challenging Subjects: Towards Ethnographic Analyses of Animals” in Journal for the Anthropology of North America, 21 (2), 58-71
Charbonnier, P., 2020, Abondance et liberté. Une histoire environnementale des idées politiques, Paris: La Découverte.
Despret, V., 2014, Que diraient les animaux, si... on leur posait les bonnes questions? Paris : La Découverte.
Donaldson S., 2020, “Animal Agora. Animal Citizens and the Democratic Challenge”, in Social Theory and Practice, 46 (4): 709-735.
Driessen, C. (2014). Animal deliberation. In : Political animals and animal politics, London: Palgrave Macmillan, pp. 90-104.
Hache, É.,2019, Ce à quoi nous tenons: propositions pour une écologie pragmatique, Paris : La découverte.
Haraway, D., 2007, When species meet, Minneapolis: University of Minnesota Press.
Haraway, D., 2016, Staying with the Trouble, Dunam and London: Duke University Press.
Horkheimer, M., & Adorno, T., [1944] 1974, La Dialectique de la raison, Paris : Gallimard.
Hribal, J. 2007, “Animals, Agency, and Class: Writing the History of Animnals from Below”, in Human Ecology Review, 14, 1, 101-112
Hribal, J., 2011, Fear of the animal planet: The hidden history of animal resistance, Chico (Ca): ak Press.
Latour, B., 2006, Changer la société, refaire de la sociologie, Paris : La Découverte.
Macé, E., 2022, “L’approche sociologique d l’Antropocène : un nouveau cadre historique des rapports sociaux”, dans eLs cahiers du Framespa, 2022/40, http://journals.openedition.org/framespa/13000 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ framespa.13000
Malcom, F., 2019, Une écologie décoloniale. Penser l’écologie depuis le monde caribéen, Paris : Seuil.
Malm, A., 2017, L'anthropocène contre l'histoire : Le réchauffement climatique à l’ère du capital, Paris, La Fabrique.
Marcuse, H., [1964] 1968, L’Homme unidimensionnel, Paris : Minuit.
Meijer, E., 2019, When animals speak, New York: New York University Press.
Moore, J.W., eds., 2016, Anthropocene or Capitalocene ? PM Press/Kairos.
Nadasdy, P., 2016, “First Nations, Citizenship and Animals, or Why Northern Indigenous People Might Not Want to Live in Zoopolis”, in Canadian Journal of Political Science / Revue canadienne de science politique, 49:1, 1–20
Nocella, A.J., Sorenson, J., Socha, A., Matsuoka, A. (eds.), 2014, Defining Critical Animal Studies. An Intersectional Social Justice Approach for Liberation, New York : Peter Lang
Pelluchon, C., 2018, Éthique de la considération, Paris : Seuil
Pouillard, V., 2022, “The Silence and the Fury: Addressing Animal Resistance and Agency through the History of Human-Animal Relationships” in Animals Matter: Resistance and Transformation in Animal Commodification (pp. 32-55). Brill.
Spivak G. C., 2009 [1985], Les subalternes peuvent-elles parler ?, Paris : Editions Amsterdam.
Stengers, I., 2009, Au temps des catastrophes. Resister à la barbarie qui vient, Paris: La Découverte.
Van Dam D., Nizet J., Streith M., (Eds), 2019. Humains et animaux dans les agricultures alternatives. La domination en question, Dijon, Educagri,
Wadiwel, D.J., 2016, “Do Fish Resist?”, in Cultural Studies Review, 22 (1): 196-242.
Wadiwel, D., 2018, “Chicken harvesting machine: Animal labor, resistance, and the time of production” in South Atlantic Quarterly, 117(3), 527-549.
