Faut-il s’inquiéter de la dette en haus se ? Réponses avec Vincent Bodart et Bertrand Calendon. Sur le terrain, côté étudiant·es entrepreneur·es, l’ardeur est intacte.
La dette ? Une inquiétude mesurée
Depuis le début de la crise covid, les pouvoirs publics dépensent pour soutenir tant les travailleurs que les entreprises à l’arrêt. De 98 % du PIB en 2019, la dette publique belge a grimpé à 115 % en 2020. « Même si une telle hausse de la dette publique peut poser problème dans le futur, explique Vincent Bodart, les circonstances économiques et sociales le justifiaient incontestablement. Sans les mesures prises par l’État, l’impact économique de la crise sanitaire aurait été beaucoup plus important, ce qui aurait d’ailleurs pour effet d’augmenter la dette publique puisque celle-ci dépend de l’évolution de l’activité économique. »
L’économiste se montre peu inquiet, à court et moyen terme. « Avec des taux d’intérêt qui demeurent très bas, l’État s’endette à un taux quasi nul. Le coût de l’emprunt public est ainsi plus faible que la rentabilité des investissements que l’État réalise avec l’argent emprunté. » Dès lors que le niveau des taux d’intérêt devrait rester bas, pas de risque, pour quelques années encore, d’un taux d’endettement qui augmente en raison du poids des charges d’intérêt, d’autant plus qu’on espère retrouver un rythme de croissance économique plus élevé à l’avenir.
En outre, « pour profiter des faibles taux d’intérêt, l’État mène depuis plusieurs années une politique qui vise à allonger la maturité de la dette », poursuit Vincent Bodart. Il s’agit, à travers cette politique, de continuer à bénéficier de taux bas le plus longtemps possible, un peu comme le fait le consommateur qui conclut un emprunt hypothécaire à long terme plutôt que de conclure un emprunt à court terme dont les conditions sont révisées chaque année.
Dominique Hoebeke
Communication UCLouvain Bruxelles
Vincent Bodart est professeur à l’École d’économie (ESL) et chercheur à l’Institut de recherche économique et sociales (LIDAM-IRES) de l’UCLouvain. |
Questionner l'efficacité de la dette publique
«2021 démarre avec les mêmes problèmes qu’en 2019 », affirme Bertrand Candelon, professeur à la Louvain School of Management (LSM), « à savoir une croissance faible – 1,5 % – et une dette en baisse, mais pas assez ». Le chômage sera en augmentation et l’économiste se dit inquiet pour les PME, tout en restant optimiste. « Personne n’aurait osé parier sur un plan de relance pour l’Europe.»
Comment sortir de la crise ? « La Belgique doit prendre des décisions concernant l’efficacité de la dette publique. » Autrement dit, « 1 € de dépense publique doit rapporter davantage qu’1 €, sur base des multiplicateurs que l’on peut calculer pour chaque secteur. Or certains choix sont davantage idéologiques que pragmatiques ». Plutôt que de diminuer les dépenses, Bertrand Candelon plaide pour une stabilisation de la dette, en optimisant les effets multiplicateurs.
Sur le long terme, trois facteurs interviennent pour redresser l’économie, selon le chercheur : l’éducation, l’innovation et les investissements (en particulier les infrastructures). La première, le capital humain, obtient de piètres résultats – « elle est basée sur l’idée d’un élève représentatif, or chaque jeune est différent ». De même, les infrastructures belges sont en très mauvais état.
Bertrand Candelon estime aussi qu’il faudrait davantage de transparence dans les choix économiques, seule à même de limiter le risque de crise démocratique – « la population accepte plus difficilement des choix idéologiques que des choix chiffrés » – et que toute décision devrait être liée à une trajectoire budgétaire. « Les chercheurs développent de nouvelles méthodes d’évaluation, les politiques doivent s’en emparer. » D.H.
Bertrand Candelon est professeur à la Louvain School of Management (LSM), attaché au Louvain Institute of Data Analysis and Modeling in economics and statistics (LIDAM). |
Entreprendre ? Des jeunes super motivés
Avec la crise et ses conséquences difficiles pour les PME et entrepreneurs, « je craignais une chute des inscriptions dans les cours en entrepreneuriat, mais c’est l’inverse qui s’est produit », se réjouit Amélie Jacquemin, sur le campus UCLouvain FUCaM Mons. L’option de master a réuni « 33 étudiant·es hyper motivé·es avec de beaux projets, dont certains créés sans aide, déjà avant les cours », s’enthousiasme la responsable du Student Start Lab. Cet incubateur met en lien des business developers professionnels et les porteurs de projet qui peuvent y réaliser leur stage en mode entrepreneurial une fois les cours achevés.
Sans surprise, le digital est très présent avec davantage de projets d’e-commerce reposant sur le dropshipping*. « Ces étudiant·es développent une expertise pointue dans le digital et nous les mettons en relation avec le plus grand nombre d’expert·es possible », poursuit Amélie Jacquemin.
Les enjeux environnementaux (économie circulaire) et sociétaux (business model one for one – un produit acheté = un produit donné à quelqu’un dans le besoin) sont de plus en plus présents. L’alimentation saine et les produits de bienêtre ont aussi la cote. « Ces étudiant·es se sont interrogé·es sur ce qui les anime. Elles et ils se montrent hyper actifs, très motivé·es, voire pressé·es et veulent créer maintenant ! La crise est une belle fenêtre d’opportunité entrepreneuriale pour nos étudiant·es, mais elle a aussi malheureusement porté un coup d’arrêt à certains projets lancés les années antérieures », conclut l’enseignante. D.H.
Amélie Jacquemin est professeure à la Louvain School of Management (LSM) sur le campus UCLouvain FUCaM Mons, responsable du Student Start Lab. |
* dropshipping ou ‘livraison directe’ : plateforme d’e-commerce qui met en valeur l’offre d’un seul distributeur qui n’en possède pas le stock.
> www.studentstartlab.be
> uclouvain.be/cpme
Article paru dans le Louvain[s] de mars - avril - mai 2021 |