Améliorons nos injustes démocraties

Cet été, nous rencontrons des doctorants en sciences humaines de l’UCL. Car la recherche ne se résume pas à la médecine.

Pierre-Étienne Vandamme n’est plus doctorant mais ce n’est que tout récemment qu’il a endossé le costume de docteur en philosophie à l’UCL : fin juin, ce détenteur d’une bourse FNRS a défendu, avec succès, sa thèse. Celle-ci interroge nos démocraties et leur idéal de justice sociale.

« La démocratie est souvent associée à un espoir de justice sociale. Pourtant, les démocraties existantes sont incapables de contenir les inégalités, prennent des décisions xénophobes et se conduisent de manière écologiquement irresponsable », écrit-il sur la quatrième de couverture de sa thèse.

Pierre-Étienne Vandamme explique donc qu’il ne suffit pas qu’une société soit démocratique pour qu’elle soit juste.
Mais qu’est-ce qu’une société juste ? « Je suis parti d’une notion largement partagée, à savoir qu’une société est juste si elle ne défavorise et ne désavantage personne. Il ne faut pas que les dés soient pipés d’avance », précise Pierre-Étienne Vandamme. Dans sa thèse, il fait appel à la notion d’impartialité.

On comprend aisément que nos sociétés, où certains jouissent de privilèges, ne sont pas justes. «L’impact de notre origine socio-économique, par exemple, est énorme sur notre trajectoire sociale. Et même si on y remédie, cela n’est pas suffisant. Car il faut aller plus loin que le principe de “à talent égal”. Des capacités sont en effet valorisées par le marché et permettent de gagner davantage. Si cela peut se justifier au niveau économique, au niveau moral, cela ne se justifie pas. »

Place à l’optimisme

Et si les démocraties font mieux que ses alternatives dont la technocratie, à savoir une société dirigée par un petit groupe d’experts, il n’en reste pas moins qu’il faut les améliorer pour permettre à tous de s’épanouir. D’autant plus que « l’état de santé de nos démocraties n’est pas très bon, estime le philosophe. On constate notamment un manque de confiance des citoyens envers leurs représentants et envers les partis politiques. On voit aussi une baisse constante de la participation aux élections. Il faut que quelque chose change tant du côté des responsables politiques que des citoyens car la responsabilité est partagée. Et au plus les citoyens se désintéresseront de la politique, au plus cela ira mal. »

Mais Pierre-Étienne Vandamme se veut optimiste. « Mon objectif était de diagnostiquer les défauts de nos démocraties mais aussi de voir comment y remédier. »

Apprendre à prendre les autres en compte

Pierre-Étienne Vandamme pointe différents défauts à nos démocraties. Il nous en cite trois principaux : « Il y a le pouvoir de l’argent en politique. Il faut avoir des moyens financiers pour gagner en politique. » Ce qui renforce le pouvoir des entreprises et « mécènes » capables de soutenir leur favori avec des retours d’ascenseur attendus.

Il y a le décalage entre gouvernants et gouvernés. « Les élections font émerger une élite, ceux qui ont été choisis et qui se distinguent de la masse. On constate que les hommes et femmes politiques sont souvent issus du même moule : ils sont universitaires, ils ont suivi les mêmes filières d’études, ils partagent un même style de vie. »

Enfin, certaines personnes sont exclues du processus de décision. « Je pense notamment aux étrangers ou aux générations futures. Au niveau générationnel, nos décisions sont généralement très égocentrées. On tente d’augmenter notre qualité de vie en augmentant la croissance et la consommation. Mais on le voit, cela fait peser un risque écologique énorme sur la planète. L’objectif devrait être que les générations futures puissent au moins vivre aussi bien que nous. »

Comment remédier à ces défauts ? Tout d’abord en misant sur l’éducation, prône Pierre-Étienne Vandamme, qui compte d’ailleurs devenir enseignant dans le secondaire l’an prochain en plus de son mi-temps en tant que conseiller pédagogique à l’UCL. « L’éducation citoyenne doit permettre de développer la faculté de décentrement des élèves, c’est-à-dire de pouvoir prendre en compte les autres dans sa réflexion, y compris les générations futures. »

Pour réduire le décalage entre les citoyens et les représentants politiques, il préconise la création d’une seconde chambre législative dont les membres seraient tirés au sort. « Cela amènerait aussi de la diversité. »

Il souhaite aussi la mise en place d’un droit au revenu. « La sécurité de revenu est fondamentale. Il n’y a pas de démocratie juste tant qu’on tolère que certains vivent dans la misère. »

Il propose enfin que les citoyens puissent parfois justifier leurs votes. « Cela permet de réfléchir aux raisons qui maturent son vote. Car au final, voter c’est exercer un pouvoir sur les autres. Cela vaut donc la peine de prendre un peu de temps pour y réfléchir. »

Quentin COLETTE (L'Avenir Brabant wallon)

Publié le 18 juillet 2017