L'énergie solaire pour une économie circulaire

Louvain-La-Neuve

 

Le projet SUNRISE, auquel participe l’UCLouvain, vient de recevoir un million d’euros de l’Union Européenne. Avec cette somme, pendant un an, le consortium va établir un plan de route et construire une communauté autour d’un projet d’alternative durable pour la production de combustibles et de produits chimiques de base. Gian-Marco Rignanese, professeur extraordinaire à l’UCLouvain en science des matériaux, membre du Louvain4Energy et porte-parole belge du projet SUNRISE nous explique.

Il n’y a plus aucun doute : le climat est un des grands défis à relever aujourd’hui. Le dernier rapport du GIEC nous somme de limiter la montée de la température terrestre de 2 degrés maximum, pour éviter les graves conséquences du réchauffement climatique. Pour ce faire, il faudrait diminuer les émissions de dioxyde de carbone d’environ 20% d’ici à 2030 et les annuler totalement au plus tard dans la deuxième moitié du 21ème siècle. Autrement dit, en 2050, toute utilisation de carburants fossiles devrait être compensée par une captation de CO2 dans l’atmosphère. Mais comment parvenir à mettre en marche cette transition vers une société basse émission ? Le projet européen SUNRISE, dont l’UCLouvain est l’un des 20 partenaires et qui est supporté par plus de 150 acteurs universitaires, industriels et du secteur public, vise à répondre à cet enjeu.

Vers une recherche à grande échelle

SUNRISE, c’est un des six programmes d’action de coordination et de soutien (CSA), choisis par l’Union Européenne, dans le cadre du programme Horizon 2020, pour établir une initiative de recherche européenne à grande échelle (de type Flagship). Ce projet collaboratif ne finance ni la recherche ni le développement, mais des activités de coordination ou de soutien des actions et des stratégies de recherche. En février 2018, un premier appel a été lancé dans trois domaines : la santé, l’automatisation et l’énergie durable. Une quinzaine de projets ont été retenus. En septembre 2018, ces quinze projets ont répondu à un second appel, et seuls six d’entre eux ont été retenus en janvier 2019. Parmi eux, SUNRISE. Chacun d’entre eux a reçu un million d’euros pour :

  • Définir un plan de route scientifique et technologique,

  • Mobiliser les parties prenantes des différents secteurs industriel, universitaire et sociétal,

  • Etablir une structure de management et de décision efficace.

Au printemps 2020, deux des projets seront choisis, et recevront un milliard d’euros pour concrétiser cette recherche.

Une alternative aux combustibles fossiles

Concrètement, SUNRISE propose de développer une alternative durable pour la production de combustibles et de produits chimiques de base. Aujourd’hui, cette production est très énergivore et requiert une forte consommation de ressources fossiles. Demain, SUNRISE voudrait que cette énergie soit fournie par le soleil et les matières premières disponibles dans l’atmosphère comme le dioxyde de carbone (CO2), l’oxygène (O2), l’azote (N2). En d’autres termes, SUNRISE veut atteindre une économie circulaire basée sur l’énergie solaire. En recyclant le dioxyde de carbone (CO2) issu de la combustion en tant que matière première, nous pourrions produire des combustibles solaires et des produits chimiques. Par exemple, le CO2 produit par la combustion pourrait être capturé, concentré, puis reconverti en carburant, grâce à l’énergie solaire, au lieu de l’ajouter aux gaz à effet de serre de l’atmosphère. L’avantage de cette alternative est que l’utilisation des ressources d’énergie est gratuite, infinie et disponible partout puisqu’il s’agit du soleil.

Une photosynthèse artificielle

Comment tout cela est-il possible ? A court terme, l’idée est d’utiliser les énergies renouvelables déjà existantes (photovoltaïque et éolien) pour produire de l’énergie, et ainsi fractionner l’eau en ses composants (procédé électrochimique de l’électrolyse), puis produire de l’hydrogène et d’autres combustibles solaires au niveau industriel. A moyen et long terme, l’objectif est de convertir directement l’énergie solaire grâce à une photosynthèse artificielle. Les plantes convertissent l’énergie solaire, l’eau et le dioxyde de carbone en glucides qui agissent comme des carburants, alimentant leurs activités cellulaires. La photosynthèse artificielle fonctionne de la même manière, mais avec des matériaux créés par l’homme. Pour cela, reste encore à fabriquer des dispositifs combinant la récupération et la conversion de l’énergie solaire. Par ailleurs, une approche bio-hybride, organique et non-organique viendrait compléter cette nouvelle manière de recycler l’énergie.