Productivist Domination in the Age of the Capitalocene
Methods for an interspecies critique
coordinated by Bruno Frère, FNRS Research Director Lucie Nayak, Scientific associate at the University of Liège, Véronique Servais, Professor at the University of Liège
Following the pragmatist turn in the social sciences and the work of authors such as Bruno Latour (2006), Donna Haraway (2007) and Isabelle Stengers (2009), it has become commonplace to assert that the economic model that has triumphed in modernity – productivist capitalism – was built on two forms of domestication/exploitation: that of neutral and objectifiable nature on the one hand (within which animals are generally confined); and that of human beings on the other. Breaking with this false dualism, the pragmatist turn led to a fundamental redrawing of the maps of modern people’s relationship to nature in general, and to animals in particular. This turn also carried the embryo of a new paradigm that the social sciences, along with other sciences, are calling for: an ecological paradigm. This would be a paradigm that respects all the beings that live on the planet and are necessary for its biological balance[3]. It would unfold in place of the Capitalocene (Malm 2017; Moore 2016), which the most critical pragmatist perspectives intend to transcend (Bonneuil & Fressoz 2013; Haraway 2016; Charbonnier 2020).
Our use of the term Capitalocene here instead of Anthropocene is deliberate. Like Andreas Malm, we believe that not all humans can be held equally responsible for climate change. Various societies around the world that are still relatively “traditional” use far lower quantities of industrial goods and fossil fuels than do “modern” ones. And to this day the biggest polluters are the United States and China, whose ways of life are in no way comparable to the non-modern lifestyles of other peoples around the world. The same is true of the subaltern social classes in the “Western” world itself, which consume far less (cars, airplanes, etc.) than the bourgeois classes. This term has “the advantage of politicizing the Anthropocene, and opening up the potentialities of critiques of capitalism” (Malcom 2019, p. 83)[4]. But it also allows us, as Donna Haraway points out, to avoid falling into the trap of a “generic masculine universal”, or even into that of universally extending responsibility for “indigenous genocides, slavery (...), relocation of peoples, plants, and animals; the leveling of vast forests; and the violent mining of metals” – traps that Anthropos does not allow us to avoid (Haraway, 2016, pp.47-48). In sum, “speaking of the capitalocene rather than the Anthropocene has multiple heuristic and explanatory effects. In particular, it signals that unequal ecological exchange is indeed a major explanatory factor behind the joint genesis of the wealth asymmetries specific to the historical dynamics of capitalism, and the rise of the human impacts that are at the root of the planet’s geological derailment into the Anthropocene” (Bonneuil and Fressoz 2013; pp. 278-279).
In the ecological paradigm that these authors call for, the challenge is thus to recompose our relationship with living beings so that it becomes a symmetrical relationship of recognition, and no longer one of exploitation, as “non-moderns” or, closer to home, alternative agricultural and pastoral practices have sometimes managed to get close to (Van Dam et al. 2019). Such a relationship would prevent humans from drastically exploiting the beings that make up their world, for both food and productive labor purposes. It would thus reconcile moderns with a “nature” that they have so far wilfully neutralized and objectified.
But in this special issue, we start from the conviction that this reconciliation between the moderns and that which they have traditionally assigned to nature has failed. Having condemned the critical perspective which, from Marx to Bourdieu via the Frankfurt School (Marcuse [1964] 1968; Adorno & Horkheimer [1944] 1974; Bourdieu 1979), has traditionally placed the question of domination at the centre of the social sciences, and having neglected communicational approaches, it seems to us that the pragmatist turn remains unfinished to this day, and the possibility of a new ecological paradigm rather remote. Indeed, even if we intend to ‘translate’ the point of view of non-humans, we have never really tried to understand what they have to tell us, how they experience their exploited condition and what steps they may already have taken to try to free themselves from it (Hribal 2007, 2011; Wadiwel 2016, 2018). In the end, sociologists, anthropologists, researchers in the humanities and social sciences, and even activists have remained ‘above-nature’: they have arrogated to themselves the right to speak in the name of those beings abused by the Capitalocene that are animals, maintaining a stance of superiority – the only stance supposedly capable of ‘carrying their voice’ – without ever really having entered into communication with them. We resist for them but without them. Yet, as Critical Animal Studies (Nocella et al. 2014; Driessen 2014) now suggests, such communication is central if we intend to understand (encompass) animals as legitimate beings in a public sphere in which dialogic democracy effectively plays out against the Capitalocene.
