Clément Crucifix - Les argents de la fin du progrès. Une ethnographie du Mexique rural néolibéral

Louvain-La-Neuve, Mons

11 juin 2019

17h

Louvain-la-Neuve

Salle du Conseil (LECL 93)

Le Recteur de l'Université catholique de Louvain fait savoir que 

Mr Clément Crucifix

soutiendra publiquement sa dissertation pour l'obtention du titre de Docteur en sciences politiques et sociales

« Les argents de la fin du progrès. Une ethnographie du Mexique rural néolibéral »

Abstract​​

Since the end of the eighties, the Mexican rural world has been facing radical transformations due to the application of neoliberal policies. From an agricultural economy based on land, we are now seeing a rural society where land is less central and where families depend on many sources of liquidity for their livelihoods (remittances, money transfers from the State, microcredits, etc.). This thesis analyses these transformations on the basis of a locally situated ethnographic research, undertaken over a period of 15 months (between 2016 and 2018).

In El Progreso, a small village of 2000 inhabitants situated in the sierra of the State of Puebla (Mexico), the above-mentioned transition to neoliberalism is experienced as being extremely brutal. Previously, people in El Progreso relied mainly on coffee agriculture. Nowadays, these times are referred to as a glorious and mythical past, associated to progress. This contrasts the current times which people perceive as uncertain and difficult. Hence, the inhabitants get the impression to have lost what mattered, and to live on the ruins of progress.

This thesis aims to discuss the specific place that money occupies in these transformations. Indeed, the new monies on which families depend, like microcredits and conditional cash transfers, are not insignificant. They contribute to the insertion into this rural world of a particular rationality corresponding to neoliberal ideology; that of the entrepreneurial subject, responsible of his own development, and obliged to use money as such. However, people make uses of money that do not correspond to this logic. This leads to tensions between diverse economic imaginaries and practices. Our work analyses the processes induced by this encounter between heterogeneous manners of doing and imagining the economy, discussing how people negotiate the gaps and frictions generated, and how it contributes to reconfigure power relations.

More broadly, this thesis allows to think about transformations that numerous rural areas in the world are experiencing, as the pressure of a global free market and austerity policies make it increasingly difficult to live from agriculture. Additionally, it discusses socio-cultural processes resulting from the recent mutations of the capitalist economy, where financial markets have a growing influence, which spreads to previously peripheral regions.

Résumé

Depuis la fin des années 80, le monde rural mexicain a été confronté à des transformations radicales dues à l’application de politiques néolibérales. D’une économie agricole tournant autour de la terre, on est passé aujourd’hui à une société rurale où les familles dépendent de nombreuses sources de liquidité pour assurer leur survie (migration, transferts d’argent de l’État, microcrédits, etc.) et où la terre occupe une place moindre. Cette thèse analyse ces transformations sous le prisme d’une enquête ethnographique, réalisée durant 15 mois (entre 2016 et 2018) et localement située.

À El Progreso, petit village de 2000 habitants situé aux confins de la Sierra de l’État de Puebla (Mexique), cette transition au néolibéralisme est vécue de manière extrêmement brutale. Le temps d’avant, où les gens vivaient essentiellement de la culture du café, est désormais fini. Les gens l’évoquent sous la forme d’un passé glorieux et mythique, associé au progrès. Au contraire, aujourd’hui, les temps sont perçus comme de plus en plus incertains et difficiles. Cela donne l’impression aux habitants d’avoir raté ce qui a compté, et de vivre sur les ruines de ce progrès.

Cette thèse entend discuter la place particulière qu’occupe l’argent dans ces transformations. En effet, les nouveaux argents, comme les microcrédits ou les transferts conditionnés d’argent, dont dépendent les familles ne sont pas anodins. Ils contribuent à insérer, au sein de ce monde rural, une rationalité particulière correspondant à l’idéologie néolibérale ; celle de l’individu entrepreneur et responsable de son propre développement, et devant donc utiliser l’argent en conséquence. Dans la pratique, les gens font pourtant des usages de l’argent échappant à cette logique, entraînant la mise en tension d’imaginaires et de pratiques économiques diverses. Notre travail analyse les processus induits par cette rencontre entre des manières hétérogènes de faire et imaginer l’économie, discutant des façons dont les individus négocient les écarts et frictions générés, ainsi que les rapports de pouvoir que cela contribue à reconfigurer.

De manière plus générale, cette thèse permet de penser les transformations que traversent de nombreuses régions rurales du globe où, sous la pression du libre marché global et des politiques d’austérité, il est de plus en plus difficile de vivre uniquement du travail de la terre. Aussi, elle discute des processus socio-culturels entraînés par les mutations récentes de l’économie capitaliste, où le marché financier a pris une importance croissante et s’est étendu vers des régions jadis périphériques.

Membres du jury 

Professeur Pierre-Joseph Laurent (UCL), président du jury
Professeur Olivier Servais (UCL), promoteur et secrétaire
Professeur Johan Bastiaensen (Université d’Anvers), co-promoteur
Professeur Julie Hermesse (UCL)
Professeur Andreia Lemaitre (UCL)
Professeur Bill Maurer (University of Irvine)
Professeur Solène Morvant-Roux (Université de Genève)
Professeur Luc Van Liedekerke (Université d’Anvers)