‘L’UCLouvain vous soutient’ : l’université s’engage à lutter contre toutes les formes de discrimination et, en particulier, pour cette première campagne, contre le harcèlement sexuel.
Un message fort de l'université
‘Encore sa main sur mon épaule’. ‘Des regards insistants et équivoques’. ‘Des commentaires sur mon physique’… voilà quelques-uns des slogans qui fleurissent actuellement sur les différents campus de l’UCLouvain. « Cette campagne témoigne de l’engagement de l’université à lutter contre toutes les formes de discrimination et, cette année en particulier, le harcèlement sexuel », explique la Pre Tania Van Hemelryck, conseillère du recteur à la politique de genre. Interpellée il y a plusieurs mois par des membres du personnel et des étudiant·es, l’UCLouvain a renforcé le dispositif en cas de harcèlement. Outre les règles en matière de prévention et de traitement des risques psycho-sociaux, qui protègent le personnel dans le cadre strict de la législation sur le travail, un dispositif est désormais précisé pour les étudiant·es : il comprend un réseau de personnes de confiance ainsi qu’une cellule centrale d’aide et d’accompagnement spécialisée liée au Service d’aide aux étudiant·es de l’université.
« Il ne faut pas croire que le monde académique est un monde idéal, instruit, policé », détaille Tania Van Hemelryck. « C’est une micro-société encore trop andro-centrée et patriarcale, fondée sur des rapports d’autorité ». Or, l’université a pour objectif de promouvoir un environnement de travail, d’études et de vie dans lequel tous et toutes se sentent respectés, égaux, libres et en sécurité.
« L’UCLouvain a opté pour un message fort, engageant et positif », ajoute la conseillère. La campagne sera déclinée chaque année pour contrer d’autres discriminations, comme celles qui concernent l’orientation sexuelle.
Dominique Hoebeke
Cheffe info UCLouvain
« Privilégier la dignité des personnes victimes »
« L’université n’est pas à l'abri du sexisme ordinaire, c'est un espace public comme un autre », pose Perrine Pigeon, membre du groupe de travail harcèlement et co-responsable, avec Christine Frison, du groupe de travail ‘genre’ mis sur pied par le corps scientifique (CORSCI). Ces dernières années, plusieurs doctorantes harcelées moralement ou sexuellement ont demandé de l'aide. « La plupart ont peur des représailles. Elles se disent en position de faiblesse compte tenu des liens de dépendance, notamment financiers et intellectuels, vis-à-vis de la promotion de leur thèse. » Or ces cas sont très souvent passés sous silence. « D’autre part, nous avons constaté que les personnes de confiance ne sont pas formées et n'ont pas les outils nécessaires pour prendre en charge des dossiers de harcèlement sexuel. La médiation, parfois encouragée, mettait la victime face à son agresseur afin de rechercher une solution à l'amiable. » Cependant, cette démarche est proscrite par la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe*, en vigueur en Belgique (2016) et juridiquement contraignante. Le CORSCI a demandé que la médiation soit bannie.
Dans une société patriarcale – l'université en est un des maillons – on attend des victimes qu'elles intériorisent la violence subie. « L’université ne peut leur infliger cette double peine, elle doit au contraire défendre leur dignité », poursuit Perrine Pigeon. « La solidarité doit être effective, non pour protéger une réputation collective ou des carrières individuelles, mais pour accompagner et mettre en sécurité ceux·elles qui éprouvent cette violence au quotidien. »
Catherine Ernens
Journaliste
* Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
Un rapport de pouvoir
Patrizia Romito, déléguée pour l’Égalité des chances à l'Université de Trieste, a initié plusieurs formations et lancé une étude qualitative en recueillant les témoignages de victimes. Il y a encore du chemin à parcourir mais la présence, à Trieste, d’une conseillère de confiance – une avocate féministe qui connaissait bien le milieu universitaire – a énormément aidé. « À la base du harcèlement sexuel ou sexiste, il y a toujours un rapport de pouvoir, indique Patrizia Romito. Le harcèlement sexuel a plusieurs facettes et plusieurs motivations : la prédation sexuelle ; la volonté de ‘remettre à sa place’ une femme qui ose sortir du rôle subordonné qui lui a été assigné ; c’est aussi parfois une manière de renforcer les liens d’homosociabilité du groupe d’hommes. » Le harcèlement sexuel ne concerne pas seulement les professeur·es et les étudiant·es, il est fréquent aussi entre étudiant.es. « Le cas le plus fréquent est un homme qui harcèle une femme, mais il existe aussi, et même assez souvent, des situations où une femme qui a plus de pouvoir harcèle un homme. » Or sexisme et harcèlement sexuel sont des instruments de discrimination. Patrizia Romito suggère plusieurs pistes pour affronter cette réalité. Il s'agit d'établir un parcours clair, accessible et transparent pour les personnes qui veulent se confier, parler, dénoncer. Il faut être clair sur les règles et sur les sanctions. Il est aussi crucial que les dirigeants (le recteur, les directeur·rices des départements, la·le chef·fe du personnel) s’expriment clairement contre le harcèlement et soient formé·es. C.E.
Article paru dans le Louvain[s] de septembre-octobre-novembre 2019 |