Axes de recherche

1. Comparatismes (transferts culturels, réception, traduction)

Sous « comparatismes », nous entendons l’étude de la littérature et des arts de la scène telle qu’élargie de manière contrastive et différentielle à plusieurs pays, régions ou aires géographiques, langues, cultures, époques, arts et disciplines. Il s’agit de s’affranchir des cadres de pensée hérités des États-nations et de réfléchir à la fois à la globalité et à la spécificité des échanges culturels dans leurs contours socio-historiques, multilingues et souvent en « réseaux » (individus, groupes, institutions, etc.). La démarche vise à faire varier les échelles d’analyse, incitant à questionner les binarités, hiérarchies et rapports de subordination souvent implicites dans l’appréhension des phénomènes culturels, et à multiplier et déployer des points de vue au-delà de nos propres positions situées. D’un point de vue méthodologique, nos travaux concernent l’exploration comparative de concepts, notions, motifs abordés dans un dialogue interdisciplinaire (transferts culturels, histoire culturelle, traductologie, sociologie, etc.) et touchent aux enjeux et limites épistémologiques, politiques, éthiques de la comparabilité.

2. Relations interartistiques

Les relations, interactions voire hybridations entre la littérature, le théâtre et les autres arts ont toujours existé et se sont multipliées avec les révolutions médiatiques (reproductibilité technique, affirmation de la culture numérique des écrans). Nous analysons d’une part les interactions entre les médias dans des formes de littérature hors du livre qui exploitent conjointement les langages verbal, visuel et sonore. La littérature s’expose et se performe, et le livre lui-même n’échappe pas à ces interactions, en tant que support dont on peut étudier la matérialité et la multimodalité (livre illustré, bande dessinée, etc.). Quant au théâtre, il est aujourd’hui considéré comme l’art « hypermédial » par excellence, de par sa capacité à incorporer tous les médias à son espace performatif. D’autre part, prenant acte de ce que chaque langage ou chaque medium détermine l’art qui s’en saisit, nous étudions les logiques médiatiques – toujours complexes et multiples – et les effets de contamination auxquelles elles conduisent, par exemple lorsqu’une œuvre littéraire tente de s’approprier des éléments caractérisant a priori d’autres langages que le sien, musical, photographique, etc. Ces deux approches complémentaires soulignent les effets constants de « remédiation » qui dynamisent les pratiques artistiques, s’intéressant aux effets spécifiques à chaque média, mais plus encore aux usages multiples et inventifs qu’en font les artistes et les auteurs et autrices, dont le statut lui-même est affecté par ces évolutions interartistiques.

3. Approches théoriques

Nous concevons la théorie comme une pratique dynamique et vivante qui permet de créer du nouveau à partir de l’étude de textes littéraires et dramatiques particuliers. Nos approches se fondent sur la mobilisation informée, située et critique de théories toujours mises à l’épreuve des textes concrets. Un des objectifs principaux est l’élaboration de nouveaux concepts, modèles ou motifs au moyen d’une démarche tant inductive que déductive à partir d’une variété de textes (littéraires, dramatiques, critiques, théoriques, réflexifs). Sensibles aux débats critiques actuels et conscients des enjeux du présent, nos recherches peuvent également amener à réexaminer et à actualiser des catégories et schèmes théoriques de pensée passées. Les études littéraires et théâtrales faisant pleinement partie des humanities, nos recherches entrent en dialogue avec le reste des sciences humaines et sociales. Nos travaux visent ainsi l’opérativité et la transférabilité de nos concepts, motifs, créations et idées.

4. Enjeux socio-politiques (gender, pensées décoloniales, écopoétique)

La littérature et le théâtre sont des arts exploratoires qui permettent de problématiser et révéler la complexité de l’expérience humaine et sociale, y compris dans ses relations avec le non-humain. Le rapport à la première et à la deuxième modernité (colonisation, industrialisation, extractivisme) donne des assises épistémologiques et historiques décisives pour l’analyse des enjeux sociaux, politiques et culturels tels qu’ils apparaissent dans les productions plus récentes. En ce sens, plusieurs perspectives sont particulièrement présentes dans nos recherches : études de genre, pensées décoloniales, écopoétique, écocritique. Au croisement de ces approches, on retrouve certaines préoccupations récurrentes : le questionnement de l’épistémologie occidentale moderne, de la pensée binaire, des rapports de domination, etc. Comment des créations littéraires et théâtrales diversifiées selon l’ancrage géo-linguistique développent-elles des stratégies et des formes qui permettent d’approfondir ou d’incarner ces enjeux éthiques, sociaux et politiques ?