L'économie au service des migrations et des conflits

LOUVAINS

 

Nouveau chercheur qualifié FNRS, Jean-François Maystadt mettra méthodes statistiques, économétrie et démarche qualitative au service de ses passions : l’économie des migrations et l’économie des conflits.

Nouveau chercheur qualifié du FNRS, économiste, Jean-François Maystadt rejoint l’UCLouvain après un détour de près de 10 ans à l’International Food Policy Research Institute (Washington DC), l’Université d’Anvers et l’Université de Lancaster. Sa spécialité ? L’économie des migrations et des conflits. Son port d’attache : le Louvain Institute of Data Analysis and Modeling in economics and statistics (LIDAM).

Sur quoi portent vos recherches ?

Jean-François Maystadt : J’ai travaillé sur l’impact des réfugiés, surtout dans les pays en développement, ainsi que sur les migrants environnementaux. L’autre axe de ma recherche porte sur les causes des conflits et en particulier le rôle des ressources minières et des chocs climatiques dans des pays comme la RD Congo, la Somalie ou le Soudan.

Comment travaillez-vous ?

J-F. M. : Je m’inscris dans le tournant empirique pris par la recherche en économie ces dernières années. Mon champ de recherche est large mais je cherche toujours à tester des hypothèses formulées sur une base théorique, à l’aide de données micro ou satellitaires et de méthodes statistiques ou économétriques. J’aime y associer des approches plus qualitatives, y compris sur le terrain.

Des camps plus peuplés que Charleroi

D’où vient votre intérêt pour les migrations ?

J-F. M. : Outre un superviseur de thèse exceptionnel, le Pr Jacques Thisse, l’élément déclencheur, ce sont les énormes photos de camps de réfugiés de Salgado vues alors que je m’intéressais à l’économie urbaine. Lors de ma thèse, j’ai eu l’occasion de visiter des camps de réfugiés en Tanzanie qui accueillaient entre 200 et 300 000 personnes, soit une population plus importante que celle de Charleroi par exemple ! Cela modifie complètement la perception d’un tel phénomène.

Quelles recherches plus précises mènerez-vous à l’UCLouvain ?

J-F. M. : L’UCLouvain a une grande expertise en matière de migration. Je vais tenter de comprendre l’impact structurel des réfugiés dans les pays à faible et moyen revenu. On sait déjà qu’ils contribuent à l’économie locale avec des effets redistributifs via le marché du travail : certains bénéficient d’une main-d’oeuvre bon marché alors que d’autres subissent une concurrence accrue. On a pu également observer des effets positifs sur l’économie locale plus de dix ans après que les réfugiés ont été rapatriés, ce qui suggère que cela se joue aussi en dehors du marché de l’emploi. Futurs projets ? L’impact de la présence de réfugiés sur la santé ou sur l’utilisation des sols agricoles. Sur base d’études de cas en Afrique et au Moyen-Orient, j’étudierai aussi l’importance de la régulation du marché du travail. Enfin, une idée circule selon laquelle les réfugiés propagent les conflits, en altérant la confiance entre les groupes. J’aimerais aborder cette question, la confiance, dans ce contexte particulier.

Des réponses rarement définitives

Vous travaillez sur des thématiques qui sont au cœur de l’actualité et qui divisent…

J-F. M. : Je suis attiré par les sujets qui m’intéressent en tant que citoyen. Une difficulté, c’est de se limiter à son expertise au moment d’en discuter hors du cadre académique. J’ai beaucoup travaillé sur l’Afrique, aujourd’hui sur le Moyen-Orient. Et je tiens à dire que 85 % des réfugiés vivent dans des pays pauvres, des pays voisins et parfois en guerre. Donc je ne suis pas compétent pour donner un éclairage sur la question des réfugiés en Belgique, même si j’ai ma propre opinion. Ce qui compte pour moi, c’est d’être le plus clair possible sur ce qu’on connait ou pas, identifier des choix et leurs possibles conséquences, sans pour autant se poser en donneur de leçons. Comme nous le démontre l’actualité récente, le monde est incertain et les réponses aux questions qu’on se pose en tant que chercheur, sont rarement, voire jamais, définitives.

Propos recueillis par Dominique Hoebeke

Quatre autres chercheurs qualifiés FNRS entament un mandat à l’UCLouvain : > uclouvain.be/nouvelles-expertises 

> https://jmaystadt.wixsite.com/website
> uclouvain.be/lidam

Article paru dans le Louvain[s] de septembre-octobre-novembre 2020