Voir en Marguerite Yourcenar un écrivain politique a de quoi dérouter, au premier regard. Elle est tellement associée à une conception humaniste de l’écriture que la déloger de cette stèle pour la faire se mêler aux affaires du siècle a quelque chose de déplacé, du moins aux yeux de l’observateur distrait. Dans le même temps, elle n’a jamais fait l’économie du cadre politique, qu’il soit proche et récent ou lointain dans le temps ou dans l’espace. Dans la première attitude, elle excelle à placer le passé à peine révolu de Denier du rêve dans une perspective qui l’éclaire sub specie aeternitatis. Dans la deuxième, comme dans Mémoires d’Hadrien, par une sorte de zoom avant, elle nous gifle presque en révélant la proximité d’événements survenus il y a deux millénaires.
Pour cerner cette démarche dans le présent petit livre, il est apparu indispensable de substituer, à propos de « politique », l’article « le » à l’article « la ».
Et si Marguerite Yourcenar était, sur sa rive – au-delà de l’océan –, l’écrivain ultime à avoir su distinguer et harmoniser, avec une lucidité souveraine et une sérénité digne de l’antique, le regard sur le monde à travers le temps et l’intérêt non narcissique pour l’exploration du moi ? (extraits de l’avant-propos de Jacques De Decker)
Tanguy de Wilde d'Estmael (Ed.). (2018). L'écrivain et le politique. Six essais sur Yourcenar. Louvain-la-Neuve: Presses Universitaires de Louvain. (ISBN : 978-2-87558-728-2)