Félicitations au Docteur Thibaut Ghils !

Retrouver un territoire d’eau multifonctionnel, Entre Douai et Tournai, la vallée Scarpe-Escaut.

Contribution de l'Histoire au développement territorial durable

Abstract

Le territoire franco-belge de la vallée Scarpe-Escaut était, jusqu'au tournant du XVIIIᵉ, composé pour majorité de prairies inondables, de tourbières et de marais. Sans anthropisation, environ 30 % de la surface du Nord–Pas‑de‑Calais serait probablement constitué de zones humides, alors qu'elles n'en couvrent plus qu'à peine 1 % (Scarwell & Franchomme, 2005). Sous l'Ancien Régime, cet ensemble formait un espace multifonctionnel axé sur l'humide. Les populations locales y avaient développé des pratiques agropastorales spécifiques et variées, le transformant en un territoire d'eau largement multifonctionnel et productif : élevage, pâturage, pêche, chasse, cueillette, collecte de matières premières... Les inondations constituaient un élément d'une hydraulique maîtrisée, caractéristique centrale de ce modèle agropastoral. Un équilibre, à questionner, semblait exister entre une anthropisation contenue et une naturalité manifeste.

Motivé par des raisons économiques puis sanitaires, le dessèchement systématique des prairies humides des XVIIIᵉ et XIXᵉ eut pour conséquence le passage de l'élevage à l'agriculture (Morera 2008, Fournier 2011). Ces mutations firent de cet ensemble un territoire largement monofonctionnel où le rapport à l'eau (surtout stagnante) s'est distendu. L'inondation se mua en un risque dont il fallait dès lors se prémunir. À l'inverse de la période précédente, les transformations du territoire furent systématisées et irrémédiables.

Aujourd'hui, de l'ONU à l'Union européenne, les zones humides et la restauration des biotopes sont au centre des préoccupations. L'angle d'analyse contemporain est celui des fonctions écosystémiques telles que formalisées dans le Millennium Ecosystem Assessment de 2003 (Watson & Zakri, 2003), privilégiant, à juste titre, la conservation et la restauration de la biodiversité mais n'accordant qu'une attention mineure aux fonctions productives.

L'Histoire peut-elle nous inspirer afin d'imaginer un projet de territoire multifonctionnel centré sur l'humide et de nouveaux usages économiques redéployés ?

Dans une approche rétroprospective, cette thèse de doctorat cherche à identifier les modalités possibles d'une nouvelle territorialité, au départ de la réhumidification de la vallée, visant le redéploiement de ses services écosystémiques. Plus encore, elle se penche sur les fonctions productives, en lien à l'humide, qu'il est possible d'y redéployer. Pour y parvenir, la recherche doctorale évalue la pertinence, la faisabilité et la rentabilité des fonctions historiques, dans les cas d'une réhumidification. Elle évalue ensuite les différents freins susceptibles de contrarier la mise en place d'un tel projet. Enfin, la contribution pose la question de la notion de territoire et s'interroge sur les éléments nécessaires à la mise en place de celui-ci, en cherchant à lister ceux déjà existants et ceux faisant défaut.

Sources

FOURNIER Patrick, Zones humides et "aérisme" à l’époque moderne, Groupe d’Histoire des Zones Humides, Zones humides et santé, Arles, 2008.
MORERA Raphaël, L’assèchement des marais en France au XVIIème siècle, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2011.
SCARWELL Helga et FRANCHOMME Magalie, Autour des zones humides : espaces productifs d'hier et conflits d’aujourd’hui, VertigO la revue électronique en sciences de l'environnement [en ligne], volume 6 numéro 1, mai 2005.
WATSON Robert T and ZAKRI Abdul Hamid, Ecosystems and human well-being: a framework for assessment, Millennium Ecosystem Assessment, 2003.

Publié le 30 mai 2024