Des défis technologiques à relever

Cet ambitieux projet passe évidemment par de nombreux défis à relever. Le principal est celui des nouvelles technologies : l’objectif est de développer des technologies pour atteindre 70% de la limite thermodynamique, en absorbant un maximum de lumière (90% des photons) et en convertissant l’énergie avec un rendement de 80% en produits chimiques. Ensuite, le challenge suivant consistera à amener ces technologies à une échelle industrielle, sans que les coûts de production n’explosent. En effet, les combustibles solaires doivent être compétitifs par rapport aux combustibles fossiles. Pour cela, il va falloir développer des matériaux encore plus efficaces afin de capter le CO2 de manière plus optimale. Enfin, cette transition vers une économie circulaire aura de fortes implications économiques et sociales qui seront évaluées lors de cette année de discussions.

Quelles perspectives pour 2030 et 2050 ?

Aujourd’hui, le plan de route scientifique et technologique n’est pas encore établi, mais certains objectifs se dessinent déjà. Globalement, SUNRISE veut fournir du carbone durable à partir d’énergie renouvelable, et faire la synthèse de produits chimiques de base. Pour cela :

  • A l’horizon 2030, l’objectif est d’utiliser les molécules les plus simples (CO2, H2O, N2 et O2) comme matières premières pour essayer de les convertir grâce à l’énergie solaire et de produire des combustibles solaires et des produits chimiques de base. Pour entrer dans le système d’économie circulaire, cette conversion devrait atteindre les 2500 tonnes de CO2 par hectare et par an. En 2030, les émissions de CO2 seraient neutralisées.

  • A l’horizon 2050, l’objectif est de réduire davantage les émissions de CO2 dans l’atmosphère grâce à une expansion technologique à grande échelle et donc une bonne efficacité. En 2050, les émissions de CO2 seraient alors négatives.

Un énorme réseau à construire

Dès le printemps 2019, l’équipe de SUNRISE va s’étoffer pour former un réseau européen capable de porter le projet. Pour le moment, à l’UCLouvain, le Pr Rignanese apporte ses compétences de modélisation en science des matériaux. Il proposera notamment de nouveaux matériaux qui pourraient améliorer la photocatalyse de l’eau et contribuera à la mise en place de la photosynthèse artificielle. Le consortium compte également déjà 7 autres universités, des organisations de recherches et de technologies, ainsi que des industries (Siemens, ENGIE, EMIRI, Johnson Matthey). Au sein du projet SUNRISE, il y a aussi 150 supporters industriels, du monde académique, des ONG ou public. Ensemble, avec les nouveaux acteurs qui les rejoindront, ils se mettront d’accord sur un plan de route pour une économie circulaire, que nous attendons patiemment pour avril 2020.

Lauranne Garitte

Coup d’œil sur la bio de Gian-Marco Rignanese

Gian-Marco Rignanese est ingénieur physicien (1994) et docteur en sciences appliquées (1998) de l'UCLouvain. Il a travaillé comme consultant pour CRAY RESEARCH à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse, puis a effectué un postdoc à l'Université de Californie à Berkeley aux Etats-Unis, avant d'obtenir un poste permanent au F.R.S.-FNRS et l'UCLouvain (2003). Il est actuellement son professeur extraordinaire à l'UCLouvain et directeur de recherches du F.R.S.-FNRS.

Ses recherches portent sur les simulations des propriétés des matériaux à partir des principes premiers (la mécanique quantique et l'électromagnétisme). Il participe au développement du logiciel ABINIT (www.abinit.org) distribué sous licence GNU, qui permet ce type de simulation, et collabore activement au Materials Project (www.materialsproject.org) qui rassemble les données des calculs à haut débit pour des dizaines de milliers de matériaux.

Published on April 04, 2019