Le réchauffement climatique isole et fragilise encore davantage les récifs coralliens

coraux

Une équipe de l’UCLouvain a découvert que le réchauffement climatique diminue les échanges entre récifs coralliens, affectant leur capacité à se regénérer. Conséquence : moins résilients, ces écosystèmes, déjà menacés, ont besoin de plus de temps pour se remettre du blanchissement, du passage d’un ouragan, d’une maladie ou de pollutions liées à l’activité humaine. S’il est trop tard pour sauver certains récifs, le professeur Hanert garde espoir : « Tout n’est pas perdu mais il est temps d’accélérer ».

Hausse de la température des océans, ouragans plus intenses, activités industrielles proches des côtes… : depuis plusieurs années, les scientifiques s’inquiètent des conséquences de diverses perturbations sur la survie des coraux. La découverte faite par une équipe de l’UCLouvain, emmenée par Emmanuel Hanert, ne devrait pas les rassurer : le réchauffement climatique perturbe les échanges de larves entre récifs coralliens, affectant leur capacité de récupération et les rendant encore plus vulnérables aux prochaines perturbations.

Pour obtenir ces résultats, publiés fin décembre 2021 dans la revue Nature Climate Change, l’équipe de l’UCLouvain, en collaboration avec des scientifiques venant d’Australie et des Etats-Unis, a simulé les échanges de larves entre les centaines de récifs qui composent la grande barrière de corail australienne. « Ces simulations ont été réalisées dans les conditions climatiques actuelles et futures, soit avec un réchauffement de 2°C », précise Emmanuel Hanert, professeur en modélisation environnementale à la Faculté des bioningénieurs et chercheur au Earth and Life Institute de l’UCLouvain.

Les récifs coralliens occupent à peine 0,2% de la surface des fonds marins mais abritent plus de 25% de toutes les espèces marines connues. Les échanges de larves entre ces écosystèmes garantissent la résilience des coraux, soit leur capacité à récupérer suite à une perturbation, et leur permettent notamment de se repeupler.
Mais le réchauffement global perturbe ces échanges de larves entre récifs coralliens. « En plus de changer la dynamique des courants marins, le réchauffement accélère le métabolisme des larves, en les rendant plus vite capables de se fixer sur un récif et en réduisant leur durée de vie », détaille Emmanuel Hanert. Conséquence : les échanges de larves seront plus faibles et plus locaux. Il faudra donc plus de temps aux récifs pour se remettre d’une perturbation et retrouver leur couverture corallienne.
« Une diminution des échanges de larves sur de longues distances va également ralentir la migration de gènes adaptés aux températures élevées et ainsi diminuer les capacités d’adaptation des populations de coraux aux changements climatiques. »

S’il est sans doute trop tard pour sauvegarder certains récifs, notamment ceux situés à faible profondeur (moins de 10 mètres de la surface des océans), le professeur en modélisation environnementale garde espoir. « Certains coraux semblent mieux résister que d’autres aux changements climatiques. Par ailleurs, il apparait que les récifs situés à plus de 30 mètres de profondeur, et donc mieux protégés des perturbations, sont plus nombreux que ce qu’on pensait ; ils pourraient donc constituer une sorte de zone-refuge. »

Pour parvenir à sauver les coraux, Emmanuel Hanert estime que de nombreux efforts de conservation et de restauration doivent être entrepris, notamment à l’échelle locale, et que les zones marines protégées devront être plus nombreuses et, surtout, plus rapprochées.  « Tout n’est pas encore perdu, tout n’est pas noir, mais il est temps d’agir et même d’accélérer si on veut sauver les récifs coralliens », conclut le professeur de l'UCLouvain.

Lien vers l’article publié dans « Nature climate change »

Publié le 03 février 2022