Cet été, à l’occasion de la 17ème campagne de fouilles dans la villa romaine d’Aiano, située en Toscane dans la commune de San Gimignano, d’importantes découvertes archéologiques ont été faites qui offrent un regard inédit sur la production romaine de vin à la fin de l’Antiquité.
Depuis 2005, des fouilles menées par l’UCLouvain, sous la direction du professeur Marco Cavalieri, ont mis au jour une vaste villa romaine datée entre le IVe et le VIIe siècle apr. J.-C. Celle-ci s’est installée dans une petite vallée du torrent Foci, affluent du fleuve Elsa, à un point stratégique entre les cités romaines de Sienne, Volterra et Florence. À ce jour, plus de 4.000m² du site ont déjà été révélés, sur une superficie totale estimée entre 10.000 et 15.000m² sur base de prospections géophysiques. La campagne de fouilles de cet été, qui a rassemblé une quinzaine d’étudiant·es et chercheur·es belges et italien·nes, s’est concentrée sur la monumentale cella vinaria de la villa, la pièce où était produit et stocké le vin. À l’intérieur de cette grande salle longue de 30 mètres et large de 9 mètres, divisée en deux nefs par six piliers centraux, une trentaine de dolia defossa (grandes jarres enterrées qui servaient pour la conservation du vin) ont été découverts et partiellement fouillés. D’après leur position et les dimensions du cellier, on peut estimer qu’il y en avait au moins une cinquantaine disposée sur trois ou quatre files. Ce nombre important illustre une production à large échelle, et pas uniquement pour le marché local ou l’autoconsommation. Des analyses chimiques réalisées sur plusieurs échantillons ont d’ailleurs révélé qu’ils étaient couverts de poix à base de résine de pin. Cette matière, qui nous est décrite dans plusieurs textes antiques, comme chez Pline l’Ancien ou Columelle, servait notamment pour imperméabiliser le vase avant de recevoir le vin.
Cette année, deux bassins rectangulaires (lacus) jumeaux ont également été fouillés dans la cella vinaria, le long du mur occidental du cellier. Ils avaient une profondeur de plus d’1m30, pour 2m de long et 1m70 de large. Ils étaient destinés à accueillir le jus de raisin qui y décantait le temps que les derniers résidus se déposent au fond de la cuve, dans un vase en céramique. Le vin était ensuite transvasé vers les différents dolia defossa. Un escalier au sein des deux lacus permettait finalement de retirer les derniers dépôts dans le fond du vase de décantation.
À ce jour, il nous manque encore le fouloir et le pressoir, qui devaient tous les deux se situer à proximité immédiate des deux bassins de décantation. Bien qu’ils n’aient pas encore été découverts et probablement démantelés au fil des siècles, leur présence est néanmoins supposée sur base du matériel mis au jour cette année.
La découverte de ce cellier et des traces d’une production de vin à grande échelle nous éclaire sur la raison d’être économique de la villa romaine d’Aiano à la fin de l’Antiquité, pleinement tournée vers la viticulture. À la veille des vingt années de fouilles, qui seront célébrées l’année prochaine, le site d’Aiano se présente toujours plus comme l’une des villas romaines les plus importantes de l’Antiquité tardive de l’Italie centrale. Les récentes découvertes montrent une extraordinaire continuité de production de vin dans une région, la Toscane, encore aujourd’hui renommée pours ses vins, in primis le Chianti et, dans le terroir de San Gimignano, la Vernaccia, documenté dans les archives historiques de la fameuse ville médiévale dès 1276. La continuation des recherches à la villa d’Aiano pourra-t-elle prouver scientifiquement une continuité de la tradition productive de vin de l’Antiquité à nos jours ? C’est l’objectif de recherche des archéologues de l’UCLouvain pour l’année 2025.