Comment les jeunes vivent la garde alternée

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Une équipe de chercheuses a interrogé des jeunes de 10 à 16 ans sur leur vécu de la garde alternée. Cette étude, la première à aborder ce mode de garde du point de vue de l’enfant, met notamment en lumière la grande capacité d’adaptation dont font preuve les jeunes pour gérer les difficultés du quotidien.

Comment les enfants de couples séparés s’approprient-ils le mode de garde en alternance, celui qui est examiné en priorité par les tribunaux de la famille quand un des parents en fait la demande ? C’est ce qu’étudie actuellement une équipe de chercheuses du Centre interdisciplinaire de recherche sur les familles et les sexualités (Cirfase) de l’UCLouvain. Les chercheuses cherchent plus précisément à savoir comment les jeunes se construisent un ‘chez-soi’ entre plusieurs foyers.

La particularité de l’étude est qu’elle est basée sur des entretiens menés avec des jeunes âgés de 10 à 16 ans (21 jeunes ont été interrogés). C’est la première fois en Fédération Wallonie-Bruxelles qu’une étude est basée sur le témoignage d’enfants, et non de parents.

Différents constats ont pu être tirés de ces entretiens.

  • Si le principe de la garde alternée est largement accepté par les juges de la famille, le modèle de famille nucléaire reste considéré comme offrant le meilleur environnement pour l’enfant.
  • La définition de l’équité est subjective. Un hébergement jugé “équitable” par les enfants ne compte pas forcément le même nombre de jours chez chaque parent.
  • Les jeunes développent un sentiment d’appartenance à différents lieux et diverses configurations familiales. Ils·elles conçoivent chaque habitation comme des îles en relation au sein d’un archipel.
  • Les parents établissent des frontières plus ou moins étanches avec le domicile de leur ex-partenaire. Cela va de « l’île forteresse », limitant au maximum les contacts pendant les jours d’absence, à « l’île ouverte » entre lesquelles tout peut circuler librement. Entre ces positions, de nombreux modèles existent.
  • Il existe une charge mentale liée à la logistique, en particulier concernant le fait d’emmener ou non ces affaires avec soi. Les objets, tant statiques que mobiles, permettent aux jeunes de se créer des repères et une stabilité dans la mobilité.
  • Se sentir chez soi dépend moins de l’aspect physique du lieu (avoir une grande chambre personnelle) que de l’ambiance familiale qui y règne.

Parmi les enseignements à tirer de cette étude, les chercheuses relèvent en particulier la grande capacité d’adaptation des enfants, qui sont capables de s’approprier un nouveau mode de vie en développant des pratiques particulières. Elles notent aussi l’importance des objets qui entourent les jeunes : ils leur permettent de se créer des identités, des habitudes et des repères. Enfin, récolter la parole des jeunes en dehors des épisodes de crise familiale permet d’éclairer leurs vécus et offre des outils pour aider ceux ou celles qui traversent une période difficile.

Une exposition et deux livres pour aller plus loin

L’étude est menée dans le cadre du projet de recherche MobileKids financé par une bourse européenne ERC. Une exposition actuellement proposée au Delta de Namur (jusqu’au 17 décembre) permet d’approfondir le sujet. Son titre : « Deux maisons, un chez-soi ». Elle sera présentée en mai à Louvain-la-Neuve.  Par ailleurs, un livre (Deux maisons, un chez-soi ? Expériences de vie de jeunes en hébergement égalitaire) a été publié chez Academia L’Harmattan et une bande dessinée (Sac’Ado) paraîtra en septembre chez Kennes Editions.

Publié le 16 novembre 2022