La recherche UCLouvain sur l’adaptation du mouvement en impesanteur, ce sont 20 campagnes de vols paraboliques, des dizaines d’articles scientifiques, une dizaine de thèses de doctorat et plusieurs expériences en cours dans l’ISS impliquant une dizaine d’astronautes. L’objectif ? Comprendre comment le cerveau contrôle le mouvement, lors d’un changement d’environnement (missions spatiales par ex.). Les résultats de cette recherche pourront ensuite améliorer les techniques de rééducation (après un AVC). Une recherche prioritaire au niveau international pour, entre autre, faciliter les missions des astronautes dans l’espace.
Nous manipulons des objets au quotidien. Pour y parvenir, notre cerveau coordonne nos mouvements, anticipe les situations et s’adapte à son environnement. Un contrôle de la manipulation qui s’apprend entre 0 et 8 ans. Le principal apprentissage ? Contrer la force de charge due à la gravité et à l’inertie en exerçant une pression sur les objets. Cette pression ou force de serrage empêche l’objet manipulé de tomber.
Depuis 20 ans, Jean-Louis Thonnard et Philippe Lefèvre, chercheurs UCLouvain, respectivement en sciences de la motricité et sciences de l’ingénieur, étudient le contrôle du mouvement par le cerveau. Les objectifs ? Comprendre le rôle joué par la gravité sur la préhension des objets, sur terre. Et, ensuite, analyser la façon dont on apprend à manipuler les objets dans un environnement privé de gravité (les astronautes). Leur projet est financé par l’agence spatiale européenne (ESA) et le programme PRODEX de BELSPO. Lors de sa sélection en 2004, le projet UCLouvain (GRIP) figure parmi les 3 recherches spatiales prioritaires au niveau international.
La spécificité des recherches de Jean-Louis Thonnard et Philippe Lefèvre ? Ils utilisent la microgravité, notamment lors de vols paraboliques, pour analyser le mouvement (via la manipulation d’un objet muni de capteurs). En 2014, ils vont un pas plus loin, en développant un set up (équipement) à destination de la station spatiale internationale (ISS). Leur objectif ? Impliquer les astronautes de l’ISS : « le set up coûte cher, l’envoi vers l’ISS encore plus, mais le plus coûteux est le temps astronaute. C’est ce dernier qui décide s’il veut participer ou non à une expérience et le temps disponible pour la science dans l’ISS est très limité » expliquent les chercheurs UCLouvain. Mission accomplie dès 2017 : Thomas Pesquet, l’astronaute français, teste pour la première fois leur set up dans l’ISS, soit 10 années de recherches pour parvenir à des tests en conditions réelles. En 2018, Alexander Gerst réalise l’expérience complète, opération réitérée en 2019, avec Andrew Morgan et Luca Parmitano, actuellement à bord de l’ISS (tests toujours en cours).
Le job des astronautes ? Participer aux expériences avant le vol au European Astronaut Center de l’ESA (Cologne), histoire de maîtriser les gestes et de collecter des données de référence. Ensuite, lors de leur séjour au sein de l’ISS, réaliser les tests dès leur arrivée (lorsqu’ils ne sont pas encore habitués à l’impesanteur), puis après 3 et 6 mois à bord de l’ISS. A leur retour, nouvelles expériences au sol, soit 10 sessions au total, dans des circonstances diverses, qui permettront d’analyser la manière dont les astronautes se réadaptent à l’environnement terrestre.
L’intérêt d’étudier le mouvement en impesanteur ? Le cerveau s’adapte à toutes les situations. Comprendre le temps et les modalités de cette adaptation permettra d’aider les astronautes à réaliser leurs missions dans l’espace dans de meilleures conditions. Autre application, pour le grand public cette fois : mieux appréhender le contrôle du mouvement et l’apprentissage moteur a un impact énorme sur l’amélioration des techniques de rééducation, notamment après un AVC (accident vasculaire cérébral). Une spin-off de l’UCLouvain, Arsalis, a d’ailleurs vu le jour en ce sens (2005).