Des chercheurs UCL réalisent une double première mondiale

Patrice Cani et son équipe viennent de réaliser deux avancées majeures dans la lutte contre l’obésité et le diabète de type 2.
 

Patrice Cani, chercheur WELBIO au Louvain Drug Research Institute de l’UCL, et son équipe, sont parvenus à stopper le développement de l’obésité et du diabète de type 2, chez la souris, via deux traitements distincts basés sur une bactérie appelée Akkermansia. Si les tests se révèlent positifs chez l’homme, ces découvertes, en première mondiale, ouvrent la porte à la fabrication d’un futur médicament qui permettra de lutter non seulement contre le diabète et l’obésité mais aussi contre les maladies cardiovasculaires ou l’inflammation intestinale. Cette découverte vient d’être publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature Medicine.

Depuis 10 ans, Patrice Cani et son équipe, en collaboration avec le Pr Willem de Vos, de l’Université de Wageningen, travaillent sur une bactérie appelée Akkermansia muciniphila, qui, et ce sont les chercheurs UCL qui l’ont démontré les premiers, joue un rôle déterminant dans la lutte contre l’obésité et le diabète de type 2. Cette hypothèse, émise par les chercheurs UCL dès 2007 et prouvée en 2013, a aujourd’hui été confirmée par d’autres chercheurs internationaux et fait office désormais de fait acquis. Ce que l’équipe de Patrice Cani a démontré ? Lorsque l’on utilise la bactérie Akkermansia, vivante, elle réduit les effets liés à l’obésité et au diabète, chez la souris. Les chercheurs UCL ont donc entrepris de reproduire Akkermansia afin d’entreprendre des tests sur l’homme. Ces tests cliniques, menés au sein des Cliniques universitaires Saint-Luc (UCL)1 depuis décembre 2015, sont en cours et viennent de passer la première étape, à savoir qu’ils sont «safe» ou non-dangereux pour le corps humain. Reste toujours à déterminer si les effets positifs des tests effectués sur la souris se confirment chez l’homme.

 

Quelle est la nouveauté dans ces recherches? Concrètement, Patrice Cani et son équipe, dont Hubert Plovier, aspirant FNRS, viennent de découvrir qu’après avoir été pasteurisée (70°C) la bactérie Akkermansia parvient à stopper le développement de ces deux maladies, chez la souris. Pourquoi pasteuriser Akkermansia? L’idée des chercheurs était de trouver un moyen pour rendre la bactérie inactive, mais sans la détruire, soit une manière de préserver ses propriétés, tout en rendant sa production plus aisée. Le résultat obtenu fut totalement inattendu pour les chercheurs ! La pasteurisation double l’efficacité d’Akkermansia. Et permet non seulement de corriger la maladie mais également de la prévenir, une première mondiale! Akkermansia pasteurisée a du coup été introduite dans les études cliniques déjà en cours et, là aussi, elle a passé le stade de safety.

L’intérêt de cette découverte? Akkermansia pasteurisée se conserve mieux et elle est plus facile à administrer chez l’homme.

Les chercheurs de l’UCL et de l’UWageningen ont ensuite voulu comprendre pourquoi Akkermansia se comportait différemment lorsqu’elle est vivante ou pasteurisée. Ce qui les a amenés à leur deuxième découverte majeure: ils ont observé une protéine présente sur la membrane externe de la bactérie qui communiquerait avec notre organisme. Cette protéine reste également active (vivante) après avoir été chauffée à 70°C. Donc la pasteurisation élimine ce qui n’est pas nécessaire au sein d’Akkermansia et préserve la protéine, ce qui explique son efficacité démultipliée. Les chercheurs UCL ont du coup testé la protéine (Amuc_1100*) produite par génie génétique (procédé utilisé pour la fabrication des médicaments) avant de l’administrer à la souris. Résultat : elle agit tout aussi bien qu’Akkermansia, pasteurisée sur le diabète et l’obésité. Et hop, une deuxième première mondiale!

La découverte de cette protéine est d’autant plus prometteuse qu’elle a également un impact positif sur notre système immunitaire : elle bloque le passage des toxines dans le sang et renforce ainsi les défenses immunitaires de l’intestin, comme par exemple dans le cas d’un intestin poreux (perméable). La protéine Amuc_1100* donne donc un espoir thérapeutique pour d’autres maladies, telles que l’inflammation de l’intestin observée en cas de stress, d’alcoolisme, de maladies du foie, ou encore de cancer!

Suite à ces découvertes, les chercheurs UCL ont déposé plusieurs brevets afin de les protéger. Une spin-off est en cours de développement afin de produire à grande échelle, tant la bactérie Akkermansia que la protéine, dans l’idée de développer un médicament capable de lutter contre le diabète et l’obésité dans un premier temps et l’inflammation intestinale dans un deuxième temps.

Pour mener à bien ces recherches, Patrice Cani a bénéficié de plusieurs financements, via le FNRS, le prix Baillet-Latour, le WELBIO et deux bourses européennes ERC (starting et proof of concept grants).

 

Les coordinateurs du projet recherchent des volontaires afin de participer à l’étude clinique. Les participants doivent cependant répondre à une série de critères très précis. Le descriptif complet des profils recherchés est disponible sur le site internet créé à l’occasion de cette recherche clinique: www.microbes4u.be.

 

Quelques chiffres. En Belgique, entre 2001 et 2011, le nombre de diabétiques est passé de 319 000 à 542 000, soit une augmentation de près de 70% en 10 ans. En 2025, 1 Belge sur 10 sera diabétique. + d’1 Belge sur 3, soit + de 35%, sont en surpoids et 15% sont obèses (quasi 1 sur 5). Au niveau mondial, en 2014, on dénombrait 1,9 milliard de personnes en surpoids et 600 millions d’obèses ; et 400 millions de diabétiques.

 

 1.  Pr Jean-Paul Thissen, Pr Michel Hermans, Pr Dominique Maiter, Dr Audrey Loumaye.

 

Publié le 28 novembre 2016