Feriel Bouatta - Entre nationalisme culturel et projet moderniste : les contours de l’émancipation des femmes dans l’Algérie postcoloniale Des parcours féminins d’autonomie à Alger

ESPO Louvain-La-Neuve, Mons

02 septembre 2022

10h

Louvain-la-Neuve

LECL 60

Le Recteur de l'Université catholique de Louvain fait savoir que

Feriel Bouatta

soutiendra publiquement sa dissertation pour l'obtention du titre de Docteur en sciences politiques et sociales

Entre nationalisme culturel et projet moderniste : les contours de l’émancipation des femmes dans l’Algérie postcoloniale - Des parcours féminins d’autonomie à Alger

Abstract

Beyond the traditional models of femininity promoted in nationalist and Islamic discourses and endogenous feminist movements, new models of femininity are being formed in Algeria by active, urban, graduate, and veiled women.

This thesis focuses on the appearance of this new category of women in the city of Algiers. The work falls within a sociohistorical context of re-Islamization, postcolonialism, and a modernization process prompted from above. The latter profoundly modified traditional attachments and led to new identities while relying on the reification of supposedly authentic patriarchal values, which are associated mainly with women's status.

These femininities are characterized by their access to new social positions in a relative tension with gender assignments, giving rise to new social practices and modes of subjectivity that do not unfold following forms of protest or activism. However, their visible and widespread nature participates in the permanent process of boundaries renegotiation imposed by gendered norms. The extension of accepted behaviour for women will thus create new inclusion and exclusion norms in the gender order. Hence, emancipatory trajectories emerge without renouncing the feminine dispositions valued by the socio-cultural context to which they belong.

These trajectories are based on individuation processes, such as the pursuit of professional success, the adoption of mobile lives, and decision-making in the family while investing and renewing a complex relationship between femininity and appearance / sexual convenience, with the aim of preserving social reputation, that is to say, by staging a modest self.

Being, making, or becoming this type of woman implies a cost, for it requires significant efforts on the part of women: to succeed in their professional and domestic careers. These expectations are not required of men. Paradoxically, these fragmented feminity models participate in establishing a social representation of idealised women who are modest, virtuous/responsible, courageous, and believers, unlike men who are instead considered immature and irresponsible. Thus they become, in a way, the new muses manifesting a feminine triumphalism based on a differential vision of the sexes.

Résumé

Au-delà des modèles de féminités promues dans les discours nationalistes, dans les discours islamiques voire dans le mouvement féministe endogène, se constituent en Algérie de nouveaux modèles de féminités portés par des femmes actives, urbaines, universitaires et voilées.

Cette thèse porte précisément sur l’émergence de cette nouvelle catégorie de femmes dans la ville d’Alger. Elle s’inscrit dans un contexte socio-historique situé, marqué par la réislamisation, le postcolonialisme et par un processus de modernisation initié par le haut. Ce dernier a modifié en profondeur les attachements traditionnels en direction de nouvelles identités, tout en s'appuyant sur la réification des valeurs patriarcales supposées authentiques, lesquelles sont associées principalement au statut des femmes.

Ces féminités se caractérisent par leur accès à de nouvelles positions sociales qui contrarient de façon relative certaines assignations de genre donnant lieu à de nouvelles pratiques sociales et modes de subjectivité qui ne se déploient pas suivant un registre contestataire ou sous forme de revendications militantes. Cependant, leur caractère visible et répandu participe au processus de renégociation permanent des frontières imposées par les normes de genre. L’extension des conduites admises pour les femmes va créer ainsi de nouvelles normes d’inclusion et d’exclusion dans l’ordre des genres. S’esquissent alors des trajectoires d’émancipation qui ne renoncent pas aux dispositions féminines valorisées dans le contexte socio-culturel qui est le leur. Ces trajectoires se fondent sur des processus d’individuation telle que la poursuite de la réussite professionnelle, l’adoption de vies mobiles, la prise de décision dans la famille, tout en investissant et en reconduisant une relation complexe entre féminité et apparence / convenance sexuelle, dans un souci de préservation de la réputation sociale, c’est-à-dire en performant une mise en scène de soi pudique.

Être, se faire ou devenir ce type de femme implique un coût car cela requiert des efforts importants de la part des femmes : réussir sa carrière professionnelle et sa carrière domestique, attentes qui ne sont pas exigées des hommes. Paradoxalement ces modèles de féminités atomisés participent à instaurer une représentation sociale de femmes idéalisées qui seraient pudiques, vertueuses / responsables, courageuses, croyantes, à l’opposé de celle des hommes qui seraient plutôt immatures et irresponsables. Ainsi elles deviennent, en quelque sorte, les nouvelles égéries de la manifestation d’un triomphalisme féminin s’appuyant sur une vision différentialiste des sexes.

Membres du jury

Prof. Dr Andreia Lemaître, présidente
Prof. Dr Vincent Legrand, promoteur & secrétaire
Prof. Dr Sophie Charlier, membre du comité d’accompagnement
Prof. Dr Yamina Rahou, membre du comité d’accompagnement
Prof. Dr Azadeh Kian, membre extérieur
 

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