Let us develop this observation further. It has been amply demonstrated by the anthropology and sociology of communication, the philosophy of language, and critical theories that, when two parties are caught up in a relationship of domination, the speech of the subalterns proves to be less legitimate than that of the dominant. We also know that subalterns find it more difficult to access the public sphere, because their discourse is systematically invisibilised or minoritised because they simply do not possess the codes of the language of the dominant (Spivak [1985] 2009). And this is indeed the case in most situations where (dominant) humans have claimed to carry the voice of their animal subordinates (Meijer 2019; Castaing & Langlais 2018). Bruno Latour has thus argued that non-humans have the capacity to participate in human affairs, provided they are represented by human spokespersons. But these voices carried by human beings are always reconstructed by them rather than being registered by enquiries that engage within what might be called ‘zoo-public spheres’ or ‘animal agora’ (Donaldson 2020). These spheres can be defined as those dialogical spaces where the possibility of interspecies communication is taken seriously. What would an interspecies relationship be that is not determined by the anthropocentric prejudice that deprives animals of language and speech and claims to speak for them and in their place? If such public spheres could be multiplied to gather the grievances of all beings suffering from global warming, pollution, deforestation, and the food industry, would we then see the genuine outline of a new ecological paradigm? How can we create the conditions for the voices of these beings, foremost among them animals, to be heard without the result being seen as a ‘mere’ human projection (Hache 2019)? What price would moderns have to pay? Is it, in the long run, possible to establish, within a zoo-public sphere, a common sense of demands, a discourse and a critical political stance that are truly inter-species, and that are likely to invent a way of being in the world, together, that is non-productivist and non-subjugating? Because these questions seem central to us, in this issue we would like to welcome contributions that question the possibility of deliberation with animals and of multi-species political interaction in all the places likely to resemble a zoo-public sphere. Such spaces already exist, especially beyond the Euro-American worlds (Nadasdy 2016). Where the living is endowed from the outset with the political power to intervene in human affairs, there is no need to endow it a posteriori with agency. It is therefore necessary to investigate these spaces, and to collect and publish what is documented there.
In “the age of capital” (Moore 2016, p. 6), where the exploitation of human and non-human animals is reaching a climax, it has become urgent to develop methods that are open to the multiple forms that communication with living beings takes, in order to further describe the way in which animals, too, experience and perceive productivist domestication. This special issue will therefore also be open to empirical investigations seeking to describe and analyse human animal management practices in a system of capitalist industrialisation that holds animals in an asymmetrical position. In order to try to understand what a cross-species critique of exploitation could be, and in order not to decide for ourselves what is good or bad for animals, the challenge will be to try to understand what, for an animal, “is an issue” in the treatment it receives, for example in a work situation that reduces it to its exploitable qualities. How can the principle of objective domination be connected up with a description of the experience of a human-animal relationship from the animal’s perspective? If it is possible to conduct an ethnography of it, how can we then critically equip our descriptions? Some authors show us how to do this, by seeking to describe the animal point of view (Baratay 2014; Pouillard 2022), by skilfully deconstructing anthropocentrism in our interactions with animals (Despret 2014), or by proposing animal ethnographies (Coulter 2018). But here we want to deepen the discussion about the challenges of describing what are for the most part asymmetrical relationships between human beings and animals. It is therefore helpful to explore methods of communication that are often ignored by pragmatist perspectives, which are nevertheless probably the most committed to a new symmetrical ecological paradigm that is more respectful of the beings inhabiting the biosphere. But we must also go ‘beyond’ multi-species ethnographies, which often rub shoulders with these methods while remaining mostly silent about tacit relations of domination, as pragmatism does.
