Stimuler profondément le cerveau humain: une 1re !

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Pierre Vassiliadis, postdoctorant à l’EPFL, a mis au point, dans le cadre de sa thèse de doctorat en cotutelle UCLouvain-EPFL, une technique capable de stimuler profondément le cerveau sans chirurgie, ouvrant une voie au traitement de maladies telles que les addictions ou la dépression.

C’est une première mondiale : des scientifiques de l’UCLouvain, Pierre Vassiliadis (Institut de neuroscience, IoNS), et de l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne), le Pr Friedhelm C. Hummel, ont testé avec succès une nouvelle technique permettant de stimuler profondément le cerveau humain, sans chirurgie ni implants, à des fins thérapeutiques potentielles. Cette étude est publiée dans Nature Human Behaviour.

Basées sur la stimulation électrique par interférence temporelle transcrânienne (tTIS), leurs recherches interdisciplinaires – qui intègrent médecine, neurosciences, modélisation et ingénierie - ciblent spécifiquement le striatum humain, une région profonde du cerveau qui constitue un centre de contrôle de plusieurs fonctions cognitives importantes et qui est impliquée dans différentes pathologies neurologiques et psychiatriques.

La magie de l’interférence temporelle

Concrètement, « la tTIS emploie deux paires d’électrodes fixées au cuir chevelu pour diffuser des champs électriques faibles à l’intérieur du cerveau », détaille Pierre Vassiliadis, premier auteur de l’article. Lors de l’expérience, une paire d’électrodes est réglée à une fréquence de 2000 Hz et l’autre à 2080 Hz. Grâce à des modèles informatiques détaillés de la structure cérébrale, les électrodes sont positionnées précisément sur le cuir chevelu de telle sorte que leurs signaux se croisent dans la région cible.

C’est là que se produit la magie de l’interférence temporelle : la légère différence de fréquence de 80 Hz entre les deux courants devient la fréquence de stimulation effective dans la zone cible. L’intérêt de cette méthode réside dans sa sélectivité. Les fréquences de base élevées (2000 Hz par exemple) ne stimulent en effet pas directement l’activité neuronale, laissant le tissu cérébral intermédiaire intact parce que son effet se focalise uniquement sur la région ciblée.

Addictions, apathie, dépression

Le potentiel thérapeutique de cette recherche est immense, par exemple pour des maladies telles que les addictions, l’apathie et la dépression, pour lesquelles les mécanismes de récompense jouent un rôle central. « Les personnes souffrant d’addiction ont, par exemple, tendance à montrer un comportement d’approche excessif vers certaines récompenses. Notre méthode pourrait réduire cette exagération pathologique. Cette hypothèse sera testée dans des études cliniques afin de déterminer si la tTIS a un rôle à jouer dans la prise en charge de ces troubles », souligne Pierre Vassiliadis.

Les scientifiques vont également examiner la manière dont le ciblage de fréquences cérébrales spécifiques est susceptible d’affecter l’apprentissage par renforcement. En stimulant le striatum à 80 Hz, l'équipe de recherche a en effet découvert qu’elle pouvait perturber son fonctionnement normal et influer directement sur le processus d’apprentissage.

Selon les chercheurs, les thérapies non invasives de neuromodulation pourraient à l’avenir être facilement disponibles dans les hôpitaux, permettant à ces derniers de proposer une vaste palette de traitements peu onéreux.

Cette étude a été publiée dans Nature Human Behaviour. Pierre Vassiliadis, auteur principal, est actuellement post-doc a l'EPFL. Ces travaux ont été menés dans le cadre de la co-tutelle de sa thèse de doctorat EPFL-UCLouvain (CoActions Lab de l’UCLouvain, Pr Julie Duqué). Les équipes de recherche ont collaboré avec le Centre de recherche en neurosciences de Lyon (France), l’Hôpital universitaire de Würzburg (Allemagne) et la Foundation for Research on Information Technologies in Society (Suisse).

Publié le 29 mai 2024