Pour la première fois, des scientifiques de l’UCLouvain ont mis en évidence un lien possible entre les altérations cérébrales dont souffrent les patient·es atteint·es de la maladie de Parkinson et un mécanisme qui assure l’efficacité des mouvements volontaires chez les sujets sains.
Emmanuelle Wilhelm, médecin et en fin de doctorat au sein du laboratoire CoActionsLab, sous la responsabilité de la Pre Julie Duqué (Institut de neurosciences, IoNS), a mis en évidence un lien possible entre les altérations cérébrales dont sont atteintes les personnes souffrant de la maladie de Parkinson et un mécanisme qui assure l’efficacité des mouvements volontaires chez les sujets sains. Une piste, espèrent les scientifiques, pour mieux traiter la lenteur des mouvements commune à tous les malades de Parkinson. Cette étude est parue dans Movement Disorders, le journal de l’International Parkinson and Movement Disorder Society, la plus grande société scientifique mondiale dédiée à la maladie.
Au-delà des structures profondes du cerveau
Longtemps, le modèle classique d’étude de la maladie de Parkinson s’est centré sur les ganglions de la base, des structures cérébrales profondes, atteintes tôt par la neurodégénérescence et qui jouent un rôle important dans la régulation de la motricité volontaire. Or ces ganglions de la base interagissent entre autres avec le cortex moteur primaire, la région corticale du cerveau qui contrôle nos mouvements.
« Jusqu’ici, les altérations observées dans la zone du cortex moteur primaire étaient considérées comme une conséquence de la dysfonction au niveau des ganglions de la base », explique Emmanuelle Wilhelm, doctorante à l’Institute of Neuroscience de l’UCLouvain et assistante en neurologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc, « mais depuis quelque temps on essaie d’investiguer la physiopathologie de la maladie au-delà de ces structures profondes du cerveau. La littérature scientifique constate d’ailleurs, chez les Parkinsoniens, des altérations intrinsèques du fonctionnement à hauteur du cortex moteur primaire, la zone cérébrale qui contrôle nos mouvements ».
Une pièce du puzzle chez les sujets sains
Une autre pièce du puzzle se trouve chez les sujets sains : on a en effet remarqué, depuis plusieurs années, que lorsqu’un sujet en bonne santé prépare un mouvement volontaire, son système moteur est inhibé avant la réalisation du mouvement. « Cela peut paraitre paradoxal, mais les chercheurs pensent que le signal dans les neurones du cortex moteur sélectionnés pour réaliser le mouvement arrivera à mieux se faire remarquer si la zone est globalement inhibée. » Une analogie éclaire ce processus : imaginez que vous êtes dans une pièce avec une TV allumée, le son est fort et quelqu’un vous crie une consigne d’une autre pièce. Vous ne pourrez l’entendre et l’exécuter rapidement que si vous baissez le son ou éteignez la TV.
Les chercheur·es de l’équipe du CoActions Lab de la Pre Julie Duqué, dont fait partie Emmanuelle Wilhelm, ont eu l’idée de réunir ces constatations en posant la question : les altérations au niveau du cortex moteur primaire chez les malades de Parkinson pourraient-elles être liées à un dysfonctionnement des mécanismes inhibiteurs observés chez des sujets sains ? Cela pourrait expliquer pourquoi un sujet Parkinsonien ne parvient pas à exécuter ses mouvements rapidement, la bradykinésie (lenteur des mouvements) étant un critère diagnostique commun à tous les malades.
Un nouveau champ de traitement
« Beaucoup d’études sur la maladie de Parkinson montrent des altérations au niveau du cortex moteur primaire sans que, souvent, l’on puisse faire un lien direct avec les symptômes. Dans notre étude, nous avons pu mettre en évidence un déficit d’inhibition du système moteur lors de la préparation d’action chez des sujets Parkinsoniens, comparés à un groupe contrôle. Ce déficit a empiré avec la durée de maladie et l’intensité des symptômes moteurs. On a donc pu établir un pont entre les altérations corticales chez les malades de Parkinson et les symptômes moteurs dont ils souffrent au quotidien », se réjouit Emmanuelle Wilhelm, « même si on ne peut pas encore à ce stade parler de cause à effet. Par contre, cela ouvre un nouveau champ de traitement du cortex moteur primaire, peu développé jusqu’ici. »
Cette étude a été réalisée avec le soutien du FNRS, de L’Oréal-UNESCO “For Women in Science”, des Fonds Spéciaux de Recherche (FSR), d’une Action de Recherche Concertée - Parkinson (ARC) et de la Fondation Médicale Reine Elisabeth (FMRE)