In summary, this issue aims to bring together two complementary types of article, both of which are based on empirical material. On the one hand, we welcome proposals that seek, through investigation, to establish a critique of human exploitation of a nature that is commodified and devitalised, but that do so by trying out communicative methods that genuinely seek to raise up the point of view of the animals regarding their subjection. On the other hand, we will focus on proposals that aim to understand the ways of populating the world together differently that are being experimented with around the world. What happens when humans and animals join forces to resist a world that wants both to serve the same productivist ends? Better still, what happens when humans and animals start to live differently in inter-species public spheres that have been redesigned to keep all forms of exploitation at bay? In short, what happens when we consider human-animal cohabitation not as a means (for productivist ends) but as a political end ‘in itself’, aiming to create a society together (Blattner et al. 2020)? Are we seeing the emergence of inter-species solidarity? Or perhaps have we already seen them emerge historically, so that we can draw further inspiration from them? What ways of inhabiting the world do (utopian?) public zoo-spheres show us, beyond the generalised exploitation of living ‘resources’ by hegemonic modernity (Macé 2022)? How can we conceive of spaces in which human beings and non-human beings might live together, aiming for a common emancipatory ecological existence? As we have already mentioned, truly welcoming animals into the human and social sciences requires more than cosmetic changes or the adoption of rhetoric in which “co-” and “becoming animal” are inserted into every page. It is no longer just a matter of living as an animal, but of seeking new modalities of existence that the most critical reflections on the institutions of animal domination (such as zoos) have perhaps not even considered yet. For, we believe, this is the future of social sciences after the pragmatist turn: to contribute to the construction of an egalitarian and ecological coexistence, coupling the framework of the critique of domination to that of consideration (Pelluchon 2018).
Timetable
Receipt of abstracts (300 words) : 15th May 2023
Selection of abstracts and commissioning of papers: 15th July2023
Receipt of papers and submission for review: 30 November 2023
Feedback from reviewers: early January 2024
Review of comments by the editorial committee and coordinators for additional information/advice: early-mid January 2024
Comments sent to authors for review: mid-January 2014
Receive and send V2s to reviewers: early March 2024
Feedback on V2s: mid-April 2024
Finalisation of texts and submission of V3s to coordinators: early June 2024
Abstracts should be sent to the following address: daniel.rochat@uclouvain.be
[1] . Tel est l’espoir du Chthulucène conceptualisé par Haraway (2016)
[2] . Pour d’aucun, le communisme fut également un productivisme. On peut croire l’analyse globalement juste, vue de loin et si l’on considère surtout le modèle industriel agraire déployé à marche forcée en URSS à partir de 1928. Cependant, une très large nuance est de mise. Les historiens sont aujourd’hui relativement d’accord pour dire que c’est en fait plus précisément le stalinisme, et non le communisme, qui tenta ainsi le productivisme pour rivaliser avec l’Occident. Staline a d’ailleurs censuré explicitement toutes les vélléités libertaires et conseillistes de la gauche de l’époque qui portaient les prémices d’une économie écologique (Ariès, 2016). Et avant lui, La social-démocratie allemande dès la fin du 19e Siècle bannissait toutes vélléités antiproductivistes. Or Marx lui-même, dans sa célèbre Critique du Programme de Gotha, s’en prenait déjà à l’illusion du progrès laquelle conduira à l’idéologie industrielle qui deviendra tant celle d’une “certaine gauche” en occident, que celle de la dictature sovietique à l’Est (Ibid.). Il serait donc plus juste de parler comme le suggère Malm, de stalinisme fossile (2017, p. 52), système productiviste mort et enterré du reste. Quant à la Chine, tout aussi loin de Marx, c’est depuis longtemps dans la voie d’un capitalisme d’Etat qu’elle s’est engoufrée comme l’a montré Manuel Castells (1998)
[3] It is such a hope that Haraway has conceptualized with the idea of the Chthulucene (2016).
[4] For some, communism was also a type of productivism. Seen from a distance, we might think that this analysis is generally correct – especially if we consider the agrarian industrial model rapidly deployed in the USSR from 1928 onwards. However, a significant qualification is in order. Historians do now mostly agree that it was in fact more precisely Stalinism, and not communism, that tried out productivism in order to compete with the West. Moreover, Stalin explicitly suppressed all the libertarian and councilist tendencies within the left at the time that carried the beginnings of an ecological economy (Ariès, 2016). And before him, from the end of the 19th century German social democracy banned all anti-productivist ideas. Marx himself, in his famous Critique of the Gotha Program, had already attacked the illusion of progress that would lead to the industrial ideology that would become the ideology of a “certain left” in the West, as well as that of the Soviet dictatorship in the East (Ibid.). It would therefore be more accurate to speak, as Malm suggests, of fossil Stalinism (2017, p. 52), a productivist system dead and buried. As for China, which is just as far from Marx, it has long since embarked on the path of a state capitalism, as Manuel Castells has shown (1998)