Les prévisions climatiques, c'est son credo. A 32 ans, François Massonnet vient d'être nommé Chercheur Qualifié du FNRS. Et s'il travaille sur le sujet depuis des années, il se réjouit de creuser la question dans le futur.
Sa particularité : un diplôme d'ingénieur civil, enrichi par le suivi de cours de météorologie, climatologie ou encore dynamique des fluides durant son master, bouclé en 2009. Sa thèse, achevée en 2014, s'orientait sur l'étude des régions polaires arctique et antarctique. « Les changements climatiques rapides qu'on peut y observer donnent un avant-goût de ce qui pourrait bientôt se passer ailleurs dans le monde», souligne-t-il. Un intérêt qu'il a approfondi durant deux ans à Barcelone. « Je me suis spécialisé dans la production et l’analyse de prévisions climatiques à des échelles de quelques mois à quelques années grâce à un supercalculateur, un ordinateur extrêmement puissant, que j'ai pu utiliser là-bas. En particulier, j'ai cherché à savoir comment améliorer la prévision des banquises arctique et antarctique plusieurs mois à l'avance. Cette information est cruciale car elle permet par exemple de planifier au mieux les trajets de bateaux dans ces régions reculées et très hostiles.»
De retour à l'UCL en 2016, au Centre de recherche sur la Terre et le climat Georges Lemaître (Earth and Life Institute), il poursuit son travail sur ces thématiques. « Faire des recherches à l'étranger permet de se rendre compte qu’il n’existe pas une seule manière de travailler. Séjourner dans un autre groupe de recherche, c’est aussi aller chercher une expertise ailleurs pour revenir avec un nouveau bagage », insiste le chercheur.
Chargé de recherche au FNRS, François Massonnet utilise deux sources d'informations complémentaires pour estimer l'état du climat et son futur : les modèles climatiques, soit des codes informatiques qui fonctionnent sur base de lois physiques connues (ces modèles sont souvent imprécis mais offrent une excellente couverture spatiale et temporelle), et des observations du climat via des données satellitaires et des observations sur le terrain (ces observations sont plus précises mais sont mal réparties dans l'espace et dans le temps). « Cette approche m'a par exemple permis de proposer une reconstruction inédite de la banquise antarctique sur les trente dernières années, précise le chercheur. J'ai utilisé des informations éparses combinées à des sorties de modèles pour proposer un historique de l'évolution de l'épaisseur de la banquise. L'objectif est de comprendre comment et pourquoi elle évolue. »
Autre exemple d'étude menée : l'observation de l'évolution de la banquise arctique. « C'est un travail qui a été fait dans le cadre du dernier rapport du GIEC, le Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat. La conclusion est que si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au même rythme qu’aujourd'hui, il n'y aura vraisemblablement plus de glace en été en Arctique d’ici le milieu du siècle – dans 30 ans ! »
A l'avenir, François Massonnet souhaite profiter de son poste permanent au FNRS pour orienter ses recherches vers le développement d'une filière de prévisions saisonnières à décennales. « Quand on regarde le JT ou qu'on lit le journal, on reçoit typiquement deux types d'informations: les prévisions pour les prochains jours et les informations de type « changements climatiques », qui nous projettent à très long terme. Je vais travailler entre ces deux échelles de temps. » La question à laquelle il compte répondre : peut-on pousser les limites de la prévision météo sur nos régions au-delà de quelques jours ? « C'est un sujet assez neuf, car cela demande des moyens phénoménaux de traitement de données, de calcul sur ordinateur, bref des ressources informatiques. Et d'un point de vue scientifique, c'est compliqué. Il faut monopoliser des professionnels de la physique, des mathématiques, des statistiques, de l'informatique,... Cela explique que cette filière ait mis longtemps à décoller. Sa mise en place répond à une demande de plus en plus pressante de la part de gouvernements, d’entreprises ou encore de secteurs comme l’agriculture, qui cherchent à obtenir de l’information climatique fiable sur plusieurs mois à plusieurs années (par exemple, pour choisir d’investir dans des infrastructures).»
Une région sera au centre de ses recherches : l'Atlantique Nord. Et pour cause, les vents venant de l'ouest, le climat de cette zone du monde a une grande influence sur le type de temps vécu en Europe.
En tant que Chercheur Qualifié FNRS, François Massonnet va pouvoir monter une équipe pour travailler avec lui sur le projet. « Il faudra notamment optimiser l'utilisation des données climatiques. On commence à faire appel à des algorithmes de style intelligence artificielle pour extraire des informations utiles aux prévisions. La quantité de données climatiques a explosé en 30 ans, l'idée est de maîtriser ces informations dont le volume nous dépasse complètement. »
Et pour cela, pas question de se confiner dans son bureau : il compte aller à la rencontre d'autres chercheurs, du même secteur ou travaillant sur des problématiques différentes. « Je compte bien lancer une dynamique en interne à l’université sur ma thématique de recherche. Je suis en tout cas impatient de commencer, ce poste permanent me permet de me projeter à long terme. Je suis plus motivé que jamais. »
Anne-Catherine de Bast