Thomas
De Praetere
Ancien diplômé FIAL et Docteur en philosophie (ISP), Thomas De Praetere est le fondateur et CEO de Dokeos, une plate-forme d'apprentissage en ligne destinée aux entreprises. Spécialiste de la pensée logique, Thomas De Praetere pose un regard réfléchi sur le monde avec l’ambition de le rendre meilleur par le jeu via la formation en ligne.
Thomas a grandi entouré de personnes qui avaient réponse à tout. Les réponses qu’il recevait aux grandes questions qu’il se posait ne lui semblaient pas convaincantes. Les proverbes, adages et autres réponses techniques étaient fréquentes. Or, du haut de ses 8 ans, Thomas aurait voulu que certaines de ses questions restent sans réponse. « Ne pas savoir et savoir qu’on ne sait pas, c’est toujours mieux que de dire quelque chose qui est faux et qui pourrait causer du tort », nous confie-t-il. « S’il l’on demeure dans l’impossibilité de répondre à une question, plein de belles choses peuvent en découler comme de l’action, une discussion profonde, etc. ».
L’apprentissage du raisonnement philosophique
Etudier la philosophie lui a paru naturel. Il n’a pas hésité à choisir Louvain-la-Neuve, une ville qui a réussi le pari audacieux d’être une ville piétonne. Thomas adore le fait qu’on puisse y vivre sans voiture et sans ascenseur.
Il y apprend l’épistémologie qui est l’art d’interroger le mécanisme de la preuve. Thomas apprend à réfléchir et il n’a plus jamais arrêté depuis. Cela touche à tous les domaines de sa vie, aussi bien en ce qui concerne l’éducation de ses enfants que son parcours professionnel. Par exemple, au sein de sa société, il applique un raisonnement philosophique selon lequel il est préférable d’aider un collaborateur à améliorer ce qu’il fait déjà bien plutôt que de chercher à combler ses lacunes.
Thomas se souvient d’un évènement incroyable pendant ses études. Il avait envie de faire son mémoire avec le professeur Jean Ladrière qui avait la réputation d’être bienveillant, presque un Saint. « C’était comme rencontrer Mère Thérèsa », nous livre-t-il. « J’arrive dans son bureau avec des idées assez confuses tout en étant centré sur mes préoccupations. Je lui raconte mon idée de mémoire qui n’était pas claire et ne tenait pas la route. Pendant 45 minutes, le professeur m’a regardé droit dans les yeux avec ses yeux bleus, un regard qui semblait venir de l’âme. Je termine mon monologue et là, après un long silence, il me dit : « C’est très intéressant » et me fait quelques suggestions. Après un exposé que je jugeais moi-même inintéressant, cela m’a fait plaisir. J’ai été réellement ému et en sortant de son bureau, je me suis dit que c’était la première fois que quelqu’un m’écoutait réellement. J’ai repensé à cela des centaines de fois. Il m’a montré les bienfaits d’une réelle écoute et l’art que devait jouer le silence ».
C’est ainsi que Thomas dédie son mémoire à la différence entre l’ambiguïté et l’ambivalence. Il réfléchit ainsi sur le caractère irrationnel de nos décisions. Ensuite, Thomas poursuit sur sa lancée en réalisant un doctorat sur le principe de contradiction chez Aristote au sein de l’lnstitut de Philosophie (ISP).
Du philosophe à l’homme d’action
Thomas n’a pas été que marqué par des personnes sur les bancs de l’Université. Il a aussi eu une vraie révélation qui a complètement changé sa vie. Il lit le texte « Quelques conséquences de quatre de nos incapacités » de Charles Sanders Peirce. « Quand j’ai fermé ce texte, j’étais comme à un tournant de ma vie », nous confie-t-il. « J’ai compris qu’un intellectuel doit sortir de sa zone de confort pour continuer à apprendre. ».
Thomas se lance alors comme professeur de philosophie auprès des étudiants de l’Ecole Polytechnique de Louvain. Vu le peu d’intérêt des étudiants pour la philosophie, il reçoit carte blanche. Il décide alors de motiver ses étudiants en appliquant un principe de pédagogie active. Amateur de théâtre, Thomas leur propose de se contredire mutuellement par petits groupes sur Internet en réalisant des jeux de rôle. Chaque élève représente un philosophe et argumente autour d’une thématique donnée. Ces cours ont remporté un vif succès et ont permis de faire émerger des trésors d’argumentation de manière très ludique. C’est là que Thomas a eu l’idée de créer Dokeos.
Il a eu envie de réfléchir à la création de jeux de rôles éducatifs sur Internet. Il a ainsi été conduit à imaginer un logiciel, ce qui lui a permis, sur le long terme, de créer une société employant plus de 30 personnes dont il est le CEO. Pour Thomas, « l’ambition prétentieuse de Dokeos est de penser que le monde ira mieux si l’on peut donner au maximum de personnes l’occasion de prendre un recul ludique et amusant sous la forme d’un jeu de rôle. Cela peut permettre de débloquer les conflits qui paralysent le monde, notamment en donnant la possibilité de prendre du recul. Si l’on ne parvient pas à faire jouer les gens, de les décoller de leur rôle social, ils ne seront pas en position de découvrir de nouvelles choses. ».
Un penseur qui a du cœur
Dokeos permet à Thomas d’essayer d’apporter sa pierre à l’édifice tout en lui évitant de s’ennuyer. En effet, grâce à Dokeos, Thomas peut travailler au sein de secteurs très différents, de la santé au transport ferroviaire en passant par la finance.
Pour le moment, Thomas travaille avec une société spécialisée dans le micro-crédit. Dokeos est chargée de former leurs investisseurs et leurs emprunteurs. Thomas est heureux de participer à sa manière à un projet qui veut créer une logique économique où les personnes plus pauvres ne sont pas exclues.
Thomas vient d’ailleurs de lancer un tout nouveau projet baptisé Najat : la mise en place d’un autocar éducatif dans le Sud du Maroc pour réduire la fracture numérique et de genre. Cet autocar permettra notamment aux jeunes filles de se former au digital et d’ainsi rompre leur isolement. Il s’agit d’un projet humanitaire financé par une campagne marketing. Une belle rencontre entre des personnes très différentes autour de la formation et de la technologie. « C’est un projet qui rassemble puisque cet autocar est fabriqué par des Allemands, guidé par des Belges, informatisé par des Français et installé par des Marocains », nous raconte-t-il non sans fierté.