Une nouvelle famille d’enzymes en ligne de mire

Les cofacteurs sont aux enzymes ce que les outils sont aux ouvriers. Benoît Desguin a découvert un nouvel « outil », un cofacteur contenant du nickel, et compte bien mettre le doigt sur la famille d’enzymes qui l’utilisent pour accomplir leurs tâches.

Parcourir de longues distances à vélo ou au labo, cela ne lui fait pas peur ! Benoît Desguin se rend dès qu’il peut à vélo « couché » depuis Nivelles jusqu’à son laboratoire au Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology (LIBST) à Louvain-la-Neuve. Un laboratoire au sein duquel il a aussi fait du chemin depuis son mémoire en 2008. « J’ai choisi des études de bioingénieur car je m’intéresse beaucoup aux mécanismes qui régissent la nature et le monde en général. Ces études sont à mes yeux un bon compromis entre une approche fondamentale et appliquée des choses », indique le jeune homme. « Durant mon mémoire, j’ai travaillé sur la modification génétique d’une bactérie utilisée par une entreprise afin d’améliorer la productivité d’acide lactique ». Les bactéries lactiques sont utilisées par l’Homme depuis des millénaires pour fermenter certains aliments comme les laitages mais on le retrouve parfois également dans des produits tels que les cosmétiques ou les plastiques biodégradables.

Des étincelles avec un « vieux » sujet de thèse

Emballé par ses travaux de recherche au cours de son mémoire, Benoît Desguin se voit bien poursuivre une peu plus loin dans cette voie. Son promoteur, Pascal Hols, lui propose alors un sujet de thèse. « C’était un ancien sujet de thèse difficile et qui restait inabouti depuis plusieurs années », explique Benoît Desguin. Et pourtant, avec ce « vieux » sujet de thèse, ce « nouveau » chercheur a fait des étincelles. « J’ai découvert durant ma thèse l’enzyme lactate racémase qui convertit l’acide lactique de sa forme D à sa forme L et vice versa, deux formes miroirs de cette molécule », poursuit le chercheur. Une découverte intéressante sachant que selon son utilisation, l’acide lactique peut être souhaité plutôt sous une forme ou un autre… « Cette enzyme a besoin de nickel pour fonctionner ainsi que de plusieurs protéines, un régulateur et un transporteur », enchaîne Benoît Desguin. Et, pas question pour lui de s’arrêter en si bon chemin. « Mon sentiment après ma thèse est qu’il manquait encore un élément central dans notre compréhension du système »,poursuit-il. En 2013, il rejoint le département de Biochimie et de Biologie Moléculaire de la Michigan State University (USA) pour un séjour post-doctoral de deux ans. 

Le chaînon manquant : un cofacteur

« Le Professeur Robert Hausinger m’a permis de poursuivre ma recherche au sein de son laboratoire. C’est rare d’avoir ce genre d’opportunité », souligne Benoît Desguin. La confiance du Professeur en ce jeune chercheur et son sujet de recherche a rapidement payé : « C’est là que j’ai découvert que l’enzyme lactate racémase fonctionne grâce à un cofacteur qui contient le nickel », explique le scientifique. « On peut comparer les enzymes à des ouvriers qui ont chacun besoin d’outils spécifiques. Le cofacteur est l’outil de l’enzyme. Dans le cas de la lactate racémase, l’outils consiste en un nouveau type de cofacteur qui présente une forme de pince dans laquelle se loge le nickel ». Ces résultats ont fait l’objet d’une publication dans Science en 2015. Lorsque Benoît Desguin revient à l’UCL ensuite, il décroche un mandat de Chargé de recherches FNRS pour approfondir l’étude de ce cofacteur sous la supervision de Patrice Soumillion et Pascal Hols. « J’ai analysé comment il est fabriqué et je suis parvenu à le reproduire en laboratoire », indique-t-il. Fraichement retenu pour une place de Chercheur qualifié FNRS, Benoît Desguin a désormais devant lui l’opportunité de programmer sa recherche sur du long terme. « J’aimerais mettre en évidence toutes les autres enzymes qui utilisent ce cofacteur et mettre ainsi au jour une nouvelle famille d’enzymes dont on ne soupçonnait pas l’existence jusqu’ici ». 

Audrey Binet
 

Publié le 29 août 2018